Patrimoine
Ces monuments qui ont ancré les morts dans notre paysage
Les monuments dédiés aux « Morts pour la France » sont présents dans la plupart des communes du département. Derrière les listes de noms et les statues, tous ont leur petite histoire et leurs souvenirs bien à eux.
Les monuments dédiés aux « Morts pour la France » sont présents dans la plupart des communes du département. Derrière les listes de noms et les statues, tous ont leur petite histoire et leurs souvenirs bien à eux.
Chaque village ou presque a le sien : depuis la fin de la Grande Guerre il y a un siècle, les monuments aux morts sont devenus, comme les églises ou les mairies, des lieux communs à la plupart des communes du pays. Leur fonction n’est ni politique, ni religieuse : leur but n’est que de se souvenir. De se rappeler des hommes qui ont donné leur vie pour la patrie dans tous les conflits qui ont ébranlé celle-ci depuis un siècle.
En réalité, les monuments aux morts ne sont pas une invention issue de la Première guerre mondiale : le musée du Louvre présente ainsi une stèle athénienne du Vème siècle avant notre ère, comportant la liste des noms de combattants tombés au champ d’honneur. Plus près de nous, au tout début du XXème siècle, c’est à Rochefort qu’a été inauguré, en novembre 1907, un monument un peu particulier. Installé au sein du cimetière civil, il rend hommage aux équipages de navires militaires détruits à proximité de Rochefort ou qui s’y étaient entraînés. Il a été commandé après la disparition d’un navire, la Vienne, disparu sans laisser de trace lors d’un voyage devant le mener jusqu’à Toulon. Le modèle de la statue qui le surplombe avait déjà été employé sur d’autres monuments dédiés aux morts de la guerre franco-prussienne de 1870 ; la réplique exacte est d’ailleurs visible au cimetière de Chilvert à Poitiers.
515 monuments en Charente-Maritime
Toutefois, de par l’ampleur des pertes qui y ont été subies, c’est bien la Première guerre mondiale qui a fait entrer les monuments aux morts dans la plupart des communes du territoire. À l’occasion du centenaire du conflit, deux chercheurs de l’Université de Lille, Matthieu de Oliveira et Martine Aubry, ont créé une base de données de ces monuments commémoratifs. On y apprend que 515 d’entre eux ont été recensés en Charente-Maritime (47 616 sur la France entière), soit plus que les 463 communes actuelles ! Certaines communes issues de regroupements en possèdent donc plusieurs, à l’image de Bernay-St-Martin qui en a un pour les combattants du village de Bernay et l’autre pour ceux de St-Martin-de-la-Coudre. À l’inverse, Chaunac, en Haute-Saintonge, n’en possède aucun.
Poilus et République
Pour honorer leurs morts, beaucoup de communes ont choisi au sortir de la guerre la sobriété d’une simple obélisque de pierre; parfois ornée de lauriers ou couronnée d’un petit coq gaulois, où sont inscrits les noms des morts tombés en 1914-1918, souvent rejoints des années plus tard par les morts (moins nombreux) de la Seconde guerre mondiale et des conflits d’Indochine et d’Algérie. Mais beaucoup sont accompagnés de statues. La figure emblématique du Poilu des tranchées revient souvent : il est triomphant à St-Jean-de-Liversay et Ste-Soulle, attentiste à St-Sorlin-de-Conac ou Périgny, dans le vif du combat à Muron... Mais pas de poilus gisants, morts au combat, que l’on retrouve plus dans les départements qui ont servi de théâtre au conflit. Parfois, le poilu est une femme, l’allégorie de la République : à Chives et Torxé, elle porte le casque et le drapeau, tandis qu’elle est ailée à St-Pierre-d’Oléron. Celle qui trône dans le square de la Libération à St-Jean-d’Angély arbore fièrement les lauriers de la victoire, mais celle qui est incrustée en bas-relief sur le monument de Sousmoulins pleure sur ses enfants morts au combat. Il fait partie de ces stèles où, derrière l’hommage aux soldats, un message plus pacifiste voit parfois le jour. Ainsi, à Port-des-Barques, la commune rend hommage « à ses enfants morts pour la France », mais aussi « aux veuves et orphelins victimes des guerres », une façon de rappeler les dommages collatéraux, trop souvent invisibles, des conflits.