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L’École de la Laine fait vivre un artisanat d’art oublié
L’École de la Laine, située à Vasles (Deux-Sèvres), propose depuis 1990 des formations à un art devenu rare, le travail de la laine. Depuis le confinement de 2020, ces formations attirent de plus en plus de personnes, fascinées par cette matière.
L’École de la Laine, située à Vasles (Deux-Sèvres), propose depuis 1990 des formations à un art devenu rare, le travail de la laine. Depuis le confinement de 2020, ces formations attirent de plus en plus de personnes, fascinées par cette matière.
Un métier à tisser, un rouet, des étoffes de toutes les couleurs… Non, ces objets ne se trouvent pas dans un musée sur les métiers manuels du siècle passé, mais dans un centre de formation bien actif. L’École de la Laine, à Vasles, forme à toutes les étapes de transformation de ce matériau naturel. Cardage, filage, teinture et tissage sont enseignés depuis les années 1990.
Portée par l’ancien maire de Vasles, Gilles Parnaudeau, au sein de Mouton Village, l’École de la Laine est devenue une association à part entière en 2006. « Notre mission est de maintenir et transmettre les savoir-faire de cet artisanat d’art. Le filage et le tri ne sont plus reconnus comme des métiers, mais le tissage l’est encore », explique Lauren Back, responsable des formations.
Il y a vingt ans, quand je disais à la fac que je tissais pendant mes loisirs, on me prenait pour un Ovni ! Depuis six ans, la laine connait un très fort engouement."
Née au Royaume-Uni d’une mère tisserande et teinturière, Lauren Back découvre en France que le travail de la laine a été moins préservé. Toutefois, l’intérêt pour cette matière ressurgit depuis une dizaine d’années : « Il y a vingt ans, quand je disais à la fac que je tissais pendant mes loisirs, on me prenait
pour un Ovni ! Depuis six ans, la laine connait un très fort engouement, témoigne-t-elle. Aujourd’hui, notre école est plus facilement entendue. Pôle Emploi prend davantage au sérieux les demandes des personnes pour un accompagnement financier. Il y a quelques années, quand on demandait un financement, on nous riait au nez ».
Ces deux dernières années, le nombre de stagiaires a doublé."
La crise sanitaire, avec son lot de confinements, a suscité une recherche de sens dans l’activité professionnelle, avec une appétence particulière pour l’artisanat. « Ces deux dernières années, le nombre de stagiaires a doublé, constate Lauren Back, qui explique aussi cette croissance par la présence de l’école sur les réseaux sociaux. Nous voyons beaucoup de personnes qui souhaitent changer de parcours de vie. Elles ont vu un reportage ou touché de la laine et veulent savoir d’où elle vient ». Des candidats se trouvent sur liste d’attente et l’École lance le recrutement de nouveaux formateurs.
La filière de la laine bouge à petite échelle en France. Aux trois filatures encore existantes, Terrade et Fonty dans la Creuse et celle de Niaux en Ariège, deux microfilatures se sont implantées récemment en Gironde et en Bretagne.
Au fil d’une rencontre
Considérée comme un déchet, la laine encombre souvent les éleveurs, pour qui le coût de la tonte revient plus cher que le prix de la vente. « Quand un éleveur voisin ne sait pas quoi faire de ses toisons, ça provoque souvent une étincelle », observe Lauren Back.
Dans l’Ariège, Marie Delpas a étoffé la gamme de sa boutique Le bonnet des montagnes après une rencontre avec un éleveur : « Il avait de la laine à donner. J’ai suivi une première formation pour apprendre à trier et filer. J’ai découvert sur place le tissage et c’est devenu une passion ! » À ses bonnets tricotés, elle ajoute aujourd’hui des plaids et écharpes tissés à la main, ce qu’apprécient ses clients.
Ce qu’on apprend ici est vraiment pointu, on va à un degré de précision que je n’ai pas vu ailleurs."
Pour parvenir à ce résultat, patience et minutie sont de mises : « J’ai besoin de trois à quatre jours pour tisser un petit plaid. Le fait main plaît », assure-t-elle. À l’École de la Laine, elle a trouvé un cadre professionnel pour acquérir ces nouvelles compétences : « Ce qu’on apprend ici est vraiment pointu, on va à un degré de précision que je n’ai pas vu ailleurs. Les tuto de fabricants de métiers à tisser ne sont pas aussi précis. C’est ce qui m’a plus ».
Aujourd’hui formatrice à l’École de la Laine, Caroline Schweitzer a commencé par s’y former. Là aussi, une rencontre avec un éleveur a été déterminante : « Lucas, le tondeur du village, m’a donné de la laine. Elle était de très mauvaise qualité, mais je ne le savais pas à l’époque. On a essayé de la carder comme on pouvait en famille ! Ensuite, j’ai acheté un rouet », raconte-t-elle.
Psychomotricienne avant de devenir éducatrice spécialisée, Caroline partage aujourd’hui son expérience lors des formations laine-animation. « Je m’adresse à des éducateurs ou des éleveurs qui souhaitent accueillir du public, pour leur donner des repères dans l’organisation des ateliers ». Elle-même anime des ateliers autour de la laine dans des foyers de vie, des écoles ou auprès du grand public du côté de Nantes.
Les enfants sont hypnotisés par le rouet qui tourne ».
Elle constate que la laine fascine : « Avec les personnes du foyer de vie, on a touché ensemble la toison brute, qui est sale, collante… et la laine cardée, très douce. C’était assez magique. Les enfants eux sont hypnotisés par le rouet qui tourne ». Même à petite échelle, Caroline considère qu’il est important de valoriser la laine : « La filière se reconstruit grâce à des petites initiatives, à une échelle très locale ».
À son niveau, l’École de la Laine s’est engagée depuis un an dans un maillage territorial autour de la transformation de la laine. Au printemps 2022, elle doit organiser un chantier de tonte avec des éleveurs de la Caveb.
Dans la laine, tout est bon ! À la seule condition de lui trouver un débouché : « Les laines de pays, rustiques, ne seront pas destinés à l’habillement, mais plutôt à l’isolation, le rembourrage de matelas, pour faire des tapis, des rideaux… », énumère Lauren Back, tisserande et teinturière, fondatrice de La maison des fibres. Dans la région Grand Est, des essais sont menés pour valoriser la laine sous forme d’engrais dans le cadre du projet Défi Laine. Dans les élevages de moutons, la sélection ne valorise pas la qualité de la laine en France. Des petits élevage subsistent avec des races de moutons connues pour produire des laines très douces, comme le mérinos, le mohair ou encore le cachemire, ainsi que d’autres espèces comme la chèvre angora, l’alpaga ou le yack.