Les secrets du changement climatique 2/12
Changement climatique : combien d'années encore ?


Nous sommes le 20 mars 2039. En ce premier jour de printemps, Thomas - arboriculteur à Secondigny (79) - retient une larme d'émotion en regardant ses pommiers : pour la première fois depuis 5 ans, l'hiver a été suffisamment froid pour permettre une floraison régulière et abondante. Belle promesse d'une récolte généreuse ! Thomas avait découvert les floraisons laminées par le manque de froid hivernal en 2027. Le phénomène s'était répété en 2029 puis 2032. Il était devenu annuel à partir de 2035. Notre arboriculteur réalise à présent que le radoucissement des hivers s'est accentué tout au long de ces années sous l'effet du changement climatique. Il se demande si cela va encore s'amplifier à l'avenir, au point de compromettre définitivement ses vergers de pommiers.
Cette fiction - crédible sur le plan climatique - nous renvoie à une question cruciale pour l'agriculture de notre région : pendant combien d'années le changement climatique va-t-il se poursuivre en Nouvelle-Aquitaine et plus largement en France ? Est-on seulement capable de le dire ?
- +4°C
c'est l'augmentation de température attendue en France en 2100 par rapport au début du XXe siècle, compte tenu des émissions mondiales de gaz à effet de serre envisagées d'ici-là.
Les modèles climatiques sont formels : le changement climatique va se poursuivre pendant plusieurs décennies, en France et dans le monde. Quelle en est la raison ? L'impossibilité de réduire à zéro du jour au lendemain les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Plus long sera le temps pour annuler ces émissions, plus long sera le temps pour stabiliser le climat, c'est-à-dire pour que le changement climatique cesse. Certes, mais au-delà de ce principe physique, dispose-t-on de repères temporels plus précis ?
La réponse est oui. Il est établi que jusqu'au milieu du XXIe siècle - 2050 pour simplifier - la trajectoire climatique de notre région est à peu près écrite : le climat continuera d'évoluer en Nouvelle-Aquitaine et ailleurs, peu ou prou au rythme auquel il évolue depuis les années 1970. La réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre ne sera pas suffisante pour infléchir la transition climatique en cours. Ainsi en 2050, notre région se sera réchauffée d'environ 2 °C par rapport à la fin du XXe siècle. À Bordeaux par exemple, la température moyenne annuelle au milieu du siècle atteindra 15,4 °C (moyenne sur 20 ans), dépassant donc celle que connaissait Ajaccio en 1990, à savoir 14,9 °C.
Entre 2050 et 2100 par contre, l'évolution climatique que connaîtra notre région est encore largement corrigeable. Si les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont très fortement réduites (à hauteur de ce que les accords de Paris ont établi en 2015 lors de la COP 21), alors le climat n'évoluera plus. En revanche, si ces émissions ne sont pas suffisamment réduites, alors le climat continuera de se modifier. En l'état actuel des engagements internationaux sur les émissions de gaz à effet de serre, il est établi que la France se réchauffera de 4 °C en 2100 par rapport au début du XXe siècle. Un défi majeur pour notre agriculture régionale, qui imposerait alors un panel de productions très différent de ce qu'il est aujourd'hui.
Quelle attitude adopter face à une telle évolution climatique, dont une partie (aujourd'hui à 2050) est inéluctable ? L'anticipation ! Cette transformation progressive de notre climat doit être regardée comme un nouvel "espace climatique pour l'action", dans lequel de nouveaux modes de production vont pouvoir (et devoir) être imaginés. Plus précise sera notre lecture et notre compréhension du climat de demain en Nouvelle-Aquitaine, plus aisée sera l'adaptation de l'agriculture régionale. Au minimum peut-on alerter sur l'attitude - souvent constatée - qui consiste à n'envisager l'adaptation au changement climatique qu'après l'apparition des premiers impacts sur les filières agricoles. Il y a pourtant tellement à gagner en examinant à l'avance les évolutions climatiques à venir ! Mais comment explorer le climat futur pour imaginer l'agriculture régionale de demain ? Réponse dans notre article du mois prochain : "Calendriers culturaux : la révolution ?"