Le tourteau fromagé, cheesecake du Poitou
Il doit sa notoriété à sa belle croûte noire qui cache un cœur délicat : le tourteau fromagé est emblématique du sud Deux-Sèvres et représente la gastronomie issue des fermes caprines poitevines.
Il doit sa notoriété à sa belle croûte noire qui cache un cœur délicat : le tourteau fromagé est emblématique du sud Deux-Sèvres et représente la gastronomie issue des fermes caprines poitevines.
Les néophytes le croient brûlé, les amateurs le savent exquis.
Comme souvent pour les plus grandes réussites gastronomiques, le tourteau fromagé (ou fromager) est né d'une erreur, au XIXe siècle.
Une cuisinière du Mellois (de Sepvret, Saint-Romans-lès-Melle, Lezay, La Mothe-Saint-Héray ou Brioux-sur-Boutonne ?) a oublié dans son four à bois sa tourte au fromage de chèvre, ingrédient de base dans cette région séculairement caprine.
La tradition du tourteau fromagé est encore perpétuée par quelques maisons du sud du Poitou, dont la pâtisserie Baubeau, à Lezay. Jean-François Ferru a repris en 2013 l'affaire montée par Gaston Baubeau en 1965, et poursuivie par ses fils Olivier et Jean.
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Une pâtisserie exigeante
Les tourteaux fromagés sont fabriqués artisanalement dans le petit laboratoire du lieu-dit Lartigaud, par une équipe de six à sept personnes, dont certaines faisaient déjà partie des troupes de Gaston Baubeau.
Le tourteau est exigeant et l'obtention de son cœur moelleux et de sa belle croûte lisse et brillante est un travail d'orfèvre.
Une pâte à foncer au beurre d'Échiré ou de Pamplie vient tapisser le fond du moule en demi-sphère, aussitôt rempli à la louche par l'appareil constitué d'ingrédients « locaux et nobles », précise Jean-François Ferru : de la farine des minoteries Bellot ou Moreau, des œufs de Marans cassés à la main (entiers, jaunes et blancs en neige), du fromage de chèvre de la ferme de la Briouze à Sanxay et pour la variante « vache », du fromage de la Roche laitière à Brûlain.
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Pas de mystère pour la recette de ces tourteaux qui ne cessent de décrocher des médailles aux concours gastronomiques. « Le seul secret, c'est la fraîcheur des ingrédients ! » assure le patron.
Mais la recette n'est pas immuable. « Chaque fabrication doit être adaptée en fonction du taux d'humidité du fromage (un caillé très égoutté) ou du climat extérieur », poursuit-il.
Le sucre et les blancs en neige de l'appareil (incorporés à la main, jamais à la machine !) vont bientôt être saisis dans un four à 290 °C, pendant 35 minutes, pour faire lever et fixer le beau dôme du gâteau. « Le tourteau se cuit longtemps et très chaud et se mange rapidement et très frais », prescrit Jean-François Ferru.
À la fin de la cuisson, le four est entrouvert pour laisser échapper l'épaisse vapeur de cuisson, avant de découvrir si la fournée de 200 gâteaux est une réussite.
Un gateau calé sur la saisonnalité des chèvres
Historiquement calé sur la saisonnalité des chèvres, le tourteau fromagé se consomme traditionnellement des fêtes de Pâques jusqu'à la Toussaint.
La pâtisserie Baubeau en fabrique jusqu'à 4 000 par semaine en période estivale, 2 000 en hiver. « C'est un gâteau festif, un gâteau de rencontre, fait pour être partagé », s'enthousiasme Jean-François Ferru.
La pâtisserie approvisionne des collectivités et des grandes surfaces et est présente sur les marchés de Lezay, Melle, Niort et Saint-Maixent, où elle propose aussi des broyés du Poitou, brioches et autres pâtisseries. Mais la star des étals reste le tourteau fromagé.
Et gare à celui qui ôte la couche noire !