Préserver la biodiversité pour récolter demain
Le programme de recherches Econat, émanant d’un contrat de plan État-région (CPER), s’achèvera en 2020. Il vise, entre autres, à améliorer la gestion durable des écosystèmes
et des ressources naturelles. Retour sur les résultats des quatre premières années d’études.
Il est aussi un prédateur de papillons de nuit.
Le mardi 4 décembre, au CNRS de Chizé, une quarantaine de scientifiques ont restitué les résultats de leurs quatre premières années de recherches dans le cadre du programme Econat, contractualisé et financé par l’État et la région Nouvelle-Aquitaine (sous la forme d’un CPER, d’une durée de six ans).
Parmi les trois axes de recherches d’Econat, le premier, qui doit amener des réponses pour permettre une meilleure gestion durable des écosystèmes et des ressources naturelles, intéresse plus particulièrement les agriculteurs. En effet, l’agriculture dépend de la nature, rappelle Vincent Bretagnolle, du CNRS de Chizé, pilote du projet. « L’homme utilise la production des écosystèmes comme une ressource. Comment la biodiversité participe à la constitution de ces ressources ? Comment est-elle le support de production de ces ressources ? », questionne le chercheur.
« Le nombre d’insectes diminue. C’est une catastrophe pour l’agriculture. Sans insectes, il n’y a pas de recyclage, pas de matière organique (d’humus, NDLR), et donc pas de production de biomasse végétale (de cultures, NDLR). Les éléments minéraux sont mis à disposition par les insectes. Ils ont un rôle capital. Sans eux, on ne peut plus produire, expose Vincent Bretagnolle. On peut donc utiliser la biodiversité pour gérer de manière durable l’agriculture ».
Le programme Ecobiose, qui découle d’Econat, vise d’ailleurs à évaluer le rôle de la biodiversité dans l’économie des territoires, notamment dans l’économie de l’agriculture aquitaine. Le résultat le plus remarquable, découlant des recherches dans le cadre d’Ecobiose en Nouvelle-Aquitaine, est celui de l’étude sur le rôle des abeilles dans la pollinisation des cultures : là où elles sont plus nombreuses, on enregistre de 30 à 40 % de rendement en plus en tournesol et en colza, ce qui fait 160 €/ha de gain en plus pour l’agriculteur (voir Agri 79 du 5 octobre, page 3).
Les prédateurs des ravageurs
Econat s’achèvera en 2020. Beaucoup d’études pour comprendre le fonctionnement les écosystèmes sont en cours de réalisation. L’une d’elles s’intéresse à la distance à ne pas dépasser entre deux haies pour maintenir la connectivité dans les habitats de la chauve-souris. Elle est de 50 à 100 m. Si la chauve-souris doit voler plus loin, elle dépense plus d’énergie, voire trop. Une perte de connectivité dans les habitats du mammifère volant pourrait engendrer la mort de toute une colonie. Mais quel est l’intérêt de préserver les chauves-souris pour l’agriculture ? « Elles consomment des papillons de nuit, dont la pyrale du maïs. Moins de papillons, c’est moins de chenilles. Les chauves-souris, la nuit, sont l’équivalent des oiseaux, le jour », précise Vincent Bretagnolle.
Une autre étude porte sur les crapauds, dont les larves sont sensibles aux pesticides. « Les amphibiens sont aussi des prédateurs des ravageurs des cultures. Et ils sont actifs lorsque d’autres auxiliaires des cultures ne le sont pas : en automne, durant les périodes hivernales douces et au début du printemps », détaille François Brischoux, du CNRS de Chizé. « Le message est qu’il faut engager l’agriculture dans des solutions agro-écologiques, maintenir l’élevage et les prairies, produire en agriculture biologique ou de précision », estime Vincent Bretagnolle, qui travaille sur la zone atelier Plaine et Val de Sèvre où il est, entre autres, animateur des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC).
Sur le territoire de la zone atelier, qui regroupe 28 communes des Deux-Sèvres, un programme « alimentation de la population dans l’espace rural », une autre émanation d’Econat, vient d’être lancé. Son objectif est de reconnecter la population aux agriculteurs en vue de favoriser les circuits courts.