Porteur sain mais pourtant affecté
Un éleveur des Deux-Sèvres témoigne des conséquences du plan de lutte contre la grippe aviaire.
«Nous recevons des demandes ». Jean-Robert et Philippe Morille, installés à Augé et qui commercialisent leur production sous la marque « Chez Morille », suivent d'un oeil plutôt circonspect l'évolution du dossier « grippe aviaire » depuis novembre dernier. La différence avec le précédent épisode qu'a connu la France, c'est qu'il survient dans le Sud-Ouest. « Le canard est porteur sain du virus » donc, en le cherchant dans cette zone, « on a de grandes chances de le trouver. »
Complexité française
Jean-Robert Morille pointe « le mal français : le surplus de normes. » « Chaque pays de l'union a son propre protocole de lutte ». Celui que la France a appliqué lui paraît inadapté. Plutôt que des contrôles sur les animaux élevés jusqu'à 10 km, « si nous étions au Royaume-Uni, toutes les volailles auraient été abattues dans un périmètre d'1 km autour des cas de mortalité constatés, sans faire d'analyse » et l'aviculture du Sud-Ouest, soit environ seize départements qui représentent à peu près les trois quarts de la production nationale de volailles grasses, n'aurait pas été paralysée comme elle l'est en ce début d'année. Car depuis la semaine 4, les cycles engagés vont à leur terme mais il n'y a plus de mise en place de lots.
« Les derniers canards sortiront en semaine 17 » et il faudra attendre la semaine 19 pour voir les prochains cannetons rentrer dans les élevages. Cela fera un vide sanitaire de 10 semaines aux différents ateliers de la chaîne (poussinière, parcours, gavage), et un trou dans la production qui devrait pouvoir être compensé par les stocks. Mécaniquement, « les prix à la production vont augmenter. »
Assainissement des stocks
L'éleveur le demande : « il faut mettre en place quelque chose » pour que la filière ne revive pas ce scénario. Et « il faut que ça soit simple. » Par exemple, « pourquoi ne pas envisager de mettre une dizaine de poulets à côté des bandes de canards. » Il craint que la réaction des pouvoirs publics ne se traduise par des normes ou par une complexification des pratiques, à l'image de l'obligation de ne pas mélanger les bandes, qui induiront des investissements et une réduction des capacités de production.
Seule la filière reproducteurs poursuit son activité (sans pouvoir vendre), afin que la reprise d'activité des élevages soit possible et en attendant celle-ci, les opérateurs doivent faire face à la désorganisation. Certain que les acteurs influents du secteur s'organisent, Jean-Robert Morille confirme que depuis trois semaines, « des collègues indépendants du Sud-Ouest nous sollicitent pour avoir un peu de produits afin de maintenir une activité commerciale. »
Le reste de la France ne sera pas en mesure de compenser l'inactivité du bassin historique. À court terme, ceux qui disposeront de canards engraissés à mettre sur le marché « trouveront un débouché ».