Ainsi la gestion sera équilibrée
Explications, tenants, aboutissants, ils s'y mettent tous pour défendre les projets en cours.
L'enquête d'utilité publique vient juste de s'achever : 450 avis, moitié pour, moitié contre. Pour l'instant. Le projet de construction de 21 réserves de substitution sur le bassin de la Boutonne (voir notre édition du 2 février) a suscité des cristallisations, des oppositions, mais autant de réaffirmations. Ce qu'on voulut la présidente du Syres 17, Françoise de Roffignac, Frédéric Emard, président du Symbo (syndicat mixte de la Boutonne) et Guillaume Choisy, directeur de l'agence Adour Garonne aux côtés de Jean-Baptiste Milcamps, DDTM, c'était une nouvelle fois redessiner précisément les contours, les objectifs recherchés. D'abord, ils mettent en avant «le contexte» et simultanément «le futur.» Pour Guillaume Choisy, la perspective de voir monter de 1,5 à 2°C la température à l'horizon 2050 indique l'urgence de prendre des mesures. Il dépasse le simple cadre du «bon état» de 2021. Voit plus loin. La seule solution pour pallier à des étés et des hivers plus secs, plus chauds, reste encore, comme cela s'est fait dans d'autres régions françaises : stocker de l'eau lorsqu'elle tombe. «Il pleut environ 95 milliards de mètres cubes sur le bassin Adour Garonne. L'eau utilisée pour l'irrigation des cultures, c'est 0,5 %.» Cela relativise l'eau qui passe dans les 120 000 kms de rivières. S'il parle d'étiage, c'est estival. L'eau ne manque pas dans tout le bassin. Mais la prospective est alarmante : d'ici 2050, le débit des rivières aura baissé de moitié si... Alors dans l'arsenal des mesures qu'il préconise avec son agence de l'eau, ce sont des pratiques plus vertueux d'utilisation, des stockages, de l'agro-écologie. «Nous aurons alors des problèmes d'eau potable et il faudra de lourds et coûteux moyens pour la traiter surtout en été. » Le bassin de la Boutonne (aval et amont) est pionnier dans l'écriture de la dizaine de projets de territoires en préparation à Adour Garonne.
Aujourd'hui, le bassin de la Boutonne «consomme» autour de 8 Mm3 (virtuellement lorsque ne surviennent pas les restrictions tôt dans la campagne). Les réserves de substitution se proposent d'en stocker 3,8 Mm3. «Et il n'y a aucun problème, comme cette année pour les remplir !» renchérit Jean-Baptiste Milcamps. Tous les protagonistes de cette opération «communication après enquête d'utilité publique» sont unanimes. Il ne s'agit pas seulement de fournir de l'eau hivernale pour l'irrigation estivale. Mais bien plus lorsque Frédéric Emard décline l'ensemble des actions présentes dans le projet de territoire qui va des économies d'eau, à la structuration de filières ou le développement de cultures comme le chanvre, le soja sans OGM (cultures à forte valeur ajoutée) ou de couverts usant de la rosée. Si les réserves voient le jour, ce sont 5,2 Mm3 qui seront soustraits de quantités nécessaires l'été. Ramenant les besoins du bassin à seulement 3 Mm3. Supportable par le milieu et tous les usages. Le souhait est de voir entrer dans l'ASA Boutonne tous les irrigants du secteur «pour qu'ils ne soient pas pénalisés», même si tous n'auront pas accès à l'eau des réserves. Sinon, ils se verront attribuer seulement 1050 m3.
La difficile recherche de l'équilibre
Françoise de Roffignac, présidente du SYRES 17, est prolixe sur les processus multiples de concertation, de discussion mis en place dans son syndicat mixte, avant, pendant et «même après» le montage des dossiers de réserves de substitution. Une gestion publique conçue pour «construire ensemble.» Si les discours se sont faits plus prenants ces derniers temps, la recherche de l'équilibre, dans le débat public, lui fait dire que le «projet permettra d'atteindre le volume prélevable, mais aussi une remontée de la nappe, des augmentations des débits des cours d'eau et limitera les assecs en période estivale.» Elle met aussi en avant des «faces» cachées de ces projets : la sécurisation des productions alimentaires sur des créneaux, donner des perspectives au monde agricole «en amélioration la compétitivité des exploitations.» Elle lie autant les actions contenues dans le projet de territoire que les constructions de réserves à l'émergence ou tout au mieux la conservation d'emplois «non délocalisables.» Elle demande que l'on ne regarde pas ce projet de réserves à court terme, «avec une vision étriquée de l'agriculture d'aujourd'hui.» Si elle estime très «pédagogiques» les mois passés avant l'enquête, elle lance le slogan : «nous pouvons ainsi corriger les dysfonctionnements du présent et préserver le futur. Arrêtons de diaboliser les réserves de substitution.» Selon Guillaume Choisy, il y a «convergences» entre environnement et économie : «la Boutonne est la première en France à être rentrée dans cette logique-là.» Frédéric Emard glisse : «toutes les décisions du SAGE au projet de territoire ont été approuvées à de très larges majorités...» Comme pour dire que le bruit fait en opposition au projet bute contre les années de démarches, d'études, de recherche de consensus avant que naisse l'enquête d'utilité publique. En dépouillant les 450 avis de cette dernière, les commissaires enquêteurs auront loisir de se remémorer cette dernière slave lancée pour «ceux qui pensent que ces solutions, qui ne sont pas panacée, peuvent faire avancer la cause environnementale de l'eau, tout en changeant les pratiques agricoles.»