Du gaz vert pour Surgères
Début mars, le méthaniseur d'Aunis Biogaz a commencé sa montée en charge. L'aboutissement d'une procédure de sept ans pour la vingtaine d'apporteurs agricoles et le syndicat mixte Cyclad.
Moment symbolique pour Aunis Biogaz : le 13 mai, les vannes d'injection du méthaniseur ont été ouvertes et l'installation a commencé à alimenter le réseau de gaz de la ville de Surgères, à l'entrée de laquelle il se situe. Pour le projet lancé en 2013, le jour était à marquer d'une pierre blanche ; malheureusement, confinement oblige, l'événement a été confidentiel. « On a quand même pris une photo », glisse Thierry Bouret, agriculteur à St-Pierre-d'Amilly qui fait partie des initiateurs du projet.
Ce début d'injection est, pour lui et la vingtaine d'apporteurs, l'aboutissement d'une procédure de sept ans. « Au début, on a répondu à un appel à projets de l'ex-région Poitou-Charentes qui cherchait à implanter des méthaniseurs. » Puis il a fallu constituer un dossier administratif et suivre les différentes étapes d'autorisation pour cette unité ICPE (Installation classée pour l'environnement). « Avant de s'implanter, on a eu une enquête publique sur vingt-neuf communes, dont vingt-deux où le digestat va être épandu. » La recherche de financement sur ce projet à près de 9 MEUR a été un peu compliquée, du fait qu'il s'agit d'une activité nouvelle. « Il n'y a pas de recul », révèle Thierry Bouret. « Le lait, les céréales, ils connaissent, mais pas la méthanisation. » Le Crédit Agricole Charente-Maritime/Deux-Sèvres a finalement assuré l'ensemble du financement.
Tout au long de la procédure, les agriculteurs ont reçu le soutien de la Communauté de communes Aunis-Sud. « On a accompagné les porteurs du projet sur le choix du terrain, la demande de subventions et la communication », explique son président Jean Gorioux, lui-même agriculteur. Au final, en plus des aides initiales de la Région, d'autres fonds sont venus de l'Ademe et de l'Agence de l'eau Adour-Garonne.
Des matières venues d'un rayon de 15 km
Les restrictions sanitaires de ce printemps ont un peu retardé le chantier, mais moins qu'elles auraient pu, puisque la montée en charge du méthaniseur a commencé début mars - elle devrait s'achever à l'automne. Des apports de lisier et de fumier ont été réalisés, avec également du digestat provenant des installations de Déméter Énergies inaugurées l'an dernier à Mauzé-sur-le-Mignon (79). « Les bactéries y sont déjà en pleine production », explique Thierry Bouret qui les remercie vivement d'avoir apporté ce digestat. Ces matières préfigurent le ''régime'' de la nouvelle unité de méthanisation, qui ''avalera'' environ 40 000 t de matières par an. « Un méthaniseur, c'est une panse de vache qui nécessite une alimentation équilibrée, régulière et sans trop de changements. On va avoir principalement des apports d'élevage, avec du lisier et du fumier de bovins, porcins, caprins, lapins, canards... » Toutes ces matières viendront d'un rayon de 15 km autour de Surgères. S'y ajouteront des matières végétales : des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), cultivées comme alternatives aux Cipan (Cultures intermédiaires pièges à nitrates) réglementaires, ou même des matières végétales issues de la panse des bovins passés par l'abattoir de Surgères. Thierry Bouret évoque également des apports de déchets de céréales, des brisures de paille... « S'il y a par exemple une meunerie qui a un problème sur un lot de farine, on est preneurs. »
Mais l'origine des végétaux ne sera pas qu'agricole, puisque les pelouses collectées par Cyclad (Collecte et traitement des ordures ménagères du nord de la Charente-Maritime) rejoindront aussi le méthaniseur. Le syndicat mixte est le seul actionnaire non-agricole du projet, à hauteur de 35% du capital investi. « On est à 100 % d'actionnaires apporteurs », explique Thierry Bouret. « On voulait qu'ils amènent de la matière et qu'ils se sentent concernés. » Cyclad collectera les pelouses des collectivités, mais aussi celles des particuliers auprès desquels un travail pédagogique est réalisé pour qu'ils ne les mélangent pas avec d'autres déchets végétaux, des branches par exemple, que ne pourrait pas digérer le méthaniseur. Pour l'heure, ces tontes seront le seul apport de la collectivité. « On ne pourra pas faire la collecte des biodéchets », indique Jean Gorioux, également président du syndicat mixte. Cyclad pourrait les réceptionner, mais Aunis Biogaz ne pourra les accueillir que lorsque la législation le permettra.
Le méthaniseur devrait à terme fournir 25 % de la consommation globale de gaz de la ville de Surgères, alimentant les domiciles des particuliers comme les grosses entreprises, à l'image de la laiterie. Ce taux sera variable selon les périodes, car le méthaniseur fournira de par sa conception, un volume de gaz constant sur la durée. « Si ça marche bien, il ne sera pas possible de décider un matin d'augmenter le volume de gaz produit de 40 % », explique Jean Gorioux. Avant d'être injecté dans le réseau, le gaz produit par les digesteurs passe par un épurateur. « C'est la partie la plus complexe du système », explique Thierry Bouret. Un premier dispositif au charbon actif permet d'éliminer le soufre. Puis on retire du gaz autant de CO2 et d'eau que possible. « Pour être conformes, il faut avoir 97 % de méthane. Le reste, c'est un peu de CO2 et d'oxygène. » La suite est entre les mains de GRDF (Gaz réseau distribution France). « Ils contrôlent notre qualité de gaz et sont chargés d'ajouter une odeur pour qu'il soit injecté dans le réseau. » Cette injection se fait à une pression supérieure à celle du gaz fossile, afin que le gaz de méthanisation soit prioritaire dans le réseau.
À terme, le méthaniseur entraînera quatre nouveaux emplois directs sur le territoire (trois sont déjà pourvus) et sans doute d'autres, difficiles à chiffrer, dans les fermes. Pour les agriculteurs, il sera aussi une source précieuse de digestat : environ 36 000 t à l'année, dont les deux-tiers sous forme de liquide.