Grèves SNCF, les céréales n’arrivent pas à bon port
Les grèves perlées dans le réseau SNCF impactent-elles le monde agricole ? Certainement avec des degrés divers suivant les productions.
Si le camion est bien souvent le mode de transport dominant, plusieurs filières, en particulier les céréales, font un usage non négligeable du ferroviaire. 12 % sur les apports de céréales sur le port de La Pallice. L’annulation des trains oblige les entreprises à trouver des solutions de report, ce qui représente un coût supplémentaire. Sur le port rochelais où un tiers des trafics sont des céréales, les «arrêts» de trains se montrent préjudiciables. La Sica Atlantique a comme opérateur SNCF fret (40 % de son trafic), Soufflet Atlantique, OFP et SNCF Fret.
Si l’on entend beaucoup parler des conséquences, pour les voyageurs, du mouvement de grève à la SNCF qui a commencé début avril, le fret est loin d’être épargné et les entreprises du secteur agricole sont concernées au premier chef. Sans entrer dans la polémique des chiffres de circulation, c’est un mouvement qui désorganise le fonctionnement habituel de certaines filières.
Ainsi, si le transport des céréales s’effectue essentiellement par camion, 13 % des volumes sont concernés par le train, 10 % la péniche, indique-t-on à l’AGPB. Mais la part du ferroviaire va bien au-delà pour certains flux. France Export Céréales rapporte que «pour certains ports d’exportation comme la Rochelle, approvisionnée par train pour moins de 50 %, l’activité a été complètement bloquée» durant les jours de grève.
L’hinterland de Rouen, qui utilise le rail à hauteur de 10 %, semble moins pénalisé. La Sica Atlantique, présentée comme le premier opérateur du port de La Rochelle-Pallice, trouvait ce début de grève à la SNCF encore «gérable» d’un point de vue logistique : «On a du stock d’avance, la situation n’est pas critique», d’après Simon Aimar, directeur de l’activité céréales. Reste d’importants surcoûts. Les wagons immobilisés entraînent des charges. Quant aux camions, leur prix est «20 à 30 % plus cher». La Sica Atlantique élargit ses horaires de réception, allant jusqu’à proposer de rester ouvert 24 heures/24. Pendant les grèves, «nous perdons plus de la moitié des trains», indique Simon Aimard, «malgré tout, cela ne suffira pas à combler les pertes engendrées !» Les zones les plus touchées correspondent aux zones les plus éloignées de la Rochelle, notamment autour d’Orléans. Interrogé par nos confrères de France bleu, «On accuse entre 5 et 20 euros de perte à la tonne de céréales», regrette Christophe Malvezin, le directeur des relations extérieures chez Soufflet, le groupe agroalimentaire qui vient d’ouvrir un site d’exportation à la Pallice. La baisse de l’activité sur cette fin de campagne semble réelle : «quasiment 56% de nos trains n’ont pas pu circuler» explique Christophe Malvezin. Selon lui, il n’est pas possible de faire autrement: «Le transport routier est déjà saturé en termes de disponibilité de chauffeurs et le transport a par ailleurs subi des dysfonctionnements d’écluses sur l’axe Seine.» Les stocks grossissent. «Les sillons SNCF sont déjà mobilisés», explique Christophe Malvezin. Il regrette que cela entraîne une perte de valeurs de la marchandise qui a par conséquent des impacts sur toute la filière : les agriculteurs, les exportateurs, les meuniers.
La filière céréalière s’est organisée «plusieurs semaines» avant le conflit pour remplacer les trains par une solution plus fiable, raconte Coop de France. «Malheureusement, les marchés du fret fluvial et routier, déjà sous tension, peinent à absorber toutes les quantités qui circulent habituellement par les voies ferrées», selon la fédération des coopératives. Le renchérissement du transport «bloque pour le moment la signature de nouveaux contrats pour les prochains mois». Et «les opérateurs du nord de l’Europe s’intéressent à d’autres origines» que la France pour leurs achats de céréales.
Des surcoûts
Les surcoûts liés au report modal, vers le camion plutôt que le train, atteignent «4 à 25 €/t selon les distances», calcule l’AGPB. Un exemple chiffré à Cérévia, signale la DG Fouzia Smouhi. Cérévia a prévu d’exécuter la vente de 240 000 t entre avril et juin, avec 80% potentiellement non réalisés à cause du conflit social. Sachant qu’un train de 1 300 t équivaut à 44 camions, «il nous faudrait trouver plus de 6 000 camions» au lieu des trains, «c’est impossible». Une alternative est le report sur le fluvial, la coopérative disposant d’un silo à Pagny (Côte-d’Or) pour acheminer les céréales jusqu’à son terminal de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Une donnée qui vient effectivement raviver la compétitivité avec les céréales de la Mer noire.
Les difficultés logistiques auront «un impact non négligeable sur l’avancement de la campagne de la commercialisation et d’export», donc sur les stocks de fin de campagne, avertit l’AGPB. «Toute la logistique prévue pour alimenter des trains complets de plus de
1 000 t doit se réadapter rapidement chez les organismes stockeurs pour remplir des camions réaffrétés en urgence, nécessitant un important travail de reprise des grains et ré-allotement.» À quelques semaines de la préparation des silos pour les futures moissons, la situation inquiète la filière.