Portrait
Didier Gaillard, insatiable porteur de projets
Didier Gaillard est un homme de terrain. Agriculteur, maire, conseiller général, il s’organise afin de garder prise avec la réalité de chaque engagement.
“Nous étions convaincus que nous y arriverions… ». Soudainement, le ton perd un peu de son sérieux. L’abondant collier de barbe, d’un châtain gagné ça et là de tâches argentées, masque un rictus naissant. En évoquant les souvenirs de ses premiers pas dans l’agriculture – il n’avait que 19 ans – la voix de Didier Gaillard trahit une certaine compassion pour les porteurs de projet que lui et Lydie, à l’époque sa future épouse, ont été. « Notre troupeau ovin allait sortir une moyenne de deux agneaux par brebis, nos chèvres allaient donner 1000 litres de lait par an… Nous étions vaillants comme des jeunes inconscients. »
Trente-quatre ans plus tard, installé dans la salle à manger de La Bouronnière - ferme acquise en 1979 à Ménigoute, la patrie de Lydie - à un prix « très élevé, trop élevé », l’agriculteur devenu « père, maire et grand-père » selon sa propre expression ne regrette rien.
« Devant l’obligation de rembourser les emprunts, nous nous sommes retroussé les manches. »
« Stagner, c’est régresser »
Didier Gaillard n’est pas homme à baisser la tête face à l’adversité. Si utopie il y avait dans ce projet de vie, c’est avec le sens des responsabilités chevillé au corps qu’il a assumé.
« Nous avions tout à construire sur l’exploitation mais également sur le plan des relations sociales dans la commune. » Un agriculteur est un acteur de la dynamique territoriale. Il est également membre d’une société dont le jeune adulte, par son engagement dans le tissu associatif, avait décidé de gagner la confiance. « Via la Scep qui porte la fête des traditions paysannes, je suis allé à la rencontre de mon voisinage. Rapidement, j’y ai trouvé une famille », analyse avec émotion le Ménigoutais d’adoption. Cette intégration trouve sa consécration en 1983 lorsque, en vue des municipales, on est venu le chercher. « J’ai dit oui. Cette ouverture sur la vie de la commune m’intéressait. » Avec l’aplomb qui le caractérise le futur conseiller municipal a fixé ses règles. « Je ne viens pas pour faire potiche. »
A 53 ans, l’homme est d’un physique solide. De grande taille à la carrure robuste, l’agriculteur a, tel « un vrai Gaillard, plaisante-il, jamais fatigué à l’époque », mené son affaire. Lydie, moteur dans cette installation, alors même qu’elle terminait ses études, s’est investie sans compter. Pendant dix ans, le jeune couple s’est débattu sur 33 ha de terre. Développer le troupeau ovin passant de 150 brebis à 300, abandonnant les 50 chèvres au profit d’un atelier de canards gras. « Stagner, c’est régresser », juge Didier l’insatiable porteur de projets.
Sur l’exploitation, les échecs laissent place à de nouveaux espoirs. Les réalisations s’enchaînent. L’atelier de gavage passe à une production de
10 000 canards par an. Avec la construction de la conserverie, la ferme s’inscrit durablement dans le schéma de la vente directe. L’accroissement progressif de la surface permet le développement du cheptel ovin. 800 brebis sont conduites avec l’aide des chiens de troupeaux dont le dressage est la passion de Didier. En 1987, il décrochera le titre de champion d’Europe de la discipline. En 1986, 1990 et 1996 c’est avec le titre national qu’il rentrera de ses vacances prises avec Lydie à l’occasion de ces concours.
Manager
Avancer, créer, sont les motivations de Didier. « Lydie vous dirait que je suis un éternel insatisfait », plaisante-il. La routine, il n’aime pas. Les projets collectifs, il adore. Alors que l’Earl et la Sarl Gaillard tournent, c’est avec envie en 2008 qu’il accepte de conduire, dans la continuité de son prédécesseur André Dulait, une liste aux municipales. « Je suis un homme de terrain. Ce qui m’intéresse c’est la dynamique sociale. Il nous appartient, à nous élus, de créer les conditions qui vont permettre à la population d’aller de l’avant. »
« Homme de dialogue et de concertation », tel qu’il se définit, le maire aime travailler en équipe. Au sein de la municipalité comme sur son exploitation, « transparence et confiance » sont ses maîtres mots. « C’est au sein de groupes solidaires dans lesquels chacun à son niveau est responsable de son travail, que j’aime travailler. » C’est avec les qualités d’un manageur qu’il essaie de s’engager auprès de ses collaborateurs. « Parce que cette fonction renvoie à des notions d’écoute, à la mise en œuvre des conditions permettant à chacun de donner le meilleur de lui-même. » Son secret : être disponible pour les autres à tout moment. « C’est mon devoir d’élu municipal mais également de conseiller général depuis 2011. » C’est un besoin aussi de chef d’entreprise, respectueux de ceux qui œuvrent pour la prospérité de son affaire en son absence. « Nous avons aujourd’hui un outil formidable sans lequel il serait difficile de répondre à toutes ces attentes et de satisfaire tous ces besoins. »
Didier vit avec un smartphone greffé à la main. Non sans inconvénient à en croire son entourage. « Il sonne sans cesse », regrette Bérengère sa fille et associée, peu avant le début de l’interview. Finalement, il n’en sera rien. Contre toute attente, le petit bijou de technologie est resté muet, deux heures durant. Laissant Didier Gaillard s’adonner à ce petit exercice introspectif.
« Avec le temps, au gré des expériences, on peut acquérir une certaine confiance en soi, une capacité à oser », confiait-il au cours de cette parenthèse. Oser couper son portable ? Non ! Mais, filtrer les appels, oui ! « Je n’aime pas passer à côté des choses importantes », confie-t-il, jetant un œil sur son écran alors qu’une légère vibration détourne son attention.