Terrenales
L’agriculture de demain aura encore plus besoin de matière grise
Plus de 10 000 visiteurs se sont déplacés à Saint-Jean-de-Linières (49) pour le premier rendez-vous de l’agriculture écologiquement intensive, organisé par Terrena.
Jeudi après-midi, sur l’atelier « Intensifier les fonctionnalités du sol et déplafonner les rendements ». Daniel Tessier, directeur de recherche de l’Inra de Versailles, parle de la « fatigue des sols » devant une tribune pleine et attentive : « Depuis une dizaine d’années, on constate un plafonnement, voire une diminution des rendements des cultures hivernales, blé, colza, orge… Le sol a vu ses principales fonctions se dégrader. Nous avons oublié les fondamentaux, il faut recréer un environnement favorable au développement de l’activité biologique ». Cela passera par un changement de pratiques agricoles (encore plus de chaulages, des rotations, des techniques culturales simplifiées…). À quelques dizaines de mètres, sur l’espace Biodiversité, il est aussi question de nouvelles pratiques culturales. Nicolas Beaumont, de la Fédération de la chasse et Laurent Tertrais, de l’association Éden 49 (Étude des équilibres naturels), expliquent aux visiteurs l’utilité des carabes, ces précieux auxiliaires de cultures, prédateurs des ravageurs. « Pour favoriser leur développement, il est conseillé de limiter la destruction des zones d’abris, comme les talus, les haies… mais aussi de semer des bandes enherbées de fétuque ou de dactyle en bordure et en milieu de parcelles. En outre, leur implantation est favorable à la faune sauvage », présentent-ils. Des bandes enherbées de six mètres à l’intérieur d’une parcelle, cela représente un vrai changement d’habitudes. Quelques agriculteurs du Maine-et-Loire l’ont déjà adopté. « Plus on favorise la biodiversité, moins il y a de risque qu’un ravageur prenne le pas sur un autre », poursuit Laurent Tertrais. Ces exemples démontrent combien l’agriculture de demain ne pourra pas se passer d’une approche complexe. C’est aussi ce qui a été souligné lors de la table ronde consacrée à l’Agriculture écologiquement intensive, un des temps forts de la manifestation.
« L’AEI demande un effort intellectuel important », a dit Michel Griffon, président de l’association AEI. L’AIE est « intensive en intelligence, créativité, initiatives ». Loin de préconiser des recettes toutes faites, elle s’appuie sur l’imitation des mécanismes de défenses à l’œuvre dans la nature et suppose de bien les connaître pour les maîtriser. Il s’agit, en résumé, de « faire travailler mieux la nature pour que cela nous coûte moins cher ». Hubert Garaud, président de Terrena, renchérit : « Désormais, avant d’utiliser tel ou tel outil, il faudra s’interroger sur ses pratiques. Il n’y a plus de modèle unique ». « Une telle approche exige une formation sans cesse renouvelée des agriculteurs », a insisté pour sa part Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA mais aussi présidente de Vivéa.
« Pousser cette idée »
Est-ce le bon moment pour promouvoir l’agriculture écologiquement intensive dans le contexte économique actuel ? L’urgence n’est-elle pas le revenu des agriculteurs ? La question a été posée lors de la table ronde. Pour Christiane Lambert, « il ne faut pas attendre. Terrena a raison de pousser cette idée parce que le monde bouge ». Même si, la question de la rémunération des agriculteurs reste au cœur du sujet, comme l’a souligné la géographe Sylvie Brunel : outre la révolution de type environnemental, une « révolution des prix est nécessaire afin de rémunérer les campagnes ». « Il faut que les agriculteurs reprennent la parole, l’offensive ». Des paroles suivies d’applaudissements.