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Semis et cultures : une année vraiment tordue

Entre les semis qui n'ont pas pu être réalisés, ceux qui n'ont pas levé et la pression des maladies, les surfaces cultivées dans la Vienne sont moindres et seront moins productives.

Depuis qu'il est en poste à Arvalis, en 1990, Jean-Louis Moynier l'assure, il n'a pas le souvenir "d'avoir jamais connu une année aussi tordue". L'ingénieur de l'Institut régional Poitou-Charentes estime que c'est le cumul des difficultés qu'il observe depuis cet automne qui est exceptionnel. "Il n'y a pas une zone qui n'est pas perturbée", même s'il reconnaît que dans les secteurs de groies, les semis ont pu se faire avec moins de difficultés. "À l'automne, les pluies ont empêché de semer entre 10 à 15 % de céréales". Pour ces semis précoces, la levée a ensuite été compliquée, et la pression des maladies a été importante, en raison des conditions météo. "Il y a eu de gros problèmes de désherbage, et une pression importante de JNO". Sur l'orge, la présence de nombreuses variétés résistantes a été protectrice, mais sur les semis de blé réalisés avant les pluies d'octobre, l'impact est important. À cela, s'est ajoutée une "pression délirante" de graminées, notamment du ray-gras. "Il y a beaucoup de parcelles sales, voir très sales. Cela aura aussi un impact pour les années à venir". La septorioise a aussi été présente, surtout sur les semis précoces. Et les traitements ont été difficiles, et même impossibles dans certains cas. Une accumulation de problèmes qui ne touche pas que la Vienne. "Le Poitou-Charentes et la Vendée sont peut-être les plus impactés" explique Jean-Louis Moynier. "Dans le nord de la France, où i l y a eu de grosses inondations, les surfaces touchées sont plus petites".

Au final, en céréales, ce sont a priori les semis réalisés fin novembre, dans des sols ressuyés, qui semblent les plus réussis. "Mais ces potentiels sont à confirmer" lance, prudent, Jean-Louis Moynier. En dehors de la baisse de production, il pourrait y avoir en plus un manque de paille et de fourrage dans le département. "Nous avons été beaucoup sollicités par des agriculteurs qui voulaient changer leur assolement, ou avoir des éléments sur des variétés ou s'assurer des dates maximales de semis". Selon lui, peu d'agriculteurs ont réalisé l'assolement initialement prévu (ce qui peut poser problème pour sa déclaration Pac, lire ci-dessous).

Du côté des oléagineux, Élodie Tourton estime aussi que c'est du jamais vu. "Le cumul des pluies, tant en quantité qu'en fréquence a retardé la reprise des sols, et la destruction des couverts". L'ingénieure de chez Terres Inovia évoque des implantations faites sans attendre les 2 mois préconisés après la destruction, et donc des conditions loin d'être optimales. "Il y a eu peu de fenêtres de tir". Des retards de semis de 15 jours à 1 mois et demi, qui ont parfois abouti à des reports entre espèces, comme du tournesol qui a été remplacé par du maïs précoce. "Les commandes se sont souvent décidées en venant en magasin". Après ces implantations, Élodie Tourton décrit de gros dégâts d'oiseaux, des attaques de limaces ou de ravageurs du sol, comme les taupins et noctuelles. Au final, elle estime que les récoltes seront peu qualitatives. "Le tournesol patine et la période d'expositions au risque est plus longue". Quant au soja, la situation n'est pas vraiment mieux. "Il y a eu beaucoup de non semis, et là, je ne vois pas ce qu'on peut semer après !".

Fin mai, il était encore compliqué pour les producteurs de céréales d'envisager des semis dans de bonnes conditions. C'était le cas de Samuel Portejoie, en polyculture-élevage à Savigné. " Il n'y avait pas assez de chaleur. Il y avait un risque que les graines pourrissent, ou que la plante végète ", dit l'agriculteur en évoquant ses tournesols (100 ha), qui au 30 mai, n'étaient pas semés. Il envisageait entamer ce chantier la semaine suivante. " J'ai un mois de retard. Mais plus ça va, plus on récolte les tournesols de bonne heure. Donc, même si exceptionnellement, je récolte en octobre mais dans de bonnes conditions, ça ira ! " confiait-il sans s'inquiéter outre mesure de la situation.

La pluviométrie a aussi eu des effets sur les dates de semis de maïs : chez Samuel Portejoie, c'est habituellement autour du 15 avril. Cette année, il a dû attendre le 8 mai. " C'est une année encore plus indécise que d'habitude ", constate l'agriculteur qui explique qu'il a engagé plus de frais sur cette campagne, en fongicides sur les blés, pour éviter tout risque de maladies foliaires : " J'ai fait trois passages au lieu de deux ".

Melons : plantations tardives

De la pluie, encore et toujours, ces dernières semaines, est venue perturber le calendrier des plantations de melons. "Les pluies incessantes en mai et début juin ont empêché les producteurs de venir dans les parcelles. Ça a créé, au départ, un retard de 10 jours dans les plantations", observe Camille Raimbault, animatrice au Syndicat du Melon du Haut Poitou. À Maulay, François Rondeleux fait habituellement ses premières plantations les dernières semaines de mars. Il a dû finalement repousser d'une semaine. "On ne pouvait pas préparer les terrains, car ils étaient trop frais. J'ai un voisin qui m'a laissé exceptionnellement une parcelle, prévue pour du tournesol, pour que je puisse faire ma première parcelle de melons. Nous avions des plants qui étaient prêts, mais la parcelle où je comptais les planter, n'était pas encore accessible." 

Si le temps s'est amélioré par la suite, la pluie avait laissé des stigmates au sol. "On a eu du mal à reprendre les terrains avec des terres sèches en surface mais de l'humidité en profondeur", poursuit le maraîcher à la tête de la SARL Le Chapeau. "Pour chaque parcelle, on s'est posé des questions sur le travail du sol à faire, en sachant qu'il faut un sol souple. On a encore des champs où il y a des mares d'eau!" Au début de cette semaine, il restait à François Rondeleux une quinzaine d'hectares à implanter.

Au 15 juin, l'année dernière, les premiers melons étaient bien là. Pour cette campagne, il faudra attendre début juillet, confie le producteur. Étant donné les conditions météo, "on a retardé le fait de faire du plein champ. Les matins restent frais. On a donc installé davantage de tunnels. C'est plus de temps, et donc plus d'argent. On a recours à plus de main-d'œuvre, et on utilise plus de plastique aussi. Mais on se donne les moyens d'avoir au final au beau melon de qualité, en espérant que ces charges supplémentaires soient gommées par un prix rémunérateur." Le maraîcher se dit être "dans les starting-blocks" pour enlever les plastiques et "laisser respirer les melonnières".

Car l'autre ombre au tableau reste la possible venue de problèmes sanitaires sous l'effet d'un cocktail menaçant pour les plants, mêlant humidité et chaleur en journée.

Les ETA impactées

"Depuis le mois d'octobre, on travaille par à-coups"! regrette Éric Retailleau, président des EDT de la Vienne. En avril et mai, il a été impossible de travailler, et les travaux ont tout juste recommencé ces derniers jours. Et pourraient s'arrêter à nouveau, vu les prévisions météo des prochains jours. "Certains chantiers ne se feront jamais". Il estime que la baisse d'activité est de 15 %. Et puisque les semis non réalisés ne seront pas non plus récoltés, la perte sera certainement bien plus importante. "La situation de nos entreprises est alarmante !" explique quant à lui Philippe Largeau. Le président des EDT nationaux (installé dans la Vienne), rappelle que les EDT "doivent faire face chaque mois au remboursement de leurs crédits et au paiement des charges de personnel, alors que les conditions climatiques, de plus en plus aléatoires, impactent durement leur trésorerie". En avril, les EDT de la Vienne ont rencontré la MSA, pour alerter sur ces difficultés. La MSA Poitou a accepté de mettre en place des échéanciers de paiement des cotisations sociales, à la demande des ETA. Éric Retailleau craint aussi que vue la conjoncture, et les difficultés que connaissent des agriculteurs, de nombreux chantiers, notamment d'élagage soient annulés.

Cas de force majeure?

Suite à ces retards de semis, une demande de reconnaissance de cas de force majeure a notamment été transmise au ministre de l'agriculture par la FNSEA de la Vienne, lors du congrès des JA. Cette classification (qui a été prise notamment en Deux-Sèvres), permettrait aux agriculteurs qui n'ont pas pu réaliser l'assolement prévu de conserver leurs aides Pac. "Même s'il n'a pas pu mettre le blé prévu mais du maïs, un agriculteur devrait dans ce cas laisser la déclaration du blé, et ne perdrait pas l'éco-régime qui y est lié" explique Laurent Lambert, qui ajoute que cela éviterait aussi les contrôles 3STR. "Vu la carte, je pense qu'on peut l'obtenir" 

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