MFR, campus : ils assurent le quotidien des internes
Dans les centres de formation agricole et les maisons familiales rurales (MFR), la plupart des élèves sont internes. Qui sont les personnels qui veillent sur eux au quotidien ?
Dans les centres de formation agricole et les maisons familiales rurales (MFR), la plupart des élèves sont internes. Qui sont les personnels qui veillent sur eux au quotidien ?
Avec 27 ans de carrière derrière les fourneaux de la MFR de Brioux-sur-Boutonne, Emmanuel Chaigne embauche toujours avec autant d'enthousiasme (et de musique métal à fond dans sa cuisine !).
Celui dont le métier est précisément "maître de maison" fait partie, avec l'aide-cuisine, l'animatrice de la maison et la surveillante de nuit, de l'équipe qui orchestre le temps de vie des apprenants interne lorsqu'ils ne sont pas en cours.
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Dialogue avec les jeunes
"C'est une centaine de bouches à nourrir, trois fois par jour, décrit le maître de maison. Et le lundi, nous proposons un accueil petit-déj aux familles. Certaines font pas mal de route pour déposer leurs enfants."
Le choix des menus est fait en lien avec une commission intégrant les délégués de classe. "On essaie de mieux manger tout en respectant les goûts. On fait moins de frites et plus de patates au four par exemple. Et on travaille de plus en plus avec des produits locaux, ou encore à limiter le gaspillage". Une recette de cookie pour ne pas perdre le pain sec trône sur le bureau du cuisinier...
Emmanuel et le reste de l'équipe de la MFR ont un œil attentif sur les élèves : "Je vois ceux qui ne mangent pas ou qui s'isolent, l'idée est de garder une vigilance. On discute aussi avec les jeunes lorsqu'ils sont de service de vaisselle et lors des veillées. Chaque lundi, on debriefe avec l'équipe éducative".
Prendre le relai des parents
Cette vie en collectivité 24h/24 suppose que des règles de bon-sens soient appliquées : "Avec les assistants d'éducation, nous sommes à l'écoute et en soutien des élèves, mais pratiquons aussi bien sûr la fermeté quand c'est nécessaire," résume Claude Lhommedé, qui fut 31 ans durant la Conseillère principale d'éducation (CPE) au lycée agricole de Bressuire avant de partir à la retraite en juin.
Pour les pousser à réussir leurs exams, ou pour les remettre dans le chemin après une bêtise (et il paraît qu'il y a de quoi écrire 10 tomes d'anecdotes !), la CPE avait pour coutume de sortir la carte de "l'engueulade pédagogique".
Soutenir dans les coups durs
Pour elle, la responsabilité du quotidien des élèves n'est pas anodin : "Nous prenons vraiment le relais des parents. Les plus jeunes internes ont 14 ans, ils quittent pour la première fois la maison. Nous sommes garants de leur bien-être matériel bien sûr, mais aussi physique et moral".
Ayant choisi de devenir CPE à Bressuire, plutôt que de poursuivre une agrégation de biologie, pour rester proche de ses racines rurales et du bocage, Claude Lhommedé a vécu chaque crise agricole de l'intérieur : "La vache folle, les épidémies, les transmissions difficiles de ferme, on le lisait dans le moral des internes. Il y a aussi des coups de déprime plus réguliers chez les élèves, en novembre et mai, où il faut redoubler d'attention".
Nous prenons vraiment le relais des parents. Les plus jeunes internes ont 14 ans, ils quittent pour la première fois la maison. Nous sommes garants de leur bien-être matériel bien sûr, mais aussi physique et moral
des moments clés dans l'année
À la MFR de Brioux, comme aux Sicaudières, l'année est rythmée par des temps-forts. Le premier d'entre eux est la rentrée. "Ne pas la louper est primordial, c'est à ce moment que se crée le climat de confiance avec les petits nouveaux, et ce pour plusieurs années !", évoque l'ancienne CPE de Bressuire.
Il y a ensuite de multiples événements festifs, petits et grands. "Pour Halloween, j'ai déjà fabriqué un gâteau avec de faux vers qui en sortaient !, se souvient Emmanuel Chaigne.
La semaine dernière, nous faisions une randonnée pour l'intégration des nouveaux, à chaque étape ils trouvaient des en-cas. Il y a quelques années, je cuisinais aussi lors des voyages à l'étranger des élèves. Je trouvais des fournisseurs sur place au dernier moment et j'improvisais!"
Aux "Sicaux", c'est la fête de Noël qui constitue une institution : "Chacun s'habille très classe, on est entre nous, on danse...", témoigne Claude Lhommedé.
Un esprit collectif qui se transmet
Dans ces univers que sont les internats, les habitudes se créent autour d'un langage et de références communes. L'allée principale du lycée de Bressuire s'appelle par exemple "la rue" ; les Terminales sont incités, d'une année sur l'autre, à participer activement à l'accueil des plus jeunes dans les nouvelles promos ; humour et entraide sont cultivés...
"Il y a un esprit, une âme qui se transmet", évoque la CPE, qui a pu voir des enfants d'anciens élèves arriver à leur tour au lycée et qui est certaine que ces valeurs perdureront, "même si le Covid a fait beaucoup de mal. Cela a freiné les relations humaines, et refermé encore plus les jeunes dans leur bulle avec les écrans".
Les internats deux-sévriens restent pleins de vie. Et c'est pour ça qu'Emmanuel Chaigne adore son métier : "Il n'y a pas un jour qui se ressemble !".