La canicule ravive les tensions sur la question de l’eau
De fortes chaleurs, un fort besoin d’eau pour les cultures, un recours en appel de l’État contre l’annulation de l’autorisation unique pluriannuelle de prélèvements sur le bassin-versant de la Sèvre niortaise : autour de la question de l’eau, la pression monte.
Ces dernières semaines, l’abondance des communiqués de presse est inversement proportionnelle à celle des précipitations. L’Apieee, Bassines non merci, la chambre d’agriculture, chacun avec ses propres filtres, décrypte la situation, explique sa position, sert ses arguments. Alors que le mercure grimpait cet été, un point faisait consensus : gérer l’eau est nécessaire. « La profession agricole s’y emploie », affirme Jean-Marc Renaudeau, le président de la chambre d’agriculture, et de rappeler l’utilisation par les irrigants des compteurs volumétriques, le respect des volumes autorisés. « Nous savons combien l’eau est précieuse. Le stockage nous semble être une solution pour préserver le milieu tout en satisfaisant les besoins d’une production agricole sécurisée. Cette conviction nous a conduits à bien des concessions dans le cadre du protocole d’accord des réserves de substitution de la Sèvre niortaise : développement des aménagements paysagers, baisse du volume d’irrigation de deux millions », rappelle l’élu professionnel.
Une dizaine de procès-verbaux par an
Alors que sur le terrain la pression monte, Jean-Marc Renaudeau appelle au calme et invite les agriculteurs à continuer de respecter le cadre légal, et notamment les restrictions. Le chiffre des contraventions dressées chaque année pour manquement aux règles sur l’irrigation permettra à chacun de se faire un avis sur la probité du monde agricole. « Une dizaine par an », avançait Madame le préfet lors de sa dernière conférence de presse mensuelle. « Dix sur 900 irrigants, c’est peu », commente Jean-Marc Renaudeau. « Un chiffre qui est le reflet d’un manque évident d’équipes de contrôle sur le terrain », juge en revanche Julien Le Guet, de Bassines non merci. Effectivement, convaincu, « par constat », affirme-t-il, que les règles ne sont pas respectées, le collectif organise depuis la semaine dernière des « veilles citoyennes ». Il s’agit d’observer et de faire constater les débordements, « ou par notre présence et notre vigilance, de les empêcher ». Le collectif et l’Apieee jugent, dénoncent « des pratiques interdites ». « Qui s’occupe de la police de l’eau ? », interpelle Julien Le Guet avant d’affirmer « qu’elle n’est pas appliquée. C’est inacceptable ».
Confronté à la légalité des pratiques de l’exploitant du Bourdet (*), pourtant montré du doigt dans un communiqué de presse de l’Apieee, le représentant de Bassines non merci en appelle à la morale. « Comment accepter que les enrouleurs tournent alors qu’il fait encore 40 °C ? L’État ne joue pas son rôle d’arbitre ; pas plus qu’il n’a joué son rôle de médiateur dans les échanges sur les réserves de substitution en excluant des discussions ceux qui n’étaient pas d’accord, juge-t-il. Les volumes sont trop élevés, le principe de partage de l’eau n’est pas dans ce projet, les objectifs pour l’agriculture ne sont pas assez clairs ». Une position que ne partagent pas les signataires du protocole d’accord sur les réserves de substitution, parmi lesquels se trouvent des associations de protection de la nature (lire Agri 79 du 10 mai, p 4).
Irrigation égale résilience
Selon Julien le Guet, c’est la « souplesse » de l’État à l’égard des pratiques agricoles qui est à l’origine de la pression qui monte sur le terrain. La semaine dernière, alors que le collectif organisait une conférence de presse, la voiture d’un confrère du Courrier de l’Ouest était enfoncée par un engin agricole. Ici et là, des violations de propriétés privées sont observables sur les images présentes sur les réseaux sociaux, des formations à la fermeture des vannes des enrouleurs filmées et diffusées par les membres du collectif.
Alors que sur le terrain la situation s’envenime, les positions politiques, longtemps inaudibles, s’expriment. Les canicules de cet été les y encourageraient-elles ? La semaine dernière, Gérard Larcher (LR), le président du Sénat, soutenait la position de Didier Guillaume, le ministre de l’agriculture, questionné sur la sécheresse. « Je veux affirmer devant le Sénat que l’agriculture sera résiliente si elle est irriguée, ou elle ne sera plus ».
Début juillet, l’État faisait appel de la décision du tribunal de Poitiers. Le 9 mai dernier, saisie par les opposants à la construction des réserves de substitution, l’autorité judiciaire annulait l’autorisation unique pluriannuelle de prélèvement sur le bassin-versant de la Sèvre niortaise.
(*) Un communiqué de presse de l’Apieee dénonçait le remplissage « d’une bassine, alors qu’il faisait encore 40 °C à l’ombre ». Au moment de l’envoi du communiqué, le sous-bassin de Mignon Courance était en alerte simple, précise la chambre d’agriculture. La réserve en question étant un bassin tampon (l’eau y transite entre le forage et l’enrouleur), les pratiques dénoncées sont « dans la plus stricte légalité ».