Bio : Prendre le pouls d’un marché qui s’étend
Interbio organisait le 25 juin à Jonzac les premières « rencontres acheteurs de produits bio en Nouvelle-Aquitaine », pour donner de la visibilité aux productions locales et favoriser les circuits courts.
Philippe Lassalle Saint-Jean, président d’Interbio Nouvelle-Aquitaine, en convient volontiers : « le bio n’est pas aujourd’hui une production de masse ». Mais le secteur se développe, porté par les choix des consommateurs les plus aisés et des politiques favorables, comme l’objectif de 20 % de produits bio dans les cantines dès 2022. Au risque, parfois, d’entraîner certaines dérives, avec notamment des productions ‘‘bio’’ étrangères dont les critères ne sont pas ceux du marché français, voire même du conventionnel hexagonal…
Pour y remédier, Interbio Nouvelle-Aquitaine a donc décidé de s’associer avec Bio Linéraires pour « mettre en relation la filière amont et la filière aval », explique Philippe Lassalle Saint-Jean. La journée de « rencontres acheteurs de produits bio en Nouvelle-Aquitaine » a été organisée à Jonzac, le 25 juin. « Les nouveaux acteurs disent souvent : ‘‘le bio, c’est compliqué’’, indique le président d’Interbio Nouvelle-Aquitaine. Ça reste un petit marché avec peu d’entreprises. L’interprofession représentant l’ensemble des acteurs, elle peut organiser un salon avec une cinquantaine d’entreprises pour accueillir les acheteurs. » L’objectif est de renforcer la sélection de produits de proximité par les grandes surfaces, les collectivités et les restaurateurs, mais aussi de garantir l’achat à un prix rémunérateur, grâce à des contrats pluriannuels entre producteurs et transformateurs et à une validation des tarifs par les commissions de filières d’Interbio. « On est sur ce que les Égalim avaient souhaité », avance Philippe Lassalle Saint-Jean.
Un débouché supplémentaire
Si des spécialistes de la bio étaient bien présents lors de l’événement (Souvent faciles à repérer : ils comportent bien souvent « bio » ou « nature » dans leur nom), bon nombre de producteurs et de transformateurs présents jouent sur les deux tableaux : à la fois conventionnel et bio. Le premier est le socle de l’entreprise, le second une niche, à la croissance intéressante mais qui ne suffit pas à garantir la rentabilité d’une structure. Pour les glaces L’Angélys de Fontcouverte (17), « n°1 français de la glace artisanale en grande surface », la gamme bio représente actuellement 8 % du chiffre d’affaires. « Ça progresse, indique Denis Lavaud, maître-glacier et fondateur de l’entreprise, mais le conventionnel gagne 40 % par an. » Ses produits sont déjà sans colorant, gluten ou huile de palme ; le bio est alors un atout de plus auprès des clients.
Objectif distinction
De fait, face à des consommateurs qui sont toujours plus nombreux à conditionner leurs achats à la présence du fameux label, les producteurs alimentaires doivent s’adapter pour survivre. Ainsi, Saintong’Œufs, qui produit et contractualise des œufs dans l’est de la Charente-Maritime depuis 1962, a franchi récemment le cap. « Nous avons diversifié l’offre avec du bio depuis début janvier », explique la gérante Véronique Pestourie. « On avait une demande, on a encore un potentiel à développer. » La même logique a présidé lors du lancement d’une production d’œufs en plein air, en 2007 : satisfaire les attentes sociétales de la clientèle. Toutefois, cette recette ne prend pas à tous les coups. La pâtisserie Beurlay a ainsi renoncé à la production d’une version bio de sa célèbre galette charentaise, au profit de produits sablés inédits, en préparation. « Les magasins bio veulent de la distinction, explique-t-on sur le stand de la marque, pas les mêmes produits qu’ailleurs. » La sortie de cette gamme spécifique est prévue pour l’automne.
Et du côté des acheteurs, cibles cette journée ? À l’issue de la matinée, ils étaient encore bien peu à s’être fait connaître. Devant les stands, c’étaient bien souvent d’autres producteurs qui venaient échanger avec leurs congénères de la filière. Du côté d’Interbio Nouvelle-Aquitaine, on craignait que les fortes chaleurs de cette fin juin n’aient découragé certains acheteurs. Mais ils étaient quand même quelques-uns à avoir fait le déplacement, à l’image d’Antoine Simonart (Auchan Sud-Ouest), venu « pour suivre les tendances marché et développer des partenariats avec des plateformes locales et régionales », indique-t-il. « Il y a pas mal de partenaires parmi les exposants et d’autres sur lesquels nous n’avions pas d’offre. C’est un panel bien fourni. » Cette présence était donc une opportunité pour certains des producteurs présents ; mais pour d’autres comme L’Angélys, déjà en contrat avec E.Leclerc, Carrefour, Auchan et d’autres centrales d’achat, « on montre qu’on est là, on ne vient pas pour faire du business ». Au final, même si les résultats commerciaux n’étaient pas forcément acquis pour tous, Interbio Nouvelle-Aquitaine est parvenu à montrer qu’une filière existait dans la région et qu’elle pouvait se mobiliser ensemble à l’occasion d’événements. En soi, c’était déjà une victoire.