Bâtiment
Chanvre : une journée pour « mettre la main à la pâte »
Dans le cadre de la structuration d’une filière chanvre en Nouvelle-Aquitaine, une journée de sensibilisation a réuni architectes et artisans à la Grève-sur-Mignon (17), le 4 mars, dans le but de s’initier à l’utilisation du chanvre dans le bâtiment.
Dans le cadre de la structuration d’une filière chanvre en Nouvelle-Aquitaine, une journée de sensibilisation a réuni architectes et artisans à la Grève-sur-Mignon (17), le 4 mars, dans le but de s’initier à l’utilisation du chanvre dans le bâtiment.
Bancher un mur avec du béton de chanvre demande un lancer de poignée précis, comme ont pu le constater les participants à la journée de sensibilisation « Main à la pâte chanvre », le 4 mars dernier, à Grève-sur-Mignon (17). Organisée par le Symbo(1) et la Cdc Aunis Atlantique, la journée était inscrite dans le cadre du développement d’une filière en région Nouvelle-Aquitaine. « Notre objectif est de développer un groupement de producteurs de chanvre en Charente-Maritime. Ils sont aujourd’hui 17 producteurs dans le secteur de Tonnay Boutonne », expose Stéphanie Sauvée, consultante régionale pour la filière verte.
En Charente-Maritime, le groupement compte 17 producteurs de chanvre. Ils commencent sur des surfaces de 3 ha."
En prenant en compte le bilan carbone des matériaux, la nouvelle règlementation environnementale (RE2020) a fait passer les biosourcés en haut de la pile des matériaux à privilégier. Le chanvre devient donc une solution d’avenir pour la rénovation comme pour les constructions neuves. « Pour structurer une filière, l’offre doit pouvoir répondre à la demande, qui est forte aujourd’hui, poursuit Stéphanie Sauvée. Le groupe de producteurs devra avoir la capacité de fournir de la laine isolante, faite à base de paille de chanvre, et de la chènevotte. On travaille aussi sur le marché pour que les collectivités, les bailleurs sociaux et les structures qui accompagnent les particuliers prescrivent et conseillent l’utilisation de ces matières ».
Deux bâtiments exemplaires vont être construits : la mairie de Saint Julien de l’Escap et le CDI du collège La Fontaine à Montlieu la Garde.
Des vertus hygrothermiques
Si on en croit le conte des Trois petits cochons, construire sa maison en paille est dangereux. Les professionnels du bâtiment présents à la journée de sensibilisation entendent toujours des a priori sur ce matériau : « Il y a un déficit de communication sur les avantages du chanvre. Les gens pensent que la paille, ça brûle. Le béton de chanvre montre au contraire une bonne résistance au feu », regrette Vincent Ballanger, gérant de l’entreprise de maçonnerie Abella & Co, à Cognac.
On peut faire toute une maison en chanvre, sauf les murs porteurs."
Venu des Deux-Sèvres, Hubert Rinaldi est un des fondateurs de Chanvre Mellois, entreprise pionnière et modèle sur ce marché. Plus que convaincu par les vertus de cette plante, il a animé un atelier sur les dalles en béton de chanvre : « On peut faire toute une maison en chanvre, sauf les murs porteurs, souligne-t-il. L’objectif de cette journée est de montrer que c’est possible ».
La tige de chanvre, constituée de micro-tuyaux remplis d’air, est un bon isolant, aussi bien thermique que phonique. « Le chanvre régule la température et l’hygrométrie, explique Vincent Ballanger. C’est un matériau respirant et fongicide, ce qui assure une meilleure hygiène dans l’habitat. Il ne va pas larguer des molécules nocives dans l’air, comme on peut en trouver dans des bois traités ou des plastiques ».
Intervenant sur l’atelier de projection de béton de chanvre, Yaël Charton observe les mêmes propriétés : « Avec mon entreprise La Boite à Bâtir, je travaille dans la restauration du bâtiment ancien. C’est logique pour nous de l’utiliser dans la rénovation car il est en adéquation avec des murs en pierre. Il assure une bonne respirabilité des murs, l’air est plus sain ».
Des machines à mettre au point
Les groupements de producteurs locaux souhaitent posséder leur propre outil de transformation, loin du modèle industriel des Chanvrières de l’Aube. Côté artisans, l’application de béton de chanvre à la main atteint rapidement une limite et le besoin de mécanisation se fait sentir. Là où le bât blesse, c’est au niveau du coût de l’investissement, à savoir 25 000€ minimum pour une machine à projeter du béton de chanvre. « Pour répondre à certains marchés, il faut une machine. Pour avoir la machine, il faut investir. Pour investir, il faut accéder à ces marchés… Le serpend se mord la queue », estime Vincent Ballanger.
Si la filière met du temps à se mettre en place, c’est bon."
Pour que la filière se structure dans la durée, les acteurs réfléchissent à des machines à moindre coût. L’entreprise Chanvre Mellois a déjà une longueur d’avance avec sa machine auto-construite pour défibrer la paille. Il travaille aussi sur l’équipement des artisans avec des machines à projeter à 7 000€. Hubert Rinaldi prône la prudence et la construction sur le temps long : « Si la filière met du temps à se mettre en place, c’est bon. D’autres ont essayé de mettre en place des filières et n’existent plus aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit à l’erreur ».
-
Symbo : Syndicat mixte pour les études, les travaux d’aménagement et de gestion du bassin de la Boutonne