Tabac: un test de dépendance créé à Poitiers
Il ne lit pas dans les cartes, mais c'est pourtant sous forme d'un jeu que Marcello Solinas, directeur de recherche à l'université de Poitiers, a mis en place un test de dépendance au tabac.
Comprendre le comportement du cerveau, et notamment l'impact des addictions sur lui, c'est un des objectifs du laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques et du centre de recherches sur la cognition et l'apprentissage. "On s'intéresse à regarder pourquoi le cerveau fonctionne mal quand il y a une addiction, et comment on peut rétablir le fonctionnement normal" détaille Marcello Solinas. Le directeur de recherche au CNRS assure que "quand on est dépendant, c'est dans le cerveau que ça se joue". Il ajoute que les parties du cerveau impliquées dans cette dépendance sont les mêmes que dans le cas de maladies psychiatriques. En s'inspirant de tests déjà existants pour des drogues plus dures, il a entrepris un travail il y a un peu plus d'un an sur le tabac et l'alcool, qui sont des addictions bien plus répandues."Ce qui nous a pris du temps, c'est de conceptualiser le test et de le mettre en pratique". Une fois développé, le test a été soumis à près de 600 personnes, avant que Marcello Solinas ne rédige un article, publié il y a quelques jours dans Nicotine & Tobacco Research, la revue référence dans le domaine. Une étape importante, puisque c'est une sorte de reconnaissances des pairs, qui permet aussi de faire connaître le test dans le monde médical.
Des choix inconscients
Concrètement, ce test qui se fait en ligne est assez rapide (15 minutes) et ludique. Après avoir répondu à quelques questions, le patient se retrouve face à 4 tas de cartes à jouer. Lorsqu'il clique sur un tas, une image apparaît quelques secondes, avant de disparaître. C'est au patient de cliquer sur un des tas pour en faire apparaître d'autres. "Il y a trois types d'images : certaines sont positives, d'autres négatives, et les dernières sont neutres". Comme un paysage de montagne, un cendrier plein de cigarettes ou des câbles électriques. "Tout le monde clique beaucoup sur les tas qui ont affiché des images positives. Mais les fumeurs moins que les autres". Selon le chercheur, c'est l'inconscient qui prend le dessus et qui amène plus les fumeurs à cliquer sur des tas où des cigarettes ou fumeurs sont apparus. "C'est un comportement non conscient, et les gens n'ont pas conscience d'avoir cliqué sur ces images". Et ce, même s'ils savent que le test est lié au tabagisme. Si ce test est désormais opérationnel, le travail n'est pas fini. "C'est désormais un outil en libre-service pour les chercheurs". Le CHU de Poitiers et le Centre Henri Laborit ont débuté un travail avec des fumeurs et des non-fumeurs, pour par exemple si des valeurs correspondent à un risque accru de rechute en cas d'arrêt du tabac. L'objectif, ensuite, serait de mettre à disposition ce test aux médecins, afin qu'ils puissent proposer un accompagnement adapté aux fumeurs, pour arrêter, ou détecter un risque de rechute qui évolue. Le même type de travail va également se faire sur l'alcool, et le laboratoire commence à travailler sur un test sur les comportements alimentaires déviants. "Nous souhaitons l'appliquer à d'autres pathologies, et bien sûr lui trouver un intérêt médical, et pas seulement intellectuel."