Les programmes politiques passés au crible
Que ce soit sur le Green Deal et ses déclinaisons Farm to Fork (F2F) et Biodiversité 2030, que ce soit aussi sur le commerce international, la Politique agricole commune ou encore d’une possible réforme des institutions comme l’élargissement (qui n’est pas sans conséquence pour l’agriculture), les programmes agricoles et ruraux des différentes restent assez généraux.
« Supprimer la directive sur les IED »
Certaines positions sont pour le moins radicales et rares ceux qui s’étonneront de les voir aux extrêmes de l’échiquier politique. C’est le cas de la liste La France insoumise, conduite par Manon Aubry qui préconise de « sanctuariser 10 % des terres et des mers », c’est-à-dire y interdire toute activité économique, d’interdire le glyphosate et l’élevage en cages et aussi interdire les Nouvelles techniques génomiques (NGT).
LFI défend aussi l’objectif d’atteindre une agriculture 100 % biologique en France à l’horizon 2050 ainsi que de « réviser la directive-cadre sur l’eau ». Si l’on traduit bien, interdire tout projet de retenues d’eau. De même, la liste de Manon Aubry suggère-t-elle de réduire de 50 % la consommation de protéines animales dans l’assiette des Français d’ici 2030 et dans le même temps, de développer massivement la production de protéines végétales.
Tout aussi radicaux sont les programmes du Rassemblement national (Jordan Bardella) et de Reconquête (Marion Maréchal). Le premier préconise purement et simplement de « rejeter la stratégie De la ferme à la fourchette ». Un point de vue partagé par le second qui veut « abroger toutes les directives et règlements du Pacte vert », en particulier « supprimer la directive sur les IED » et « abroger la stratégie F2F ».
« Lutte contre l’élevage intensif »
Les partis de gouvernement sont quant à eux un peu plus mesurés (toutes choses égales par ailleurs). Sur le volet Pacte Vert de l’Union européenne, la liste Renaissance conduite par Valérie Hayer, se concentre sur trois sujets : diviser par deux les pesticides d’ici 2030 » et dans le même temps accélérer la mise sur le marché des NGT.
Cette liste souhaite également adopter « la préférence locale », privilégier les circuits-courts et renforcer la politique européenne du bien-être animal. Chez François-Xavier Bellamy (Les Républicains), la priorité est plutôt sur l’abrogation des « textes européens qui nuisent à nos agriculteurs en prônant la décroissance ».
Appelant à la maîtrise de la présence du loup sur le sol européen, cette liste souhaite un investissement massif dans les technologies d’adaptation au changement climatique (stockage carbone, énergies vertes….).
Quant aux Ecologistes (ex-EELV), conduits par Marie Toussaint, ils prônent « un nouveau pacte agricole » qui fait la part belle à l’agriculture biologique, à la réduction des pesticides, à l’interdiction des NGT, à la mise en place d’un plan de transition pour l’élevage (lire encadré) et à « l’interdiction des méga-bassines ».
Enfin la liste du Parti socialiste, Place Publique (Raphaël Glucksmann) émet l’idée de créer une agence de planification écologique, de prioriser les usages alimentaires et aussi de planifier et répartir les usages dans l’agriculture. Elle défend aussi le bien-être animal ce qui comprend la « lutte contre l’élevage intensif » et s’aligne sur les propositions les Ecologistes sur les visites inopinées des parlementaires dans les élevages et l’interdiction du glyphosate et des néonicotinoïdes.
Simplifier la PAC
Sur la PAC elle-même, les avis sont tout aussi tranchés : LFI veut « mieux redistribuer l’argent de la PAC vers les petits producteurs », en passant d’un paiement à l’hectare à un paiement à l’actif ». Le parti soutenu par Jean-Luc Mélenchon propose aussi de « renforcer le volet environnemental de la PAC », en renforçant les conditionnalités écologiques et sociales.
Place Publique et les Ecologistes se retrouvent sur l’idée de créer une « Politique agricole et alimentaire commune » (PAAC), avec l’instauration de prix planchers. Surtout, le PS entend « plafonner les aides PAC à l’hectare à 100 000 euros ».
Les Verts souhaitent, de leur côté, ajouter une nouvelle conditionnalité à la PAC sur la densité d’animaux, pour « lutter contre l’élevage industriel ».
Au Centre et à droite de l’échiquier politique, Renaissance semble se contenter du service minimum en proposant de « simplifier les procédures et uniformiser les contrôles entre pays européens » et en s’engageant pour « un Egalim européen ».
La liste de F-X. Bellamy préconise au contraire, d’augmenter le budget de la PAC et les aides directes aux agriculteurs ainsi que d’abonder les budgets de la recherche et de l’innovation pour le développement des NGT notamment.
Le RN de Jordan Bardella recommande de « nationaliser et simplifier les modalités d’attribution de la PAC » et d’autoriser la « priorité nationale dans les marchés publics ». Marion Maréchal va plus loin en conseillant de « remplacer l’objectif de verdissement de la PAC par un objectif de souveraineté alimentaire », de « supprimer la conditionnalité des aides PAC » et de « faire cesser la politique de conversion en agriculture biologique ».
Clauses miroirs
Sur un volet plus international, il existe, peu ou prou, une convergence de vue entre les principaux partis, à différents degrés. Tous souhaitent a minima un moratoire sur le volet agricole des accords de libre-échange (Reconquête) sur l’ensemble des ALE (RN) et même leur interdiction pure et simple à l’image de LFI, PS-Place publique et les Ecologistes qui veulent « sortir du libre-échange ».
Seuls LR et Renaissance s’y opposent préférant imposer un bouclier commercial européen (Renaissance) ou simplement mettre en place des clauses de sauvegarde pour les produits ukrainiens (LR). LFI, PS-Place publique et les Ecologistes s’accordent aussi pour « ne plus importer ce que l’on produit », ainsi que les produits qui ne répondent pas aux standards de production européens (clauses miroirs).
PS et Verts souhaitent en plus généraliser le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les clauses-miroirs semblent avoir séduit une grande partie des listes en présence puisque les Républicains, Renaissance mais aussi Reconquête et le RN le proposent dans leur programme parfois sous une dénomination légèrement différente.
Intérêt général européen majeur
Enfin sur le volet institutionnel, les avis divergent : PS-Place publique et Les Ecologistes soutiennent l’élargissement de l’UE à l’Ukraine, alors que LFI s’y oppose « tant qu’une totale harmonisation écologique, fiscale, sociale et des droits humains n’a pas été menée ». Reconquête refuse quant à lui tout nouvel élargissement et veut même « supprimer la Commission de Bruxelles » quand le RN s’oppose à l’entrée des Balkans, de l’Ukraine et de la Turquie. Le parti de Jordan Bardella souhaite mettre un terme au système de « travail détaché dans l’UE ». Une idée qui devrait faire grincer des dents de nombreux employeurs de main d’œuvre.
A contrario, LR propose d’inscrire l’agriculture comme « intérêt général européen majeur ». Ce qui se rapproche du principe de souveraineté alimentaire que PS-Place publique veut inscrire dans la loi européenne.
Le cas « Alliance rurale »
Présenté comme un liste miroir de la majorité présidentielle pour capter la voix des ruraux, la liste dirigée par le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, avec l’ancien député Jean Lassalle en deuxième position, fait la part belle à l’agriculture. C’est elle qui recueille le plus grand nombre de propositions (17) comparativement aux autres thèmes développés (santé, aménagement du territoire, etc.). Sans surprise, Alliance Rurale veut réviser le Green Deal pour arrêter les baisses de production dans l’Union européenne. La liste propose un « moratoire de 10 ans sur les interdictions des molécules, afin de donner le temps à la recherche de trouver des alternatives ». Favorable aux clauses-miroirs, elle milite ouvertement pour la fin du statut d’espèce protégée pour le loup et « pour l’autodéfense avec tir léthaux (sic) à première vue pour tous les éleveurs ». Elle suggère aussi de lutter contre l’antispécisme en interdisant les intrusions intempestives réalisée par certaines ONG et interdisant la propagande antispéciste dans les écoles.