Azote
Dose totale d’azote : gare aux fausses économies
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Etant donné le contexte actuel de prix des engrais et des céréales, quelles économies peut-on espérer avec une réduction de la dose totale d’azote et à l’inverse quels risques prend-on ? Arvalis s’est livré à quelques simulations.
Il est judicieux d’utiliser un outil de pilotage de l’azote.
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Le contexte de prix des engrais azotés élevé et des céréales en baisse peut inciter certains à vouloir réduire la dose d’azote apportée sur leurs céréales, par rapport au calcul du bilan. Arvalis-Institut du végétal a repris les résultats de 560 essais pour y calculer la dose d’azote optimum à apporter en fonction de différentes hypothèses de prix du blé et de l’unité d’azote. Si le contexte de prix actuels se maintenait, réduire la dose totale présente un enjeu de gain économique assez faible au regard des risques que cela fait prendre.
Plaçons-nous dans un contexte économique peu favorable, en prenant comme hypothèses un prix moyen de l’azote pour cette campagne à 1,30 ?/u et un prix de vente de la récolte de blé 2009 à 140 ?/t quelle que soit la teneur en protéines. Sur 560 essais Arvalis, la dose totale d’azote optimum à apporter, c’est-à-dire permettant de maximiser la marge, est réduite de 30 u en moyenne par rapport à la dose du bilan calculée classiquement. Une telle baisse de la dose totale permet une économie modeste sur la marge, de l’ordre de 15 ?/ha dans un tel contexte de prix.
Pour un risque accru
L’azote impactant directement le nombre de grains/m2, il est un facteur essentiel du rendement. Une réduction de la dose totale de 30 u se traduit par une baisse de rendement, estimée à 2,5 q/ha en moyenne, mais en réalité très variable : de 0 à - 8 q/ha. Il en résulte un gain économique à réduire la dose d’azote tout aussi variable. Ce gain initialement espéré peut même se transformer en perte nette dans le cas d’une chute du rendement trop élevée.
La perte de rendement peut être accentuée davantage en cas de sous-estimation de la dose totale initialement calculée au travers des méthodes du bilan ou des CAU, qui ne sont pas parfaites. Elles reposent notamment sur des hypothèses d’objectif de rendement et de minéralisation de l’humus, posées pour un climat « normal ». Or le climat réel de l’année peut les faire varier dans un sens comme dans l’autre selon les années.
Et moins de protéines
L’exemple pris ici ne tenait pas compte de la teneur en protéines dans la fixation du prix des céréales. Or ce critère qualitatif peut faire l’objet de majorations ou réfactions de prix chez certains collecteurs, qui peuvent faire changer les résultats économiques évoqués ci-dessus. Réduire de 30 u la dose totale apportée engendre une réduction moyenne de la teneur en protéines de l’ordre de 0,5 %. Les années au climat peu favorable aux taux de protéines, comme 2008, l’impact sur le prix des céréales pourrait être très significatif. Dans certains cas, cela pourrait se traduire par des teneurs inférieures à 10,5 %, soit en dessous du seuil fixé pour les céréales à l’intervention. Sans même parler de majoration ou réfaction de prix en fonction de la qualité, rappelons que la teneur en protéines est un critère important recherché par les acheteurs de toutes origines et un élément clé d’accès aux marchés, en particulier les années où la concurrence est rude.
Si l’enjeu d’une sous fertilisation dans le contexte que nous avons décrit plus haut est modeste, on peut parfois perdre beaucoup plus en cas de chute de rendement importante et à cause de la baisse de qualité des grains.
Le prix de vente des céréales
fera la différence
Si le prix d’achat de l’azote est aujourd’hui connu des agriculteurs, le prix de vente des céréales l’est plus rarement, hormis pour ceux qui auraient engagé une partie de leur récolte sous contrat. Dans le cas d’une meilleure valorisation du blé que dans l’hypothèse retenue ici, soit à un prix supérieur à 140 ?/t, la dose d’azote totale optimum augmente, pour se rapprocher de la dose du bilan (de même si l’azote a été acheté moins cher que dans l’hypothèse retenue). Réduire aujourd’hui sa dose totale de 20 ou 30 u, c’est prendre le risque de réduire son rendement, avec moins de quintaux à valoriser à la récolte, d’autant plus pénalisante si les prix étaient amenés à remonter.
Il faut rappeler que l’optimisation, d’autant plus primordiale dans un contexte économique tendu, commence par une bonne adéquation des apports aux besoins réels des plantes. Pour ce faire, il est recommandé d’utiliser une méthode de calcul de la dose totale (méthode du bilan ou des CAU), puis d’ajuster la dose du dernier apport à l’aide d’un outil de pilotage (Farmstar, N-Tester, Jubil…) mesurant les besoins réels des plantes en fin de cycle.Réviser le potentiel de rendement des semis tardifs
Dans les parcelles semées tardivement (après le 20 novembre), il est nécessaire de revoir les objectifs de rendement à la baisse pour le calcul de la dose totale d’azote à apporter.
Les pénalités de rendement ont été chiffrées par l'analyse pluriannuelle de nombreux essais conduits par Arvalis - Institut du végétal à plusieurs densités et à des dates de semis échelonnées. Le rendement accessible en semis tardif dépend pour beaucoup des conditions d’implantation et des potentialités du milieu, déterminantes (notamment la réserve en eau du sol).
Les pertes seront moins importantes si les conditions climatiques courant montaison et de fin de cycle sont favorables (années 98-99 voire 2000 et les années 2007 et 2008) ou au contraire plus élevées si la fin de cycle est sèche et chaude (années 1986, 1992 et 2003). La variabilité interannuelle des rendements des semis tardifs est également supérieure à celle des semis précoces, compte tenu d’un moins bon enracinement et d’une plus grande exposition aux aléas climatiques de fin de cycle.
Le climat des prochains mois fixera les potentiels accessibles. En imaginant qu’il se rapproche de la normale, nous vous proposons la règle de décision suivante pour réestimer l’objectif de rendement des semis postérieurs au 20 novembre par rapport à un semis réalisé en période optimale :
- sols superficiels : - 10 à -15 q/ha ;
- sols intermédiaires : - 5 à 10 q/ha ;
- sols profonds : - 5 q/ha.
Tous ces chiffres sont indicatifs et à moduler selon les conditions d’implantation et les densités de plantes levées.
Le pilotage du dernier apport d’azote est recommandé pour ajuster la fertilisation aux besoins réels de la culture en fin de cycle.Fractionner en tenant compte du stade
LES CULTURes ayant pris du retard dans leur développement, les dates des apports à réaliser seront a priori plus tardives que la campagne dernière, si ce retard se maintient. Il est important de se fier au stade et non à une date. Le fractionnement classiquement recommandé consiste à réaliser :
- un passage au stade tallage (pas avant) de 40 u maximum, voire l’impasse à ce stade où les besoins sont faibles et souvent couverts par les réserves du sol (impasses possibles quand les reliquats sur 90 cm sont supérieurs à 60 u) ;
- un passage autour du stade épi 1 cm, au moment où les besoins des cultures augmentent fortement. Si la dose à apporter à ce stade dépasse 100 u, il est possible de fractionner en deux apports ;
- un dernier passage entre dernière feuille étalée et gonflement (généralement 40 ou 60 u mis en réserve pour cet apport), à adapter en cas d’utilisation d’un outil de pilotage en fin de cycle. Intervenir plus tôt, à 2 ou 3 nœuds diminue en moyenne de 0,2 % la teneur en protéines.
En cas de réduction de la dose totale à apporter, pour respecter la réglementation dans les secteurs où les doses totales sont plafonnées, ou en cas de réduction volontaire, il est recommandé de réduire en priorité les quantités apportées aux stades précoces (tallage voire épi 1 cm) et de maintenir un apport courant montaison.