Les truites grandissent à Lussais puis rejoignent la rivière
Marie-Paule et Bernard Tréhin élèvent des salmonidés à la pisciculture de Lussais. Quatre-vingts pour cent de la production sont destinés à la pêche et au repeuplement des rivières.
«Ici, nous nous occupons de toute la chaîne, de l’œuf au gros poisson», introduit Marie-Paule Tréhin, à la tête avec son mari Bernard, de la Scea Pisciculture de Lussais. Les gros poissons peuvent d’ailleurs atteindre jusqu’à 3 voire 4 kilos, « ce sont des truites avec lesquelles je fais des filets fumés, elles ont quatre voire cinq ans ». Un élevage qui nécessite donc du temps, de l’observation et de la passion. Laquelle passion vient d’abord de Bernard, formé à la pisciculture et qui lors d’un tour de « France piscicole », une sorte de compagnonnage en somme, pose en 1985 son envie de s’installer à Lussais. « A l’époque, nous vivions en Normandie. Alors j’ai rejoint mon mari et nous nous sommes associés avec le couple déjà à la tête de la pisciculture. De dernier a arrêté en 1997, nous avons racheté ses parts », raconte Marie-Paule, qui a immédiatement été séduite par l’univers piscicole. Tout comme son fils, la passion du poisson semble donc se transmettre d’une génération à l’autre.
De génération il est également question dans les bassins où nagent les salmonidés.
« Comme il faut deux ans pour obtenir une truite fario de 300 g, nous avons ici jusqu’à trois générations », précise Marie-Paule. La production annuelle de fario s’élève à 12 voire 13 tonnes, 80 tonnes pour la truite arc-en-ciel et environ 7 tonnes de saumon de fontaine. « La truite fario, espèce européenne, est plus difficile à élever que l’arc-en-ciel, espèce européenne. Elle est très sensible à son environnement. »
De l’embryon a la truite mature
L’exploitation, forte de quatre salariés dont un mi-temps, achète à une entreprise landaise quatre bandes de 200 000 œufs embryonnés de truites arc-en-ciel par an. Ces derniers sont placés au laboratoire dans des auges où ils éclosent une semaine après. Les alevins sont ensuite sortis de « la pouponnière » pour rejoindre des petits bassins. Ayant des croissances différentes, les poissons sont triés en fonction de leur taille, laquelle détermine leur ration quotidienne essentiellement composée de farines de poissons. Les bassins sont alimentés par l’eau de la Boutonne où le taux d’oxygène est sans cesse surveillé. « Le débit doit être d’environ 200 litres par seconde, cela assurant un renouvellement correct de l’oxygène », explique Marie-Paule Tréhin. De l’oxygène est également injecté notamment dans les bassins des truitelles, autrement dit la truite adolescente. Lesquelles sont les plus voraces également. La température de l’eau quant à elle ne doit pas dépasser 18°C, l’idéal étant compris entre 12°C et 15°C. Il faut également veiller au bon passage dans les bassins d’une eau dépourvue de saletés ou d’autres poissons.
En général, les truites sont vendues au bout de 12 voire 14 mois lorsqu’elles atteignent entre 250 et 300 grammes,
« dix-huit mois pour les retardataires». Et d’ajouter : « Il faut qu’elles aient de belles nageoires pour la pêche ». Quatre-vingts pour cent de la production de la pisciculture de Lussais sont effectivement vendus vivants, destinés à la pêche (associations ou particuliers) et au repeuplement des rivières. Les 20% restants sont transformés, en frais ou en fumé, et vendus sur place, à des magasins de producteurs, supermarchés ou restaurants du département. « Nous avons su capter de nouveaux marchés », s’enorgueillit Marie-Paule Tréhin. Notamment celui de la restauration scolaire. Un travail d’orfèvre car la truite doit être vendue sous forme de pavés de 70 grammes et garantie sans arêtes. «Chaque pavé est épilé, c’est laborieux mais je suis ravie que nos poissons aient leur place dans les cantines ».
La vente d’ovules
Une autre activité, mais minoritaire, à la pisciculture de Lussais concerne la vente d’ovules. Ces derniers proviennent des truites arc-en-ciel qui produisent 100 g d’ovules par kilo une fois par an. « On plonge la truite dans un bain anesthésiant, on lui presse le ventre afin de recueillir les œufs et nous les vendons, prêts à la dégustation.»
De l’œuf à la truite mais aussi de la truite à l’œuf, la pisciculture de Lussais boucle ainsi le cycle de la vie.