Covid-19
D’une exploitation à l’autre, des impacts du simple au double
Sur le pont en plein cœur de la crise qui cloître la majorité des Français chez eux, les agriculteurs s’adaptent avec courage à la situation. S’ils ne sont pas confinés, ils accusent malgré tout des répercussions variées sur leur production et leur quotidien de travail.
Sur le pont en plein cœur de la crise qui cloître la majorité des Français chez eux, les agriculteurs s’adaptent avec courage à la situation. S’ils ne sont pas confinés, ils accusent malgré tout des répercussions variées sur leur production et leur quotidien de travail.
50 nuances de conséquences… C’est ce qui résumerait le mieux cette première semaine de crise sanitaire sur le terrain agricole en Deux-Sèvres. Pour nombre d’exploitants, le plus gros changement se situe du côté de la météo : le soleil est enfin revenu, on met les bêtes à l’herbe, on engage les travaux de semis. Tout le monde dehors, au moment même où la France est invitée à ne plus sortir ! Pour beaucoup, le quotidien ressemble à d’habitude, saupoudré de beaucoup d’incertitude. « Il faut anticiper son organisation, explique Dimitri Gallard, éleveur Caprins à Villiers-sur-Chizé. Comme beaucoup d’entreprises sont en service minimum, il faut veiller à s’y prendre tôt pour commander auprès des fournisseurs, notamment ceux en pièces mécaniques. Après, nous avons peu d’impacts jusqu’à présent, mis à part la cinquantaine de chevreaux qui n’ont pas été collectés. C’est peu par rapport à des collègues qui désaisonnent et pour qui les chantiers d’insémination artificielle sont annulés ».
Débouchés bouchés
Selon les activités et les débouchés, les situations varient. La fermeture de l’ensemble de la restauration hors-domicile (RHD) porte un gros coup à de nombreux producteurs. Les appels à la solidarité et les annonces sur les réseaux ont beau fleurir pour promouvoir la vente directe, voire la livraison de produits alimentaires, la GMS concentre toujours l’essentiel des habitudes d’achat tout en ne valorisant que très peu les produits locaux : « je n’ai vu qu’une barquette de chevreau français contre une dizaine de Nouvelle-Zélande en grande surface l’autre jour, déplore Odile Dupont, à la tête d’une exploitation de 700 chèvres à Mauzé-Thouarsais. La crise ne doit pas être l’occasion de dévaloriser encore plus ce co-produit du lait, en le faisant passer à moins de 2€/pièce ». La désillusion perce aussi dans le témoignage de Cyril Clisson, éleveur de 140 charolaises à Terves : « avec la forte demande qu’il y a eu en viande la semaine dernière, on aurait pu croire que les prix augmenteraient, mais non ». Ce pourrait même être l’inverse, selon Ludovic Cotillon, référent Bovins Lait à la chambre d’agriculture 79 : « quand les Français ont fait leurs réserves, au début du confinement, les besoins en lait étaient particulièrement forts, notamment pour le beurre, expose-t-il. Néanmoins, si le confinement se prolonge trop, plusieurs facteurs peuvent mettre en péril la production (fermeture prolongée de la RHD, baisse de la main-d’œuvre disponible en collecte et abattoirs, surproduction due au pic laitier printanier…). Au national, les prix ont déjà entamé une baisse. En local toutefois, la demande est encore au rendez-vous. On observe tout de même des ralentissements dans la collecte des veaux ou des vaches de réforme et certains accusent déjà des impacts économiques lourds, comme Biolait par exemple, dont le partenariat avec Sodexo ne peut plus fonctionner ».
Le stress en supplément
Si les agriculteurs se démènent pour nourrir une France confinée, il en est une partie qui peine d’autant plus : ceux qui doivent interagir quotidiennement avec de nombreuses personnes. Parmi eux, les producteurs commerçants, à l’instar de Sylvie Baudouin, qui continue de vendre ses fromages au marché de Niort et dans sa boutique de la route de Coulonges. « Nous respectons scrupuleusement les règles de sécurité sanitaire et sommes heureux de pouvoir vendre aussi les produits de collègues maraîchers, apiculteurs ou autres mais cela, en plus de notre baisse globale d’activité (contrats avec la RHD, visites et camping à la ferme), ajoute du stress. Ce virus, il est partout et nulle part à la fois », témoigne la fromagère. Autres agriculteurs dans ce cas, les multiplicateurs de semences de betteraves sucrières, dont les chantiers de plantations doivent se dérouler dans le mois. Cloisons de plexiglas, semis d’un rang sur deux pour espacer et protéger les planteurs : les solutions les plus diverses sont explorées pour relever le double défi de la plantation et des gestes barrières. Comme à son habitude, l’agriculture répond présente, en toute humilité et en toute discrétion, avec une capacité d’adaptation qui force l’admiration.