Ceser : un nouveau président pour 4 défis
Yves Jean, ancien président de l'Université de Poitiers, siège au Conseil économique et social régional de Nouvelle-Aquitaine depuis 2014. Il vient d'en être élu président. Il revient sur les dossiers majeurs sur lesquelles l'instance régionale devra selon lui se pencher.
Comment présenteriez-vous le Conseil économique et social régional ?
C'est un laboratoire d'idées. L'instance est constituée de représentants de la société civile à travers les différents collèges, qui expriment les attentes et les préoccupations des citoyens, dans le but de faire évoluer les politiques publiques. Avant chaque session du Conseil régional, le Ceser émet des avis sur les points qui seront ensuite abordés par les élus. La prochaine session aura lieu le 5 mars, principalement sur des sujets de formation et de développement économique. Nous fonctionnons aussi sous la forme de saisine ou d'autosaisine sur certaines thématiques.
Vous parlez de 4 défis à relever pour les 5 prochaines années. Quels sont-ils ?
Le premier est en lien avec ce que je viens de dire. C'est un défi démocratique. Aujourd'hui nos élus le sont avec 15 à 20 % des voix des inscrits et cela doit inciter nos élus à mieux prendre en compte les instances comme le Ceser, ou les conseils de développement, qui représentent la société civile, et donc les citoyens, pour qu'ils se sentent entendus.
Vous avez l'impression que vos avis sont pris en compte ?
Il y a une reconnaissance de plus en plus grande par les élus du Conseil régional. La dernière mandature du Ceser a été écoutée et ses avis et recommandations ont été suivis de décisions, notamment dans le cadre de la feuille de route Néo Terra dans la lignée d'une autre feuille de route, portée par le Ceser et baptisée "Néo Societas", dédié aux attentes de transformation sociale et aux enjeux d'égalité.
Revenons aux défis pour le Ceser. Après le défi démocratique, quels sont les 4 autres ?
Ce sont des défis pour répondre à des crises ou bouleversements multiples. La crise écologique et environnementale, d'abord, et, entre autres les tensions autour de la gestion de l'eau. Je pense que l'eau est un bien commun qui doit échapper à la loi du marché. Je suis ce qui se passe dans la Vienne autour des problématiques d'irrigation. Un certain nombre d'agriculteurs mais aussi d'entreprises ont engagé un tournant mais à mon sens il y a une obligation de changement de comportement de tous les côtés. Le Ceser devra poursuivre son travail sur cette question. Autre question : la révolution numérique et les conséquences du développement de l'intelligence artificielle, plus rapide que l'on aurait pu penser, mais aussi de la télémédecine, du télétravail. C'est un bouleversement des rapports à l'espace et au temps mais aussi des rapports humains qui produiront de nouvelles activités sur les territoires. Il y a enfin la crise sociale. Le Ceser a déjà travaillé sur un rapport sur la pauvreté et le Conseil régional avait là encore repris certaines de nos propositions. Nous pourrons poursuivre le travail sur certaines conséquences et notamment l'illectronisme, un véritable fléau qui touche aujourd'hui 30 % de la population et qui empêche, de fait, l'accès à certains services. C'est inquiétant et cela accentue aussi la fracture sociale et territoriale.
Est-ce que le Ceser a prévu des travaux sur l'agriculture, au regard de la crise révélée par la mobilisation des agriculteurs ?
Nous avons publié un travail sur l'agriculture en mars 2021 qui s'intitule : "Pour un nouveau pacte social. Réaliser la transformation agro-écologique en Nouvelle-Aquitaine. Le Ceser y déclinait un projet en plusieurs axes qui visait notamment à faire de l'alimentation un bien commun et à poser les bases d'un changement de modèle agricole et alimentaire. Et l'objectif de mieux organiser la mise en marché des produits alimentaires, et mieux rémunérer les producteurs de notre région ou encore de définir et mettre en œuvre un Plan Alimentaire Nouvelle-Aquitaine 2050. Notre publication est consultable sur le site internet* et puisque vous demandiez si nous étions entendus et suivis, il faut noter dans le prochain règlement d'Intervention des aides régionales économiques et environnementales, voté en mars, un des objectifs : "Déployer des mesures agroécologiques et gérer de façon durable les ressources (foncier agricole, ressources halieutiques, forêts...)".
Vous disiez que les avis du Conseil économique et social régional (Ceser) étaient pris en compte. Pensez-vous que votre travail est aussi assez reconnu par les citoyens ?
Disons que notre travail n'est peut-être pas assez connu et que c'est peut-être un cinquième défi : renforcer nos liens avec les territoires, à travers notamment les conseils de développement qui ont la même vocation dans les communautés de communes ou urbaines de la région. Il nous faut aussi mieux diffuser nos rapports pour une meilleure appropriation par les élus locaux et les citoyens et, de notre côté, encore mieux nous appuyer sur ce qui se passe dans les territoires.