Blés - Mieux caractériser l’aptitude des variétés
L’idée est de voir s’exprimer les protéines recherchées par la meunerie ou les biscuitiers.
Arvalis-Institut du Végétal a présenté récemment les voies de progrès engagées pour mieux caractériser les variétés selon les différents usages. Pour une utilisation boulangère, le blé est principalement évalué en fonction de son aptitude à la panification. «Mais ce test rigoureux peine à être représentatif de tous les usages. La part de la boulangerie industrielle ne cesse d’augmenter et les pratiques boulangères évoluent, même dans l’artisanat, avec le recours systématique au froid» soulignaient Jean-Paul Bordes, directeur R&D et Benoît Méleard, du pôle Qualité à Arvalis.
Le raisonnement est simple : la quasi-totalité des blés ont un potentiel panifiable. Les protéines de réserve (c’est-à-dire les gluténines et les gliadines formant le gluten) «gouvernent la valeur d’usage » selon Jean-Paul Bordes. Et la génétique, c’est-à-dire les variétés, module «la nature et la composition en protéines de réserve donc du potentiel de qualité.» Le climat et les pratiques s’ajoutent et ils modulent l’expression du potentiel qualité. En gros, les protéines de réserve, allient dans une ambiance humide avec l’amidon pour former le gluten. Cela donne de la viscosité via les gliadines et de ténacité via les gluténines. Si le blé devient fourrager, il a donc été déclassé pour la fabrication meunière. «La variété porte une part essentielle de la qualité» précise-t-il, «mais lorsque la fabrication est possible mais la qualité varie selon la nature des protéines : extensibles ou tenaces.» Pour ce faire, des marqueurs existent pour caractériser ces deux «propriétés» avec les outils moléculaires dans le génotypage. S’ajoutent sur cette expression possible des protéines, le climat et les pratiques. «Certaines variétés sont régulières quel que soit le lieu» précise Benoît Méléard d’Arvalis : «mais les notes de panification varient selon le lieu d’implantation.» ON a déterminé cela depuis 2009. Ces marqueurs ( le 5+10 de la ténacité ou le 2/3/4+12 de l’extensibilité) s’échelonnent en fonction du lieu et… de la température. Selon l’étude au départ de cette réflexion menée à la fin des années 80 par Gérard Blanlard, de l’Inra de Clermont Ferrand, on a fait apparaître les caractéristiques des polymères des gluténines comme fortement influencées par la température au cours de l’accumulation des réserves dans le grain. «Ces polymères sont à prendre en considération dans l’analyse du comportement en panification. Une variabilité génétique existe, notamment pour leurs caractéristiques dimensionnelles qu’il conviendra d’explorer si l’on veut obtenir une meilleure stabilité de la valeur d’utilisation.» L’étude complète : «un test offre, notamment par le protocole rapide mis au point dans cette étude, de réelles possibilités d’approcher en sélection la valeur phénotypique du volume du pain.»
Mettre en place les besoins
Aujourd’hui, un nombre d’analyses est réalisé : «protéine, dureté, Zélény, alvéogramme de Chopin, farinographe) pour déterminer la classe technologique.» Pourtant le fameux test VO3-716 aussi rigoureux soit-il n’avère pas suffisamment représentatif de tous les usages. Surtout que les pratiques boulangères ont aussi changé de leur côté avec des chambres de blocage positif et le stockage. Conséquence : le profil extensible se raréfie… «Ce contexte explique l’intérêt des utilisateurs pour certaines variétés qui semblent pourtant inférieures en qualité.» On recherche les variétés au profil extensible «même si la valeur au test de panif est moyenne.»Arvalis-Institut du végétal constate aujourd’hui une raréfaction des variétés permettant d’obtenir des protéines extensibles, «très recherchées par les meuniers.» Pour adapter l’offre à la demande, il sera donc nécessaire de «développer de nouveaux tests plus proches des utilisations.» Arvalis va plus loin et imagine de «reconcevoir l’utilisation et la mise en avant des tests usuels.» Notamment des tests qui permettraient d’évaluer la capacité à la fermentation très longue. En comparant les variétés selon le test classique (VO3-716), ou celui de pousse contrôlée, ou bien celui du pain tradition française, les diagrammes diffèrent. L’idée est d’agréger les différents critères et on affecte des contributions variables selon les applications. Idem pour la fabrication des pâtes pour le blé dur. C’est le projet «predipâtes.»
Dans ce souci de mieux répondre à des nouvelles attentes, Arvalis parle aussi de mieux classer les variétés de blés à l’export. «Il s’agit de stabiliser une méthode pour définir la probabilité qu’une variété implémente (c-à-d corresponde aux attentes et à l’utilisation) les classes premium et supérieur.» Le pavé est lancé dans la mare.