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Une réforme territoriale à marche forcée pour le Ceser

Saisi, à l'initiative de Ségolène Royal, alors présidente de Région, sur le projet de réforme des régions engagé par le gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) a présenté son rapport le 11 juillet à l'Université de Poitiers.

Si le Ceser est favorable à une réforme territoriale, il prévient que « la nouvelle carte des régions ne doit pas être un préalable à la réforme des institutions ».
Si le Ceser est favorable à une réforme territoriale, il prévient que « la nouvelle carte des régions ne doit pas être un préalable à la réforme des institutions ».
© N.C.

Les nouvelles délimitations de la carte des régions administratives sont encore loin d’être établies. Les propositions de l’État ne font toujours pas l’unanimité, à commencer dans notre région. Dans le sud du Poitou-Charentes, des élus charentais continuent à défendre avec force un rattachement à l’Aquitaine, comme ils l’ont encore fait vendredi dernier, à la faculté de Droit de Poitiers, lors d’une rencontre sur la réforme territoriale, organisée à l’initiative du Ceser et de la Région. « D’un point de vue géographique, touristique, économique, la Charente est tournée vers l’Aquitaine. J’espère que les parlementaires nous donneront raison dans les jours qui viennent », a martelé le maire de Cognac. Michel Gourinchas s’est dit aussi étonné que la Région ne se prononce pas sur tel ou tel rapprochement. « Il n’y a pas de raison de le faire », lui a répondu Jean-François Macaire, président de la Région. « Le Poitou-Charentes n’est pas une République autonome. Nous sommes dans l’influence d’un certain nombre d’autres territoires qui ont aussi leurs exigences, leur vision. »
Michel Boutant, président du conseil général de Charente a emboîté le pas du maire de Cognac. Pour lui, l’existence d’une chambre régionale des comptes Aquitaine - Poitou-Charentes, la zone de défense Sud-Ouest, qui concerne la sécurité civile, englobant l’Aquitaine et le Poitou-Charentes et le Limousin, et le fait que la Charente dépende, sur le plan juridictionnel, de la cour d’appel de Bordeaux, justifient à eux seuls une fusion avec l’Aquitaine. Et d’ajouter qu’« en termes d’économie agricole, nous partageons avec l’Aquitaine deux des plus beaux fleurons de la production viticole, que sont le Bordeaux d’une part et le Cognac d’autre part ».
Nouvel épisode dans ce feuilleton à rebondissements du redécoupage des régions : il y a quelques jours, un député a proposé la fusion entre l’Aquitaine et le Limousin, reconsidérant ainsi le projet du Gouvernement d’une méga région associant le Limousin au Poitou-Charentes et au Centre.
Dans son rapport, le Ceser a voulu prendre un peu de hauteur par rapport à ces questions identitaires.
« Le Ceser ne peut que se féliciter qu’une décision ait été prise pour que la réforme territoriale promise depuis plusieurs années soit enfin mise en œuvre », souligne le président du Ceser, Michel Hortolan. « Cette simplification du fonctionnement de nos institutions, avec la fusion de plusieurs collectivités, est bienvenue pour le Ceser. Toutefois, nous sommes interrogatifs, voire inquiets sur la méthode choisie. La publication de la carte, le 2 juin dernier, a cristallisé des réactions identitaires, mais d’autres questions de fonds tout aussi importantes ont été oubliées.»
Michel Hortolan prévient que toute réforme de décentralisation doit afficher comme objectif le bien-être des habitants. « La nécessité d’un nouvel acte de décentralisation n’a de sens que s’il est une meilleure réponse aux attentes des citoyens et des acteurs (entreprises, associations...), en termes d’utilité, de lisibilité, de proximité pour que les citoyens sachent qui fait quoi. » Le Ceser craint sinon une dégradation des services publics liés à la taille des futures régions. Il veut que la réforme renforce et préserve l’équilibre des territoires.
Le Ceser a aussi des attentes vis-à-vis de l’État. « Pour nous l’État n’a pas affiché l’ensemble des éléments qui permettaient de réellement comprendre comment allaient s’articuler ces réformes », regrette Daniel Sauvètre. « Rien n’est dit sur l’organisation de l’exercice des missions régaliennes de l’État. Allons-nous vers un système fédéral ou cherchons-nous à inventer un système mixte entre notre république et le fédéralisme ? Ces questions auraient dû être le préalable à tous travaux de réorganisation de la République. »
Le Ceser déplore que la réforme ne prenne pas en compte l’implication de la société civile dans le processus de prise de décision et la mise en œuvre des politiques publiques.
« La concertation n’a pas eu lieu et la carte imposée trouble l’image positive de la réforme. La concertation avec les collectivités locales, les forces vives économiques, sociales et environnementales du territoire aurait été le garant de la prise en compte des réalités vécues, de l’équilibre territorial des enjeux de demain. Cette réforme s’est faite dans la précipitation et engendre de nombreuses inquiétudes. L’occasion d’un vrai débat a été gâchée. »

Poids économique et financier
Parmi les critères à prendre en compte pour le rapprochement avec d’autres régions, le Ceser estime que « la territorialisation de l’économie, et de la recherche d’efficacité économique et sociale », fait partie des priorités. « Pour répondre aux enjeux de développement, les régions doivent pouvoir disposer d’une puissance économique et financière adapteée pour renforcer leur attractivité. »
Le Ceser propose finalement une inversion du calendrier parlementaire. Il souhaite un moratoire sur la nouvelle carte des régions et l’examen des projets de loi permettant de clarifier toutes les interrogations soulevées dans son rapport. Il le justifie aussi car il veut plus de visibilité sur les compétences des régions, leurs ressources, leur fiscalité, leur pouvoir réglementaire et leurs moyens d’action. « Ce moratoire permettrait une phase de consultation auprès des corps intermédiaires constitués, et auprès de la population », explique Michel Hortolan. Le Ceser, qui n’est pas pour un référendum sur la délimitation des régions, demande que les forces vives se mettent à « l’élaboration d’un projet stratégique » avant d’engager une quelconque fusion.

En bref

Un nouveau projet de redécoupage régional a été présenté mardi 15 juillet par les députés socialistes. On ne parle plus de 14 mais de 13 régions. Avec en particulier le regroupement des régions Aquitaine avec le Limousin et le Poitou-Charentes, ce qui semble être le point de vue de la plupart des députés de la région. A l’exception de Jean Grellier, plutôt favorable à un rattachement de la région aux Pays de la Loire. La région Centre resterait seule, ainsi que la Bretagne et les Pays de la Loire. Mais selon le Premier ministre, Manuel Valls, « des évolutions sont encore possibles », notamment à l’automne après les états généraux de la ruralité.

Le président de la Fnsea Xavier Beulin a « sensibilisé » les députés afin qu’ils prennent en compte des territoires ruraux dans la réforme territoriale, par un courrier du 15 juillet. « Souvent oubliés face à des métropoles qui concentrent tous les centres de décisions, il ne faudrait pas que, demain, ils ne soient que des territoires laissés et délaissés », explique Xavier Beulin aux parlementaires. « La ruralité a besoin de transports efficaces, d’une santé de proximité, d’écoles pour tous, de connexions Internet efficientes, d’un cadre de vie agréable », ajoute-t-il. S’il se dit pour « que la France fasse des économies et se restructure pour plus d’efficacité et de compétitivité », il demande de « conserver la ferme volonté de rétablir l’équilibre et l’égalité des territoires ».

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