Portrait
Heureux qui, comme Arnaud, a fait un beau voyage
Avant de s’installer sur l’exploitation familiale de Vançais, Arnaud Petit est allé vérifier comment se pratiquait l’agriculture sur le globe, lors d’un périple de deux ans. « Une bulle de liberté » qui a nourri son projet de vie, celui de devenir d’agriculteur.
Avant de s’installer sur l’exploitation familiale de Vançais, Arnaud Petit est allé vérifier comment se pratiquait l’agriculture sur le globe, lors d’un périple de deux ans. « Une bulle de liberté » qui a nourri son projet de vie, celui de devenir d’agriculteur.
Quarante-six épingles ponctuent la mappemonde apposée dans le bureau de l’exploitation familiale de Vançais. Quarante-six étapes de voyages qui ont conduit Arnaud Petit autour du monde pendant deux ans, du Canada à l’Australie, de la Nouvelle-Zélande à l’Amérique du Sud. Le regard emporté par les souvenirs, le jeune homme de 28 ans détaille avec les mots et avec les mains le périple qui a précédé son installation en janvier 2022.
Découvrir un nouvel écosystème
Après des études agricoles « classiques », comme il les qualifie (bac Stav et BTS Acse), et un contrat de salarié d’exploitation pendant dix-huit mois, Arnaud sent remonter une « vieille idée de voyager à l’étranger ». Avec une marotte en tête : « Depuis mes études, les questions de travail du sol, et de semis direct en particulier, me passionnent. Je voulais explorer la mise en place de cette pratique sous d’autres latitudes ».
Attiré par les grands espaces, il se tourne vers le Canada. L’association Odyssée Agri lui propose un contrat de travail dans une exploitation de la province anglophone d’Alberta, dans l’ouest du pays. « Le climat, les lacs, la faune, la flore : je voulais une rupture totale avec l’écosystème européen ».
Devenir agriculteur a toujours été mon objectif. C’est le métier le plus connecté à la nature, le seul qui assure cette fonction primaire de nourrir la société.
En février 2016 commence ainsi le premier contrat sur l’exploitation de 9 000 acres (environ 3 600 ha) et 400 vaches laitières d’Alain Lavoie. Située au nord du globe, près de la petite ville de Peace River, l’exploitation dispose de peu d’espèces : blé, orge et pois de printemps, canola, en système intensif. Arnaud observe les techniques de semis direct, les alternatives aux fongicides, la gestion des ravageurs, comme les sauterelles.
L’expansion agricole est récente dans les plaines du Canada et le déboisement a déstabilisé les sols. Dans un pays qui doit affronter comme ailleurs des périodes de sécheresse, la remise en question agronomique et la restauration de la matière organique ont permis d’intensifier les rendements. Attitré aux cultures, Arnaud sème, moissonne, ensile et goûte l’état d’esprit canadien : « La sérénité de mon patron face aux écueils m’aide aujourd’hui à relativiser mon quotidien ».
Le voyage de retour, à la fin du contrat en décembre 2016, est l’occasion d’une escale de quelques jours en Islande. S’enchaînent un périple en Nouvelle-Zélande, Australie, puis un nouveau contrat de sept mois dans la même exploitation au Canada, et enfin un road trip de trois mois en Amérique du Sud.
Plus qu’un pari, un mode de vie
En février 2018, c’est le retour en France. La perspective de l’installation qui anime Arnaud depuis toujours ne l’a pas quitté. « Devenir agriculteur a toujours été mon objectif. C’est le métier le plus connecté à la nature, le seul qui assure cette fonction primaire de nourrir la société. J’aime emprunter cette citation qui dit “être agriculteur, c’est plus qu’un pari, c’est un mode de vie” ».
Avant d’envisager son installation, Arnaud trouve rapidement un emploi de magasinier, puis est recruté par la coopérative CEA en tant que technicien productions végétales : « L’opportunité était intéressante parce que ce poste me permettait d’approfondir mes connaissances sur les techniques et interventions culturales ».
Depuis janvier 2022, Arnaud est associé avec son frère Ludovic, sur 293 ha, avec un troupeau de 150 vaches allaitantes. « Je suis dans une phase d’observation et de prise de marques, j’approfondis ma connaissance des terres, malgré le fait qu’il s’agisse de l’exploitation familiale. Avec mon frère, nous pensons qu’une carrière d’agriculteurs est courte par rapport au cycle des éléments qui nous entourent : nous devons mettre notre temps à profit pour faire évoluer les choses à notre échelle, explorer nos propres pistes, sans mettre l’équilibre financier de l’exploitation en péril ».
Le premier objectif d’Arnaud est double : augmenter la résilience de l’exploitation face aux phytos et travailler sur l’implantation des cultures. « Beaucoup de défis sont à relever pour l’agriculture actuelle, par rapport au climat, aux attentes sociétales. L’expérience piochée au cours des voyages, mais également en tant que technicien, me convainc qu’il existe des leviers pour affronter le virage qui se présente brutalement à nous, mais auquel il aurait fallu faire face tôt ou tard ».
Les pieds sur la terre de Vançais, Arnaud garde la découverte du monde en tête. La prochaine étape sera touristique, en Grèce, puis en Scandinavie à plus longue échéance : « J’ai eu la chance de pouvoir voyager avant mon installation, de tirer parti de cette expérience pour ouvrir mon horizon, d’apprendre l’adaptabilité. C’était une bulle de liberté avant la prise de responsabilités ».