Développement durable : la maîtrise technique est source de valeur ajoutée
Dans les colzas, les cultures associées couvrent le sol pour éviter le développement des adventices ou servent de leurre pour les ravageurs. Jérôme Dairé a été récompensé pour ses pratiques économiquement viables et économes en intrants.
Si, sur l’exploitation de Jérôme Dairé, l’argent avait une odeur, ce serait assurément celle du lisier. L’exploitant de Germond-Rouvre, récompensé au mois de novembre dernier par la fondation pour une agriculture durable en Nouvelle-Aquitaine, est polyculteur-éleveur. « L’équilibre économique de mon exploitation tient de la complémentarité des activités », juge-t-il. Engraisseur, il est payé en prestation de service selon le nombre de porcs sortis de son élevage. « Les animaux partis, le lisier, lui, reste sur l’exploitation », précise le gestionnaire dont la récupération de la précieuse matière fait partie de sa stratégie.
60 des 113 ha que compte l’exploitation sont amendés « au pendillard pour limiter les odeurs », stipule Jérôme, acteur du milieu rural dans lequel il vit avec sa famille. « J’ai investi dès mon installation en 2003, expose-t-il. Les agriculteurs sont aujourd’hui en minorité. Pour continuer à exercer notre métier, nous devons expliquer nos obligations. Celles-ci ne seront tolérées que si, par ailleurs, nous nous efforçons d’adapter nos pratiques quand c’est possible ».
Les conditions de la stabilité
Animé de cet état d’esprit, Jérôme a composé son plan d’épandage en cherchant des compromis entre le potentiel de l’exploitation et l’acceptabilité des pratiques sur le territoire. Un effort autant pour servir son environnement que pour lui-même. « L’activité agricole est en proie à de nombreuses incertitudes : le marché ; les décisions politiques ; les événements climatiques… L’acceptation sociétale compte parmi celles-ci. Or, pour investir en agriculture, nous avons besoin de stabilité ».
Ce regard sur son univers, associé aux pratiques culturales qui sont les siennes, ont valu à Jérôme la reconnaissance de la fondation agriculture durable Nouvelle-Aquitaine. Créée en 2009 par Bayer Cropscience, Safer Nouvelle-Aquitaine, Crédit Agricole Aquitaine, groupe coopératif Maïsadour et EDF, elle récompense dans son appel à candidature « Cap sur l’agriculture durable », les projets engagés dans la production d’une nourriture saine, diverse et accessible ; dans la vitalisation du tissu rural ; le développement et l’entretien du paysage.
Chez Jérôme, le travail conduit ces trois dernières années sur le colza a retenu l’attention du jury. La gestion des grandes cultures, « résolument en phase avec une démarche économique et avec les attentes sociétales », peut-on lire sur le site de la fondation, semble avoir fait le reste.
Une marge nette augmentée de 70€/ha
Il y a quatre ans, après avoir oublié ce qu’on lui avait enseigné à l’école, l’exploitant aujourd’hui âgé de 44 ans, s’est lancé, incité par Terrena, dans les couverts associés. « Après la vesce et le trèfle, conseillé par Gilles Sauzet (*), j’ai ajouté à la semence de colza de la semence de lentille et de féverole. Adaptées à mes terres, ces deux espèces ont l’avantage d’être faciles à trouver sur mon territoire ».
« Dès la première année, les résultats ont été surprenants. Avec pour seule intervention un anti-graminées, j’ai sorti 37 q/ha où je sortais 28 à 29 q sur le reste de l’exploitation. La marge nette à l’hectare était supérieure de 70 € à une conduite classique ».
La seconde année, un insecticide en plus, il sortait 40 q/ha. Avec une variété défaillante, en 2018, Jérôme récoltait entre 26 et 33 q/ha. « L’agriculture a changé d’époque. Le volume, la surface ne paient plus. Il faut oublier les schémas du passé pour retrouver de la valeur à l’hectare », croit l’exploitant qui, en mai dernier, poursuivait sur la voie ouverte en s’engageant dans la conversion à l’agriculture biologique.