Le lablab, une solution exotique
Cette plante africaine, cultivée en association avec du maïs, pourrait renforcer les apports protéiques, améliorer la digestibilité… et permettre de limiter les achats de soja.
Les débats sur la déforestation amazonienne ont ranimé cet été une vieille question agricole : celle de l’autonomie protéique. Comment assurer l’indépendance franco-européenne en la matière ? Comment rendre les exploitations davantage autosuffisantes ? C’est une légumineuse estivale d’origine africaine, le lablab, qui pourrait apporter un début de solution, avec sa variété Rongaï. « C’est le concurrent du soja américain », avance François Barbarin, délégué régional de Semental. « Le but du lablab, c’est de gagner en autonomie protéique, avec une protéine peu chère, produite sur place. »
En Australie, le lablab est souvent cultivé en pâturage, en couverts végétaux ou pour la consommation humaine. Là-bas, la plante donne naissance à des gousses, renfermant des graines consommables ; mais le développement de la fleur est avorté sous nos latitudes, faute de sommes de températures assez élevées. « Du coup, la plante est très digestible, car elle ne se lignifie pas, et la protéine reste dans les feuilles », note François Barbarin. Mais ce côté tropical n’a pas que des avantages, car il rend le lablab particulièrement sensible au froid. « J’ai un client dans le marais qui a semé début avril, relate David Mignon, technicien chez Soufflet. Le lablab a levé, mais on a eu un coup de froid, de petites gelées matinales. Le lablab n’a pas disparu, mais ça l’a stoppé net et le maïs a largement pris le dessus… » Le lablab n’entrave pas le développement du maïs (même s’il peut le ralentir au départ, comme l’a relevé Frédéric François de l’EARL Le Grand Réhon) car sa croissance est très lente au départ. « Ce n’est qu’à partir de fin juillet – début août qu’il grimpe rapidement dans le maïs qui lui sert de tuteur », explique François Barbarin. « Ce n’est pas concurrentiel vis-à-vis de la floraison et de la fécondation de votre maïs et donc de sa productivité. »
Au niveau nutritionnel, « c’est plus de protéines (MAT), de 1 à 4 points de protéines pures, et c’est aussi plus de digestibilité : vous gagnez en fibres (NDF) et en digestibilité de la fibre (dNDF). Systématiquement on gagne trois à quatre points de digestibilité dNDF dans la partie fibre de votre ensilage, sachant qu’un point de gagné c’est de l’énergie en plus, et du lait en plus pour ceux qui en font. » D’autres aspects peuvent intéresser les éleveurs : « un maïs en pur c’est un point de calcium, alors qu’associé à du lablab c’est 5 à 6 % de calcium. C’est donc moins de minéraux à parler, et moins de soja. » L’association fait aussi baisser le niveau de matière sèche (MS) du fourrage, permettant de réhydrater un ensilage maïs trop sec, ainsi que le taux d’amidon, réduisant du même coup le risque d’acidose. Si le lablab n’est pas ‘‘la’’ solution miracle pour stopper les importations de soja, il apparaît donc comme une piste intéressante pour la diversification des apports nutritionnels des élevages.