La protéine, clef de voûte de l’économie des fermes laitières
L’autonomie alimentaire est un objectif au Gaec Champigny. A Sainte-Radegonde, les associés travaillent avec un méteil composé à 80% de protéagineux et de légumineuses et à 20% de graminées. Produire avec un minimum de soja est une fin en soi.
Quand la vesce est en train de fleurir, les ensileuses entrent en scène. Le 27 mai dernier, les silos fermés, les associés du Gaec Champigny situé à Sainte-Radegonde envoyaient à Lano Laboratoire, en Bretagne, un échantillon du méteil récolté. Les résultats permettront d’affiner l’équilibre de la ration. Mais déjà, au comportement des vaches, Thomas Bodin sait que la valeur de son fourrage est moins bonne que l’an passé. Le mélange composé à 80% de protéagineux et de légumineuses et à 20% de graminées, était récolté en 2014 à 16,5 de MAT. « Mon objectif est 18. Bien qu’inférieur aux attentes, nous n’étions pas trop mal l’année dernière. Cette année je pense que nous serons encore plus bas », regrette l’éleveur.
Habitués aux soubresauts, l’exploitant et ses associés vont s’adapter. Le point positif de la nouvelle campagne sera assurément le taux de matière sèche. « Nous devrions tourner entre 35 et 40%. C’est pas mal. Un peu de foin de luzerne nous permettra de compenser. 50% étant l’idéal. »
Bousculer les fondamentaux
Difficile, alors que l’autonomie alimentaire est un objectif, de stabiliser une ration sur plusieurs années. Savoir ajuster est un art en agriculture. Parce que les références sont encore trop peu nombreuses pour des systèmes comme le leur, l’audace et la progressivité permettent aux exploitants d’avancer. En 2014, les associés ont composé avec un fourrage à 26% de matière sèche. « Quand un tel taux ne permet pas de produire avec un RGI, nous avons, sur six mois, tenu une production moyenne de 9 986 litres de lait commercialisés en associant à ce méteil ensilé, du foin de luzerne, la récolte du maïs épi (*), 500 grammes de soja en correcteur et un peu de concentré distribué au DAC pour les meilleures laitières. »
L’état sanitaire du troupeau s’améliore
Pour la gestion du troupeau qui compte aujourd’hui 90 vaches laitières, comme pour la conduite des 160 ha de céréales de vente et 110 ha de production fourragères, Philippe Bodin et son fils Thomas, ainsi que Xavier Guillet osent bousculer les fondamentaux. Ils ont commencé il y a une dizaine d’années sur les cultures. « Nous sommes sur des terres hydromorphes en hiver. L’accès au printemps était difficile. Nous devions trouver des solutions pour améliorer la portance. Progressivement, avec le soutien du groupe Sol Vivant de la chambre d’agriculture, nous sommes passés au semis direct. Le sol devait reprendre vie. »
Dans une ferme de polyculture élevage qui se fixe pour cap l’autonomie, la réintroduction de la luzerne s’est imposée. La plante est une excellente tête d’assolement. En revanche, pour devenir un bon fourrage, elle exige de bonnes conditions de récolte. Un handicap.
De lectures en rencontres, facilitées par Internet, cette fenêtre en permanence ouverte sur le monde, de nouvelles possibilités ont émergé. « La culture du méteil en est une. » Ce mélange répond tant d’un point de vue agronomique que zootechnique aux attentes des exploitants. Implanté en semis directs sur luzerne ou sur sol nu en culture dérobée (précédant à maïs grain, tournesol ou sorgho), il étend le champ des solutions tout en sécurisant l’économie de l’exploitation. « Ce système, compte tenu de l’architecture de notre exploitation (deux sites de production, 270 ha, terre à potentiel limité…), est cohérent. Semis direct et diversité des couverts nous ont permis de limiter les apports d’azote. Exceptionnellement, ils ont été de 30 unités cette année sur le méteil. Les protéagineux avaient besoin d’aide pour s’imposer face aux graminées. Par ailleurs, aucun produit phytosanitaire n’a été utilisé sur ces surfaces. »
Parallèlement, Thomas constate une amélioration de l’état sanitaire du troupeau.
« Les animaux s’expriment en lait. Les frais vétérinaires sont en baisse et la fécondité du troupeau est stabilisée... Je pense, j’espère que nous sommes sur la bonne voie. » Moins dépendant de l’extérieur, l’outil économique est protégé des à-coups qui ces dernières années caractérisent les marchés des intrants quels qu’ils soient. « Nous jouons la sécurité ». Et ces dernières années, note l’exploitant, les résultats comptables nous encouragent à poursuivre. »
A lire un dossier de 8 pages dans Agri 79
Méteil en culture dérobée
Implanté sur sol nu, le méteil récolté fin avril début mai laisse le champ libre à une culture de maïs épi. Cet enchaînement permet de récolter un méteil à 8 tonnes de matière sèche entre 16 et 18 de MAT et quelques mois plus tard un maïs épi à 5 tonnes de matière sèche. Le cumul offre une récolte de 13 tonnes de matière sèche à l’hectare. « Un résultat inaccessible sur nos terres avec un maïs sec », juge Thomas Bodin.