Ovins caprins
Des contraintes et peu de bénéfices avec l’identification électronique
Si l’obligation de l’identification électronique des petits ruminants n’a pas convaincu les acteurs de la filière, selon le ministère de l’Agriculture, le processus est dans une phase trop avancée pour envisager de revenir dessus.
Industrialisation de l’élevage, technologie inutile, coûts élevés, contraintes administratives supplémentaires : et si les opposants à l’identification électronique des petits ruminants, qui se sont fait entendre depuis 2009 en organisant de nombreuses manifestations, avaient visé juste ? C’est en tout cas ce qu’affirme un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (Cgaaer) du ministère de l’Agriculture, remis en juin mais publié fin 2013.
Depuis juillet 2010, un règlement européen impose aux éleveurs de moutons et de chèvres d’identifier leurs animaux avec une boucle contenant une puce électronique Rfid, sur laquelle sont inscrits le numéro de l’élevage et le numéro de la bête. Ces puces étaient censées favoriser la traçabilité, la sécurité sanitaire et faciliter le travail des éleveurs. Début 2013, le Cgaaer, qui a voulu évaluer le dispositif, s’est rendu compte que le bilan était totalement négatif.
Intérêt limité
Les acteurs interrogés par le Cgaaer sont très critiques. Les petits éleveurs (80% des cheptels ovins et caprins comptent moins de 50 animaux) estiment que « ça coûte cher et ça ne sert à rien ». Ils ne comprennent pas que les mêmes règles s'appliquent quel que soit le nombre d’animaux. Les détenteurs de plus gros cheptels redoutent la complexité du dispositif et le risque, en cas de contrôle, de pénalités sur les aides PAC. Chez les polyculteurs, lorsque l'élevage ovin est marginal par rapport aux autres productions, « certains font le choix de cesser cette activité pour ne pas courir le risque d’être pénalisés, au titre des aides communautaires, une activité céréalière plus lucrative », note le rapport. En résumé, l’identification électronique est vue comme une « contrainte réglementaire » de plus par les éleveurs.
A l’autre bout de la chaîne, le constat est mitigé : le commerce de bétail et la coopération, qui espéraient des gains de productivité, « ne cachent pas leur déception face aux performances des matériels de lecture » qui fonctionnement mal, « ralentissent les opérations » et « exigent la présence d'un opérateur ce qui génère des surcoûts ». La seule opinion favorable émane de l'industrie de la viande, qui apprécie « une meilleure traçabilité des viandes et la possibilité de gérer facilement les signes de qualité ».
Point de non-retour
Malgré ces critiques, « un point de non-retour » semble atteint, la majorité des bêtes étant équipées. « Pratiquement tout le monde l’a mis en place à part quelques réfractaires », constate Sébastien Duroy, responsable de projet Identification animale à l’Institut de l’élevage. Mais il n’y a qu’une portion très minoritaire qui le valorise quotidiennement. « C’est perçu comme une contrainte réglementaire coûteuse et inutile, alors que l’outil pourrait permettre une meilleure gestion du troupeau », développe-t-il. Dans ce contexte, le Cgaaer recommande « d'étudier les pistes permettant de réduire les coûts de l'identification », et de subventionner les achats groupés de matériel. Les éleveurs ont jusqu’à décembre 2014 pour équiper l’ensemble de leur cheptel.
Jacques ingremeau, president de la section ovine de la fnsea79 : « Six ans pour nous écouter, nous leur donnons six mois pour agir »
«Les conclusions de ce rapport ont un goût amer pour les producteurs d’ovins et pour le représentant professionnel que je suis.
Depuis 2007, la section ovine de la Fnsea 79 n’a eu de cesse de dénoncer la complexité du système d’identification mis en place et le fait que l’Etat soit allé trop loin dans la réglementation. Il a fallu six ans avant que nous soyons écoutés et que les erreurs du système soient constatées.
En attendant, depuis 2007, malheureusement, ce système a contribué à la forte baisse de la production ovine. En six ans, la région Poitou-Charentes a perdu 165 000 brebis, soit l’équivalent du nombre de brebis actuel du département des Deux-Sèvres.
Nous attendons donc maintenant du ministère et des parlementaires (notamment ceux des Deux-Sèvres) qu’ils prennent acte de ce rapport et qu’ils en tirent les conclusions en revenant à une réglementation soutenable techniquement et financièrement pour les éleveurs.
La section ovine est satisfaite de ce rapport. Nous avions notamment monté un dossier démontrant l’aberration du système d’identification qui avait été adressé aux rapporteurs. Maintenant, nous attendons les actes. »