Apiculture
Piquée par le froid et les intoxications, l’apiculture étouffe
Les apiculteurs le savent. La récolte 2010 sera l’une des plus faibles de ces quinze dernières années. Le froid au printemps et les problèmes « d’intoxication », affirme Daniel Gauthier, réduisent de manière drastique les productions de miel de colza et de tournesol.
«Je pense que l’on disparaîtra, nous, professionnels de l’apiculture. Je ne vois pas comment, économiquement, nous allons pouvoir résister dans le temps. » A la prononciation de ces quelques mots, Daniel Gauthier se reconnaît à peine. L’homme s’affirme d’un tempérament plutôt optimiste. Mais en ce mois d’août 2010, la nature de l’apiculteur a bien du mal à s’imposer.
« Dans la région, les miellées de l’année sont catastrophiques. » Depuis 1995, « année de l’arrivée du Gaucho sur le marché », précise l’exploitant, les éleveurs d’abeilles ont appris contre leur gré à composer avec des colonies peu productives. « Mais quand la récolte de colza n’excède pas six kilos par ruche et que mi-août, à quelques jours du prélèvement des cadres de la miellée de tournesol, les butineuses sont quasi inexistantes. Alors comment rester serein ? ».
Cette année 2010, « sûrement la plus mauvaise de ces quinze dernières années », a conjugué différents facteurs limitants. Le climat, sur la période du printemps, a gelé la production de miel de colza. « Le froid persistant a perturbé le développement des colonies », expose le professionnel. Les populations d’abeilles, arrivées à maturité en fin de floraison du colza, n’ont pas pu produire.
« Nous sommes dépendants des aléas climatiques. Ce risque qui cette année nous handicape, contraints, nous l’acceptons. » Ce que supporte moins l’exploitant c’est la problématique phytosanitaire. « L’intoxication des butineuses est le problème rencontré sur la miellée de tournesol », désigne l’apiculteur. Il témoigne de signes incontestables. « A l’approche des ruches nous observons des sujets atteints de tremblements. Les mortalités sont importantes. Certaines colonies sont décimées. Elles comptent trois fois moins d’individus qu’elles devraient en avoir à cette époque de l’année. »
Des pertes de cheptel considérables
2010, année catastrophique, fait suite à deux années d’amélioration constatées. « En 2008 et 2009, les récoltes étaient plus importantes que les années précédentes », reconnaît l’exploitant. Bien qu’inférieure de près de moitié à ce qu’elles étaient avant 1995, l’amélioration suffisait à redonner espoir aux apiculteurs. Espoir à nouveau envolé. « Les pertes de cheptel sont telles que chaque année il faut renouveler au moins 30 % des sujets. » Soit près de 20% de plus que ce que pratiquait Daniel Gauthier au cours de ses douze premières années d’exercice. Un handicap renforcé par la difficulté croissante à élever de nouvelles colonies. « Les ruchettes de renouvellement sont affectées, comme les autres ruches, par des problèmes d’intoxications. Les colonies sont fragiles », affirme l’observateur intimement convaincu que l’apiculture est victime d’une interaction entre la disponibilité dans le sol – « par rémanence » - de produits phytosanitaires toxiques pour les abeilles et le climat. L’apiculteur craint une baisse du nombre de ses ruches l’an prochain. Moins de ruches qui produisent moins de miel… Alors, quand on évoque l’avenir, l’éleveur gâtinais reste très sceptique. « Les abeilles n’arrivent plus à survivre dans leur milieu. Alors oui, je nous sens menacés, nous apiculteurs en zone céréalière. » Cette crainte se renforce lorsque le professionnel entend ceux de ses collègues qui pratiquent la transhumance vers la Corrèze ou le Massif Central. « Cette année pour eux la récolte était correcte voire belle pour certains. »
Encore deux ans avant les premières conclusions
Le programme de recherche-actions et développement baptisé « l’abeille en zone de plaine » suit son cours. Initié en 2007, les premières conclusions reposeront sur les cinq années d’observations prévues.
« L’ensemble de la période sera nécessaire pour avoir une vision claire de la situation », précise Pierrick Aupinel, directeur de l’unité expérimentale d’entomologie du Magnereau avançant toutefois : « Une partie des travaux a mis en évidence l’incidence de la structure des paysages sur les populations d’abeilles ». Pour ce qui est de toxicité des produits phytosanitaires, les recherches se poursuivent. Il est trop tôt pour tirer des conclusions, affirme le scientifique.