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Les secrets du changement climatique 3/12
Calendriers culturaux : vers une révolution ?

À la mi-juin 2022, les moissonneuses étaient déjà au travail dans les plaines céréalières du Poitou. Qu'y avait-il de remarquable à cela, direz-vous ? La date : une bonne quinzaine de jours d'avance sur une année normale. Début septembre 2022, ce fut au tour des vendanges de débuter précocement dans le Cognaçais et le Haut Poitou avec une vingtaine de jours d'avance. Et en élargissant le panorama, on pouvait constater que toutes les cultures étaient concernées par ces récoltes précoces, non seulement en Nouvelle-Aquitaine, mais aussi ailleurs en France et en Europe ! Force est de l'admettre, ces dernières années, les cycles culturaux se sont raccourcis, même si certaines années échappent à constat. Que se passe-t-il donc ? Pourquoi les récoltes sont-elles devenues si précoces ? Les cycles culturaux se sont-ils détraqués ? Aucun dysfonctionnement des cultures à rechercher !

  • + 500°CJ b6
    C'est l'accroissement constaté de disponibilité thermique pour une culture de maïs à Poitiers entre 1973 et 2024.

Au contraire, nos espèces cultivées continuent de répondre à la même règle : la température (et aussi la durée du jour pour certaines espèces) détermine la vitesse à laquelle les plantes se développent. Par contre - et chacun d'entre nous le ressent au quotidien - ce qui évolue ce sont les températures auxquelles sont exposées les cultures durant leur cycle, celles-ci s'étant accrues sous l'effet du changement climatique. Ainsi, à Poitiers par exemple, la quantité de chaleur disponible pour une culture du maïs s'est accrue de près de 500°CJ base 6 entre 1973 et 2024 ! En conséquence de quoi les cycles culturaux se déroulent actuellement plus rapidement qu'autrefois. Seules quelques années plus fraîches font exception à cette tendance, comme ce fut le cas en 2010, 2013 ou encore 2021.

Trois stratégies envisageables

Quelles conséquences cette évolution des températures - et ses effets associés sur la durée des cycles culturaux - aura-t-elle sur les pratiques culturales qui pourront être adoptées dans notre région au cours des prochaines décennies ? Trois stratégies se dégagent.

L'une consiste, pour une espèce déjà cultivée en un lieu donné, à utiliser des variétés "plus tardives" qu'autrefois, ayant donc un potentiel de rendement plus élevé. Inconvénient majeur de cette option, l'augmentation des besoins en eau de ces cultures liée au maintien d'un cycle relativement long sous un climat qui exercera une demande évaporative plus forte qu'aujourd'hui. À proscrire comme règle générale en cultures annuelles, mais envisageable dans des situations où la fourniture en eau peut être garantie. En viticulture, le choix d'un matériel végétal plus tardif (sous réserve du respect des règles d'appellation) pourra freiner la précocification de la date de vendange, ce qui réduira le risque de trop fortes températures lors de la récolte. Une deuxième stratégie consiste, pour une espèce déjà cultivée en un lieu donné, à amplifier le raccourcissement des cycles culturaux provoqué par le changement climatique en utilisant des variétés "plus précoces" qu'autrefois. Ce faisant, on pourra mettre la culture à l'abri d'un aléa climatique préjudiciable. En blé tendre par exemple, dont les rendements ont été durement impactés ces dernières années par le phénomène d'échaudage des grains, on parviendra à réduire le nombre de jours échaudants auxquels est exposée la culture si l'avancement de la phase de remplissage des grains est d'au moins 3 à 4 jours (suivant le lieu) en 2030, et d'au moins 9 à 15 jours (suivant le lieu) en 2050 par rapport à 1990. Autre avantage, le raccourcissement des cycles culturaux entraîne une diminution de la consommation d'eau qui pourra s'avérer utile dans les situations sous forte contrainte hydrique. Une troisième stratégie consiste à introduire de nouvelles espèces, qui ne disposaient pas jusque-là dans notre région de la quantité de chaleur nécessaire pour l'accomplissement complet de leur cycle cultural. On pense par exemple au soja, dont la faisabilité thermique s'accroît en Nouvelle-Aquitaine au fur et à mesure que le changement climatique fait grimper les températures. Pour cette culture cependant, les conditions hydriques seront un élément aussi important que les températures pour l'obtention d'une production satisfaisante. Ainsi, par son effet sur la durée des cycles culturaux, le changement climatique rebat progressivement les cartes des choix d'espèces et de variétés envisageables dans notre région.

Les raccourcissements se poursuivront

Comment les agriculteurs néo-aquitains doivent-ils aborder ce processus ? Avec au moins trois lignes directrices. D'abord, en sachant que ces raccourcissements des durées de cycles se poursuivront jusqu'au milieu du siècle au moins, ce qui ouvre progressivement la porte à des changements significatifs de variétés et d'espèces. Ensuite, en se rappelant que certaines années plus fraîches toujours possibles (2024 par exemple), ne doivent pas faire oublier la tendance de fond qui est celle du réchauffement. Enfin, en considérant aussi les autres déterminants climatiques de la production agricole tels que risques de gel ou conditions hydriques. Alors, faut-il nous attendre à une révolution des calendriers culturaux sous l'effet du changement climatique ? Une révolution, pas forcément. Mais année après année, décennie après décennie, pour valoriser au mieux les possibilités offertes par le changement climatique, les agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine seront amenés à faire évoluer significativement leurs calendriers culturaux.

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