Dégâts de gibiers : une multiplication qui inquiète
Alors que les dégâts semblent augmenter, la chambre d’agriculture de la Charente regrette le peu de retours de déclarations de la part des agriculteurs. Xavier Desouche, le président de la chambre, réagit.
La chambre d’agriculture recense seulement 200 à 250 retours d’agriculteurs concernant des déclarations de dégâts de gibiers. Qu’en est-il ?
Xavier Desouche : Pour que la chambre défende les agriculteurs, il nous faut connaître l’étendue des dégâts. Pour cela, on a un document de déclaration disponible sur notre site internet. Cela concerne les dégâts de gibiers mais aussi les nuisibles. Si on n’a pas suffisamment de dégâts prouvés, ces derniers risquent de sortir de cette classification et de ne plus être piégés toute l’année. On sait qu’environ 20 % des agriculteurs font des déclarations car la procédure et le système d’indemnisation sont trop compliqués. Il faut se battre pour faire prendre en compte les dégâts collatéraux, notamment sur les prairies. Il faut faire une déclaration à chaque passage de sanglier avec lettre recommandée et accusé de réception. Depuis octobre, ils sont passés 5 ou 6 fois dans les prairies. Tout cela pour toucher 100 €. Les gens ne le font pas.
Pourtant, vous dîtes que les dégâts s’étendent ?
Ce n’est pas que dans le département. Pour donner un ordre d’idées, entre 2010 et 2014, on a traité 2 300 à 2 600 sangliers par campagne en Charente. On avait des dégâts de gibiers à un niveau acceptable. L’an dernier, il a été tué 4 300 sangliers ! L’une des raisons, c’est que les chasseurs essaient de gérer la quantité de gibier pour l’année suivante sur des territoires inadaptés à des espèces qui se déplacent beaucoup. En plus, on a eu deux années avec beaucoup de glands pour nourrir les sangliers. Du coup, on a eu trois fois la population habituelle et beaucoup sortent des bois pour manger. Un éleveur bovins viande qui met du fumier ou du compost sur ses cultures ou ses prairies, automatiquement, il a des vers de terre, et donc des sangliers qui arrivent.
Quels sont les secteurs géographiques les plus touchés en Charente ?
Des secteurs sont récurrents. À Brigueuil, c’est en train de se calmer car les chasseurs ont fait beaucoup d’efforts. Ils sont presque à 200 sangliers tirés aujourd’hui contre 45 en 2015. On a des problèmes dans le secteur de Roumazières, à Massignac à cause d’une chasse privée peu chassée. Il y a aussi la forêt de Bois Blanc ou Feuillade. On doit faire baisser la population dans le secteur de Saint-Martial, Nonac et Pollignac... à cause de la tuberculose bovine. On recense Sauvignac où des battues ont été mises en place avec des problèmes de bois qui ne sont pas nettoyés et qui deviennent inchassables.
et les autres gibiers ?
Les chasseurs ont fait un gros effort sur le chevreuil qui doit être maintenu car on commence à avoir des dégâts dans les vignes et un peu partout. Il est temps aussi de stabiliser la population de cerfs dans la partie forêt et de l’empêcher de se développer en dehors, dans toute la zone à l’ouest de la N10, notamment là où la tuberculose bovine est présente.
Quelles solutions préconisez-vous ?On voudrait des déclarations de dégâts de gibiers beaucoup plus simples, et dématérialisées comme pour la Pac, au lieu d’envoyer une lettre recommandée à chaque fois. Cela nous permettrait d’avoir les dossiers plus facilement pour défendre les agriculteurs. On se demande aussi s’il ne faut pas classer le sanglier nuisible dans certaines communes, notamment dans le sud ou en zone péri-urbaine. On voudrait qu’il soit tiré en battues pour la sécurité.
Quels sont les rapports avec les chasseurs et la Fédération de chasse ?
Je trouve qu’il n’y a pas assez d’agriculteurs qui sont chasseurs pour défendre le point de vue agricole. Il faut aussi que les chasseurs comprennent que les dégâts ne sont pas supportables, surtout en cette période économiquement difficile pour les agriculteurs. Sinon, avec la Fédération, les rapports sont plutôt bons. Si j’ai un problème je peux appeler Bruno Meunier. Par contre, on n’est pas forcément d’accord avec leur gestion. Depuis trois ans, on leur dit qu’on va dans le mur et qu’il faut tuer davantage de sangliers. On peut très vite être débordé et entrer dans le cas de départements où l’on tue 7 000 sangliers par an avec des dégâts récurrents un peu partout. On a aussi un désaccord sur les clôtures. La Fédération veut clôturer nos parcelles. Cela peut être acceptable en bord de forêt lorsqu’il s’agit d’une parcelle de blé mais pour du maïs irrigué, ça se complique. Et puis, il faut entretenir la clôture. L’agriculteur n’a pas que cela à faire. On doit vivre de notre métier. Il faut retrouver un équilibre avec la nature.
Vous êtes inquiet pour 2017 ?
Je suis très inquiet pour le printemps. Aujourd’hui, cela va encore en dépit de dégâts récurrents à certains endroits. On entend parler de dégâts dans les vignes autour de Touvérac ou Saint-Génis-d’Hiersac.