Histoire locale
La Charente-Maritime à l’heure de Napoléon
Si le souvenir du dernier voyage de l’empereur des Français reste bien présent en Charente-Maritime, c’est en réalité son premier déplacement dans le département quelques années plus tôt qui aura eu des conséquences durables sur le département.
Si le souvenir du dernier voyage de l’empereur des Français reste bien présent en Charente-Maritime, c’est en réalité son premier déplacement dans le département quelques années plus tôt qui aura eu des conséquences durables sur le département.
Du passage de Napoléon en Charente-Maritime, on se souvient généralement de l’après-Waterloo : la fuite de l’empereur ayant abdiqué, pour la seconde fois, de Paris à Rochefort, son embarquement de Fouras à l’île d’Aix puis sa reddition aux Anglais, qui le gratifieront d’un aller simple pour l’île de Ste-Hélène. Pourtant, la relation entre l’ambitieux Corse et le département a débuté bien plus tôt : « Il s’y est intéressé avant même d’y être venu, pour des raisons défensives », explique Jacques-Olivier Boudon, historien président de l’Institut Napoléon et auteur de Napoléon et l’Aquitaine, ouvrage récemment paru qui relate le lien entre l’homme et les territoires de la grande région actuelle.
Le département de la Charente-Inférieure (il ne prendra son nom actuel qu’en 1941) comporte effectivement des sites stratégiques, au premier rang desquels l’arsenal de Rochefort. C’est aussi un littoral avec plusieurs ports, et, en ces temps de guerre contre l’Angleterre, cela fait autant de sites à protéger contre les raids voire un éventuel débarquement. « La côte de la Charente-Inférieure semble particulièrement sensible et importante à ses yeux », appuie Jacques-Olivier Boudon. Napoléon va donc ordonner l’aménagement de défenses sur ces points sensibles. Ce dispositif naissant doit comprendre l’ouvrage qui est aujourd’hui l’un des symboles de la Charente-Maritime : Fort Boyard - qui fut néanmoins achevé des décennies plus tard.
À Rochefort, un souvenir bien conservé
Dans le département, le Premier consul puis empereur a des relais, administratifs mais aussi politiques, à l’image de l’ancien député Joseph Eschassériaux, originaire de Corme-Royal et qui inaugure la conviction bonapartiste de cette famille, prépondérante dans la vie politique de Charente-Inférieure jusqu’à la fin du XIXème siècle. Mais, occupé par les guerres successives à l’est, Napoléon attend avant de visiter le Sud-Ouest. Il ne le fait qu’en 1808, au moment où son attention se reporte sur l’Espagne ; il séjourne alors plusieurs mois dans la région.
Passé rapidement par Saintes en descendant, Napoléon y revient depuis Bordeaux, le 4 août, accompagné de son épouse, l’impératrice Joséphine. S’il rencontre quelques magistrats à la préfecture, c’est ensuite vers l’arrondissement de Rochefort qu’il se dirige. Le sous-préfet vient l’accueillir à St-Hippolyte ; puis Napoléon embarque sur un canot, en face de Tonnay-Charente, pour gagner la rive droite de la Charente à Rochefort, où l’attendent élus, magistrats et même l’évêque de La Rochelle. Le couple impérial est logé à la préfecture maritime, actuels quartiers du commandement des écoles de la gendarmerie nationale ; dans ce bâtiment, le souvenir du passage de l’empereur est bien conservé, sa chambre toujours préservée... Ou presque, puisque son lit a été détruit lors de l’incendie des lieux, à la fin du XIXème siècle. C’est aussi là que séjournera Napoléon au moment de sa fuite, dans des circonstances bien différentes.
Changement de cap… et de préfecture
À Rochefort, Napoléon visite l’arsenal et les nombreux navires en construction, stratégiques car ils doivent permettre de compenser les pertes subies quelques années plus tôt à la bataille de Trafalgar. Le lendemain, il se rend à Vergeroux et embarque pour l’île d’Aix, où il va visiter le chantier du futur fort Liédot, puis pour le chantier du fort Boyard. Deux sites stratégiques, comme le montrera l’attaque menée, moins d’un an plus tard, par les Anglais contre la flotte massée dans la rade, incendiée à l’aide de brûlots (navires enflammés). « C’est l’une des défaites qui ont le plus marqué Napoléon », assure Jacques-Olivier Boudon.
L’empereur quitte Rochefort le 6 août. C’est à ce moment-là que se déroule un fait des plus intéressants, explique Jacques-Olivier Boudon.
« Après Rochefort, il aurait dû se rendre à Niort via Surgères, mais il est invité à La Rochelle par les élites locales. »
La ville pâtit alors grandement du blocus continental, qui empêche le trafic maritime sur l’Atlantique. C’est sans doute en partie pour l’apaiser, via l’affectation de fonctionnaires supplémentaires, que Napoléon décidera en 1810 d’en faire la préfecture de la Charente-Inférieure, au détriment de Saintes. Un statut que la ville conserve, plus de deux cents ans plus tard, comme un héritage de cette visite napoléonienne.
Plus d’informations : Napoléon et l’Aquitaine, par Jacques-Olivier Boudon, Memoring Éditions - 12 €.