Soin
Fermes thérapeutiques : s’apaiser au contact de la nature
Dans les Deux-Sèvres existent des fermes pas comme les autres, des lieux d’accueil pour les personnes fragilisées par la vie. À la ferme Les deux Chèvres, des adultes atteints d’autisme entrent en relation grâce aux animaux. Aux Jardins de la Pierre, des jeunes déscolarisés retrouvent le goût de l’effort dans le potager.
Dans les Deux-Sèvres existent des fermes pas comme les autres, des lieux d’accueil pour les personnes fragilisées par la vie. À la ferme Les deux Chèvres, des adultes atteints d’autisme entrent en relation grâce aux animaux. Aux Jardins de la Pierre, des jeunes déscolarisés retrouvent le goût de l’effort dans le potager.
« Sonia, olé simple(2) ! », disent les vieux paysans du village de Chenay. Sonia Rosa, 47 ans, se définit elle-même comme une fermière. Dans sa basse-cour joyeuse, poules, dindons, oies, chèvres, porcs et moutons s’ébattent allégrement. Treize espèces au total, 180 animaux. À la ferme Les deux Chèvres, ils ne produisent ni de la viande, ni du lait, mais « des services à la personne ». Depuis 2018, les adultes du foyer de vie de Lezay, atteints d’un autisme sévère, y passent quelques heures par semaine, au contact des animaux.
J’ai voulu créer un lieu de vie positif, où les personnes qui sont cachées, mises de côté dans notre société se sentent accueillies », explique Sonia.
Trente kilomètres au sud, à Périgné, Pierre-Louis Archimbaud, 36 ans, a aussi créé un lieu d’accueil, en 2015, ici pour des jeunes issus de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Brisés par un parcours de vie sinueux, ils finissent par exploser dans leurs foyers ou familles d’accueil. Entre les serres, le poulailler et les ânes, ils trouvent aux Jardins de la Pierre un espace pour se poser une journée par semaine. « Je fais de l’accueil individuel, un pour un. Ce n’est pas un chantier d’insertion, la dimension de plaisir est importante. Ils viennent parce qu’ils ont besoin, mais surtout envie de venir », souligne Pierre-Louis. S’il vend quelques paniers de fruits et légumes, sa production est avant tout un support au travail social.
Au cœur, la relation
Par le travail de la terre, le bricolage ou la pêche, les jeunes entre sept et dix-huit ans exercent leur patience et leur endurance à la frustration, épaulés par Pierre-Louis. « Je joue un rôle de grand frère, mais je ne le suis pas. Il faut savoir se détacher. J’ai des jeunes qui vont venir quelques fois, d’autres pendant deux ans. Le fait d’être dans une relation privilégiée les change des foyers, où ils sont toujours en collectif ». Les plus grands peuvent trouver chez lui une piste pour leur orientation professionnelle, d’autres ont juste besoin de souffler. « Je pense que l’accueil a un effet positif sur le long terme », mais les statistiques sont difficiles, « trop d'enfants de l’ASE finissent à la rue ou en prison. Il y a également de belles histoires : un garçon qui était en hôpital psychiatrique à Niort est venu pendant un an et demi. Il est finalement sorti de l’hôpital ».
À la ferme Les deux Chèvres, la relation humaine est aussi au cœur du processus thérapeutique. Sonia accueille les personnes du foyer de vie autour d’un café et bavarde avec chacun, en gardant toujours son œil de psychologue, sa formation. « Je saisis l’opportunité. Quand je vois qu’une personne a peur d’un animal, je vais l’accompagner ». Après le café, c’est l’heure de la promenade avec les chiens, Rogé et Basile, des dogues allemands âgés de trois mois et déjà bien grands. « Les personnes autistes n’ont pas la conscience d'être séparés des autres. Maitriser un animal de cette envergure leur permet de se décentrer. Ça les valorise ». Arrive le goûter, où la fermière appelle tous les animaux pour leur distribuer des grains. En tête déboule Quintonine 14, un trait breton imposant. Les adultes du foyer de vie participent à cette scène champêtre en distribuant des morceaux de pain.
Ils viennent avec plaisir, assure Catherine, leur éducatrice. Ils parlent des animaux à tout le monde ».
Des modèles reproductibles
Pour Sonia comme pour Pierre-Louis, aucune ferme ne correspondait à leur projet. « Quand j’ai passé mon BPREA, j’ai réalisé qu’un modèle alternatif clé en main n’existait pas, relève-t-elle. Il fallait l’inventer ». Anciennement directrice d'un CFA, elle a quitté son travail en 2016, un revenu très confortable et un logement de fonction pour s’installer dans ce qui était sa résidence secondaire à Chenay. Pierre-Louis avait suivi des études pour être géographe. En stage dans un cabinet d’urbanisme, il ne se voyait pas travailler entre quatre murs. Ils ont choisi avant tout un mode de vie plus simple, rural.
Aujourd’hui, Sonia aimerait que son modèle en inspire d’autres. « Je fonctionne grâce à l’entraide et la solidarité avec mes voisins. Mes animaux gagnent leur croûte eux-mêmes. L’argent gagné par leurs services sert à les nourrir ». De son côté, Pierre-Louis reçoit des appels d’un peu partout en France. « Il ne faut pas idéaliser la vie à la ferme et prendre le temps de monter son projet. J’ai mis cinq ans pour le mien ». Si la pandémie a déjà donné des idées de verdure à des citadins désireux d’un changement de vie, elle pourrait inspirer des projets alternatifs, où le soin est primordial.
- Éthologie : science du comportement des animaux.
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