Adopter la posture de l’apprenant, le premier des apprentissages
En apprentissage, comme en formation initiale ou continue, les élèves doivent apprendre à apprendre. Le questionnement est à la base de toute progression, juge Stéphane qui cette année accompagne Corentin.
Corentin est plus à l’aise avec une fourche en main qu’un crayon. Au cœur d’une ferme, il se sent mieux qu’en classe, confie-t-il. Âgé de 18 ans, le jeune apprenti effectue sa troisième année d’alternance. En juin 2014, il décrochait son Capa au lycée Jacques-Bujault à Melle. C’est dans une ferme laitière, à Saint-Symphorien, près de chez ses parents non-agriculteurs, qu’il a découvert le quotidien d’une exploitation. Pour la préparation de son BPA, en cours depuis le mois de septembre, c’est Stéphane Reigner qui a accepté de l’accompagner. Poussé par sa mère, accompagné même, Corentin Guichet est venu lui demander :« S’il accepterait de me prendre », se rappelle-t-il timidement. Les précédents maîtres d’apprentissage n’ayant pu donner suite à son contrat.
Enfant, c’est ici, au lieu-dit Buffageasse, que Corentin a découvert l’agriculture. Il se dit content de passer ses semaines d’apprentissage sur cette ferme. Une structure orientée sur les productions de céréales et de semences, le tout sur 250 ha.
« Mon regret aujourd’hui, explique Stéphane, c’est que Corentin ne pose pas beaucoup de questions. » Maître d’apprentissage et apprenti se connaissent bien et depuis longtemps. Stéphane s’est engagé dans cette aventure pour aider ce jeune également son voisin. Aujourd’hui il s’interroge. Non pas sur le plaisir de Corentin à travailler sur une exploitation agricole, mais sur les ambitions, les attentes du système éducatif par rapport à l’apprentissage. Certes, Corentin est timide, d’un tempérament réservé, « il questionne peu, mais, rien par ailleurs ne l’y oblige à part mes demandes récurrentes », regrette Stéphane. Le BPA est obtenu par contrôle continu. Les apprentis ne sont pas soumis à la réalisation d’un rapport de stage. Ils ont bien entendu quelques dossiers thématiques à travailler, sur la culture du blé par exemple, mais Stéphane s’interroge réellement sur le niveau des attentes. Et donc sur les ambitions de ces voies de formation dont la vocation première et l’acquisition de la technique.
Se mettre en situation d’apprendre
« L’apprentissage est une mise en application des connaissances théoriques », croit l’exploitant. On y apprend différemment. Mais, il faut ici comme ailleurs se mettre en situation d’apprendre. « Poser des questions, s’intéresser, analyser sont des attitudes indispensables pour progresser. Mais, explique-t-on à nos jeunes qu’elle est la posture de l’apprenant ? ». Lorsqu’ils montent dans un tracteur, qu’ils vont passer la herse, épandre le fumier, pour la première fois, les jeunes sont guidés. « Si les questions ne viennent pas, que les apprentis ne sont pas obligés par quelques travaux de recherche à comprendre, chercher eux-mêmes des réponses, la fois suivante, ils n’auront pas progressé en autonomie. C’est pourtant la finalité de toute formation », juge Stéphane.
Parce que Corentin est régulièrement invité à dépasser les barrières de sa timidité, Stéphane reste optimiste en ce qui le concerne. Cependant, l’exploitant se sent un peu seul face à l’ampleur de la tâche. « Pour que les questions viennent aux jeunes, encore faut-il qu’ils aient travaillé les notions fondamentales ». Sur ce point Stéphane s’interroge.
A lire un dossier de 4 pages dans Agri 79