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Décryptage
Communication : les agriculteurs prennent les devants

Pour ne plus laisser les autres parler d’eux à leur place, les agriculteurs se lancent dans la communication. Qu’ils prennent en main les outils numériques ou qu’ils passent par un professionnel, leur but est le même : donner une image positive du métier.

François Pétorin aime « caresser le blé » plus que les vaches ! Et il partage sa passion pour son métier sur le réseau social Twitter.
© Léa Calleau

« On ne sait pas communiquer » : tel est souvent le constat fait par les agriculteurs, discrets, si discrets que d’autres ont souvent pris la parole à leur place pour véhiculer un message plutôt négatif de leur travail. Depuis l’essor d’internet et des réseaux sociaux, la tendance commence à s’inverser. Le monde agricole s’empare de plus en plus de ces outils pour toucher le grand public.

À Saint-Saturnin-du-Bois, François Pétorin fait partie de la communauté de France Agri Twittos (voir ci-dessous) : il publie régulièrement sur Twitter des photos de ses cultures, donnant à voir son quotidien en tant que céréalier : « Je montre ce qu’on fait réellement dans les champs : les récoltes, le type de cultures, l’irrigation… », témoigne-t-il. Il s’est lancé en 2017 après une formation sur la communication. « J’ai toujours aimé le numérique donc je m’y suis mis sans difficulté. »

Fils d’agriculteur, il reconnaît que la communication a longtemps été délaissée : « Avant, on ne voyait pas de reportage chez les agriculteurs dans le journal. Ce n’était pas habituel de parler de notre métier. Aujourd’hui, beaucoup d’agriculteurs ont des comptes Facebook sur leur ferme. »

Il y a une forte pression sur le milieu agricole. L’intérêt est d’expliquer en amont ce qui se passe."


Les prises de vue par drone, ici pratiquées par
Philippe César, connaissent un grand succès.

Sa prise de parole publique est aussi une manière de défendre sa profession : « Il y a une forte pression sur le milieu

agricole. L’intérêt est d’expliquer en amont ce qui se passe. Sans contexte, des photos peuvent être mal interprétées. J’explique pourquoi je traite le colza la nuit, que ce n’est pas pour me cacher ! »

Faire de belles images pour donner une bonne image de l’agriculture, tel est aussi l’objectif de Philippe César, de la société Dronephildimages à Tonnay-Charente. « Je veux montrer une autre image du travail de la terre et de l’élevage », explique le photographe et vidéaste. « Les agriculteurs sont humains, ils font des efforts. L’agriculture intensive d’après-guerre est finie. Je fais de belles images pour montrer que c’est un beau métier. Personnellement, j’envie les agriculteurs. J’aimerais avoir un bureau comme le leur, ils ont un cadre de travail magnifique ! »

Une nouvelle dynamique avec le retour au local

Après deux années de pandémie, le regard sur l’agriculture a changé, d’après Philippe César : « L’essor des circuits courts amène un grand changement. Les agriculteurs vont vers la communication. » Cet opérateur de drone a commencé par travailler pour la coopérative de Tonnay-Boutonne.

J’ai de plus en plus de demandes pour accompagner des producteurs à communiquer sur leur ferme et leurs produits."

Aujourd’hui, ce sont les agriculteurs qui l’appellent directement : « J’ai de plus en plus de demandes pour accompagner des producteurs à communiquer sur leur ferme et leurs produits. Je leur donne des conseils sur les photos : c’est important qu’il y ait un aspect humain, une main qui donne à manger aux animaux par exemple. Je fais des photos culinaires aussi. Je les aide à monter une page Facebook. Je suis administrateur de la page pendant un moment et je les lâche petit à petit pour qu’ils prennent en main l’outil. » Les photos peuvent être imprimées pour des panneaux à l’entrée de la ferme ou des flyers.

Si les agriculteurs de plus de cinquante ans le sollicitent en majorité, les plus jeunes lui demandent également conseil : « Ils sont à la page, mais ils n’ont souvent pas le matériel ou les logiciels. »

Dépasser l’entre soi

La portée des réseaux sociaux a peu de limites : une publication peut faire le tour du monde. S’exprimer sur l’agriculture, pour François Pétorin, ne doit alors pas se limiter au cercle restreint des agriculteurs : « Je vise surtout le grand public. Je ne vais pas trop dans la technicité. Il faut rester succinct, sinon on perd les gens. »

Toucher les personnes hors du milieu agricole n’est cependant pas chose facile : « J’ai beaucoup de réactions de personnes qui sont du milieu. On s’intéresse à comment les autres font pour gérer certaines problématiques : maladie, manque d’eau… Quand j’ai parlé du printemps maraîchin, en revanche, j’ai eu beaucoup plus de réaction de personnes extérieures au métier », observe-t-il.

Je tweete au gré de mes déplacements dans les champs."

Pour atteindre une plus grande visibilité, les tags sont importants. Par ce symbole #, toutes les publications qui ont le même sujet sont mises en lien : « Je tague souvent #photographie, ou même #photograph en anglais, ça touche plus de personnes », détaille François Pétorin. « Et j’ai des photographes professionnels qui me suivent maintenant. » Le plaisir du céréalier est avant tout de montrer le beau paysage que son travail façonne.

Cet investissement sur les réseaux sociaux ne demande pas à y consacrer des heures entières : « Ça se fait au gré de mes déplacements dans les champs. L’autre jour, j’ai publié un tweet quand je suis allé observer les colzas. Tout dépend de l’actualité et des couleurs dans le ciel ! »

Si l’image est au cœur de la communication virtuelle, le contact humain est tout aussi important pour changer le regard sur l’agriculture. Le mois de mai est riche en évènements pour ouvrir les portes des fermes et échanger en direct sur le métier. Les 14 et 15 mai, c’est le Printemps à la ferme chez les producteurs du réseau Bienvenue à la ferme. Le salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine se tiendra lui du 21 au 29 mai. Il est encore possible de créer un évènement sur sa ferme, rendez-vous sur www.chaussezvosbottes.fr pour bénéficier de moyens de communication.

France Agri Twittos, une communauté 2.0

Des photos de petits veaux juste nés ou du gros chat qui traîne dans la stabulation, de l’explication du pâturage tournant à celle des cartes de préconisation, les tweets des agriculteurs sont variés, à l’image de l’agriculture en France. Sur le réseau social Twitter, ils sont devenus une petite communauté à échanger sur leur quotidien. En 2017, un premier rassemblement a eu lieu, digital lui aussi ! Des agriculteurs ainsi que des para-agris ont constitué un réseau dont le but est de passer du virtuel à la réalité, en mettant en relation des connaissances issues du réseau social.

En rompant l’isolement et en ouvrant une fenêtre, même virtuelle, sur leurs exploitations, les agriculteurs donnent à voir une image positive et portent un discours pédagogique, avec l’envie d’expliquer l’agriculture au grand public. Le tout avec décontraction et humour !

France Agri Twittos est devenue une association qui porte les valeurs du monde agricole auprès du grand public, de moins en moins connaisseur de ce qu’est l’agriculture aujourd’hui, comme le souligne son président Denis Beauchamp : « Il y a trente ans, beaucoup de Français avaient un grand-père ou un oncle agriculteur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais ce lien familial, on peut le recréer avec les réseaux sociaux. »

Chaque nouvel adhérent se voit remettre un guide papier « Comment communiquer efficacement quand on est agriculteur… (Et qu’on manque de temps !) » pour reconnaître un hashtag # d’un tag @. Une banque d’images est également mise en ligne et alimentée par les adhérents. Le compte @Fragritwittos compte aujourd’hui près de 22 000 abonnés.

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