Mobilisation syndicale
10 000 manifestants et 1500 tracteurs défilent dans les rues de Paris
Démonstration de force. Jamais Paris n’a connu une telle concentration de tracteurs et de producteurs de grandes cultures.
«Nous allons être en France le seul secteur d’activité vivant en quasi-dépôt de bilan », commente avec colère un céréalier d’Eure-et-Loir. Comme ses collègues de toutes les grandes régions productrices de grandes cultures, il est venu manifester à Paris. Au total, plus de 10 000 agriculteurs et plus de 2000 tracteurs ont défilé jusqu’à 16 heures, ce mardi 27 avril, entre la place de la Nation, la Bastille et la place de la République. Symboliquement, ils ont voulu montrer avec force et détermination « leur ras-le-bol ».
Tous se sont levés très tôt, certains sont même partis la veille et ont roulé pendant de nombreuses heures au volant de leur tracteur. Ludovic, jeune agriculteur de Meurthe-et-Moselle, installé en GAEC sur une ferme de polyculture élevage, a quitté sa ferme le lundi matin. Il a fait plus de 22 heures de tracteur pour venir exprimer sa colère : « En élevage comme en grandes cultures, nos charges ne cessent de grimper alors que les prix agricoles se cassent la figure depuis plus d’un an ». Alors que 1 200 tracteurs étaient attendus, 1500 ont rejoint la capitale, provoquant d’énormes bouchons à l’entrée de Paris.
« Nous sommes devenus les champions mondiaux pour le niveau des charges. »
Les slogans sur les T-shirt (« Fauchés comme les blés ») ou ceux repérés sur les tracteurs illustrent bien la situation des agriculteurs : « Sarko ! Barnier a mis les Tardenois dans la merde ! », « Ce tracteur appartient à la banque », « Paysans aujourd’hui, chômeurs demain » ou encore « Sarko + Borloo = revenu 0 ».
« On est train de bouffer complètement notre compétitivité », déclare amèrement un responsable syndical. « Le problème de la compétitivité concerne l’ensemble de la filière, sur nos exploitations nous devons retrouver 50 à 100 euros de plus par hectare. » Pour les responsables d’Orama, « les pouvoirs publics doivent assumer ». Ils demandent des mesures concernant le revenu, comme le versement des aides PAC au 16 octobre, des allégements des charges fiscales, sociales et financières ou encore que soit réévalué l’intérêt des mesures environnementales en fonction de leur impact sur la production. Pour Philippe Pinta, président d’Orama, « la France doit en urgence convaincre Bruxelles de débloquer les restitutions et d’arrêter la dérégulation des marchés ».
Un avertissement sévère que devra prendre en compte le commissaire européen de l’agriculture Dacian Ciolos, présent le lendemain à Paris pour débattre de la future PAC.
Les réactions départementales
Jean-Baptiste Rasillard, président des Jeunes Agriculteurs des Deux-Sèvres : « On retiendra cette manifestation du 27 avril 2010, cette date correspondra désormais à une forte mobilisation des agriculteurs. Son organisation exemplaire a évité tout débordement et a bénéficié d’un accueil mémorable des Parisiens. Leurs applaudissements au passage du bus m’ont particulièrement touché. On a pu lire sur une banderole à la sortie, écrite par les citadins : Hommage aux terriens, à ceux qui la cultivent, par les citadins. »
Jean-Marc Renaudeau, administrateur de l’AGPB : « Cette manifestation s’est déroulée dans le calme, avec une forte mobilisation des agriculteurs, toutes productions confondues, aussi bien céréaliers que polyculteurs- éleveurs. La présence d’un nombre aussi important de tracteurs montre la détermination de la profession et est un symbole fort. On espère que cette démonstration de force sera suivie d’un signe conséquent de l’Etat. Les agriculteurs sont prêts à recommencer s’il le faut ».