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« Ce courrier, je ne le voulais pas polémique »

Mi-août, Éric Pannaud, maire de Chaniers, a envoyé une lettre aux agriculteurs de la commune pour leur demander de reporter certains travaux pour préserver la tranquillité des riverains. Un message mal perçu par la profession.

Éric Pannaud est maire depuis 2014. Chaniers, bien que périurbaine, est étendue avec de petits villages dispersés. « Toutes les maisons d’une commune comme Chaniers ont une culture au bout du jardin », schématise-t-il.
Éric Pannaud est maire depuis 2014. Chaniers, bien que périurbaine, est étendue avec de petits villages dispersés. « Toutes les maisons d’une commune comme Chaniers ont une culture au bout du jardin », schématise-t-il.
© AC

Les problèmes de voisinage, Éric Pannaud les connaît bien. « J’ai un message chaque semaine : mails, interpellations dans la rue, coups de téléphone… », explique le maire de Chaniers. Dans la « commune aux cent villages », qui abrite plus de 3500 habitants en milieu rural entre Saintes et Cognac, les soucis de cohabitation entre agriculteurs et riverains prennent parfois de l’ampleur. Dernier exemple en date le 8 août : « un entrepreneur qui épand des amendements, avec un nuage noir de 45 à 50 m de haut ». Le vent joue un mauvais tour : « le produit s’est élevé, mais il est retombé sur les sept à huit maisons à côté ». Résultat : un nuage de brume qui oblige à rouler phares allumés en plein jour et des retombées peu appréciées par les habitants. « J’ai des gens qui avaient invité des amis à l’extérieur pour un barbecue, et qui ont dû jeter la totalité des aliments. D’autres riverains ont dû nettoyer la totalité de leur terrasse, de leurs voitures. »
Cet événement décide le maire à écrire un courrier à la trentaine d’agriculteurs travaillant sur la commune. Évoquant les désagréments causés « à une période importante de vacances durant lesquelles les Chagnolais ont pris l’habitude de vivre sur les terrasses, les jardins ou les bords de piscine », il demande de reporter si possible les travaux agricoles en cas de conditions météorologiques risquant gêner les habitants et « d’éviter, sauf en cas de récolte, les travaux en-dehors des heures dites ‘‘normales’’ ». Relayé sur les réseaux sociaux, le texte suscite de nombreux commentaires acerbes de la part de professionnels.

Des réunions organisées dès 2016

Mais le contexte complique une ‘‘affaire’’ qui pourrait passer pour de l’agribashing. En premier lieu, les habitations touchées ne correspondent pas du tout au cliché du pavillon gagné sur les terres agricoles : ce sont des habitations anciennes, d’un des villages à l’écart du bourg central. Et, si Chaniers est touché par la périurbanisation – c’est la deuxième commune de l’aire urbaine de Saintes –, son maire ne répond pas non plus au cliché du citadin venu s’installer à la campagne. Et pour cause : depuis trente-cinq ans, Éric Pannaud travaille au Service commun informatique des coopératives, à l’UDCA de Fontcouverte. Il côtoie des agriculteurs au quotidien, connaît les difficultés du métier et ne veut surtout pas tomber dans les clichés. « Le corps agricole doit mieux se faire comprendre », explique-t-il, mettant en avant les efforts qui ont été faits. « Aujourd’hui, la plupart des agriculteurs s’équipent dans les vignes avec des panneaux récupérateurs, mais ils ne savent pas ‘‘vendre’’ ce genre de choses. »
Chaniers travaille pourtant depuis longtemps aux bonnes relations entre agriculteurs et riverains. Dès 2016, Éric Pannaud avait organisé plusieurs réunions entre ces deux mondes, insistant alors sur la nécessité pour les professionnels de communiquer sur les pratiques, les contraintes et les efforts du milieu agricole. Océalia y avait participé. « Je souhaitais qu’il y en ait d’autres, explique le maire, mais il faut aussi que les agriculteurs prennent l’initiative. » La famille Gazeau, qui possède des vergers dans le nord de la commune, a ainsi beaucoup travaillé aux relations avec son voisinage. « On est entourés par pas mal de riverains, explique Bertrand Gazeau, qui gère le site depuis un an. On applique donc pas mal de règles de bon sens. » Des filets anti-dérives ont ainsi été installés entre les arbres et les habitations du Maine-Allain, et l’exploitation participera à l’opération nationale ‘‘Vergers ouverts’’ des 14 et 15 septembre prochains. « C’est pour que nos voisins – et pas seulement – puissent découvrir nos vergers, nos métiers. » Une expérimentation de la libre cueillette est aussi envisagée. Les relations sont aussi renforcées par la présence d’un point de vente fruits et légumes. « On est bien intégrés grâce au magasin. Nos voisins sont aussi nos clients. » L’exploitation respecte la charte ‘‘Vergers écoresponsables’’ depuis ses débuts, s’apprête à passer en HVE, mais n’est pas en agriculture biologique. « La majorité des voisins n’ont pas de problème, et pourtant un arboriculteur, ça traite ! Avec cette communication, les gens comprennent que pour avoir des pommes, des poires, il faut un peu de produits… » souligne Éric Pannaud.

À la recherche de solutions pour la cohabitation

Plutôt que la confrontation, le maire prône donc un contact renoué entre agriculteurs et riverains. « Moins il y a d’informations, plus les gens s’écartent », assure-t-il. Des propos conciliants qui contrastent avec la perception de son message par la profession, même s’il s’en défend. « Ce courrier, je ne le voulais pas polémique, ce n’était pas mon souhait. J’ai eu quelques agriculteurs au téléphone et ça ne leur a pas posé de problème du tout. » L’an dernier, il s’était rendu chez les agriculteurs sujets à des plaintes en personne, une solution que la profession aurait sans doute mieux acceptée cette année. Il continuera malgré tout de prôner des solutions de cohabitation, appelant les habitants à respecter et comprendre le travail des agriculteurs, mais aussi ceux-ci à ne pas oublier trop vite leurs voisins. Par exemple, « pendant les récoltes de matières sèches, je comprends qu’on travaille la nuit », explique-t-il ; mais il préférerait que le reste du temps les parcelles les plus proches des habitations soient épargnées pendant les heures de sommeil des riverains, « qui travaillent aussi ». « C’est compliqué de prendre en compte ces paramètres-là », reconnaît-il volontiers. En face, la ville va faire aussi d’importants efforts pour préserver l’activité et « organiser un plan local d’urbanisme qui tienne compte de ces problématiques », avec trois fois moins de terres consommées qu’au cours des quinze dernières années, mais aussi la préservation des barrières végétales et espaces boisés.

 

Un arrêté « complètement aberrant »

Éric Pannaud ne veut pas de solutions extrêmes et trouve par exemple l’arrêté anti-pesticides du maire de Langouët « complètement aberrant » : « l’arrêté préfectoral qui existe établit déjà une limite. Aujourd’hui un maire ne peut pas rédiger un arrêté de ce type-là. C’est par d’autres moyens qu’on sortira de ces problèmes. » Il alerte toutefois : « le législateur va s’emparer de ce sujet. Les agriculteurs ont intérêt à faire des propositions rapidement. »
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