Cuniculture
Lapins cherchent consommateurs
Face à la crise que rencontre la filière cunicole, le Brilap a organisé une table ronde pour discuter de l’avenir de cette production. Un constat alarmiste en ressort : il devient urgent d’arrêter la baisse de la consommation .Quelques pistes de réflexion pour tenter d’y remédier.
Depuis la crise de 2007, le Brilap, qui regroupe la majorité des acteurs de la filière cunicole du Poitou-Charentes, s’interroge sur l’avenir de la filière cunicole. C’est dans ce sens qu’une table ronde a été organisée le 2 mars aux Ruralies. Un état des lieux sur les plans régional et national (lire en encadrés) a ouvert le débat.
Philippe Rigaudy, de Loeul-Piriot, constate que le consommateur attend les promotions pour acheter du lapin, ce qui nécessite d’adapter la production en conséquence. « Les chefs de rayon raisonnent en termes de rentabilité du mètre de linéaire et ils ont tendance à réduire la place consacrée au lapin pour le remplacer par d’autres produits, fait-il remarquer. Il devient alors difficile d’introduire des nouveautés, la présentation la plus demandée hors promotion restant le demi-lapin découpé. » Il insiste cependant sur la nécessité de maintenir une campagne régulière de communication pour sensibiliser le consommateur.
Pour Dominique Le Cren, animatrice au Clipp (interprofession nationale), cela pose le problème du budget à y consacrer d’autant plus que la réglementation vient d’évoluer et que les termes de viande maigre et de sources d’oméga 3 utilisés lors de la dernière campagne radiophonique sont dorénavant proscrits.
« Il va donc falloir trouver d’autres arguments pour vanter le côté diététique de la viande de lapin », note-t-elle. « Autre piste à creuser, celle du produit régional qui aurait les faveurs de la grande distribution mais quel volume peut-on y écouler et l’image du Poitou-Charentes est-elle attractive à l’extérieur ?, interroge-t-elle. La vente directe ou les circuits courts ne sont également pas à négliger, une partie des consommateurs étant sensible à ce contact rapproché avec le producteur. »
Selon l’animatrice du Clipp, en dehors des GMS , des actions pourraient également être menées auprès de la restauration hors foyer. Mais dans ce secteur le prix de la portion est l’élément déterminant et le lapin n’est pas le mieux placé pour y répondre. Les cantines scolaires sont également une cible à étudier. « Là aussi, il faut convaincre les cuisiniers qui proposent rarement du lapin craignant le refus des élèves à en consommer. C’est pourtant là que l’on peut toucher de futurs consommateurs. Il faudrait peut-être réfléchir à d’autres présentations moins classiques que le lapin à la moutarde ou aux pruneaux et qui sont plus en phase avec leurs habitudes alimentaires. » De la saucisse de lapin, des nuggets ont ainsi été évoqués et comme l’a souligné Fabien Coisne, de la société Hycole , « qu’importe la présentation, le principal est que l’on consomme du lapin ».
A la conquête d’un revenu décent
Si les producteurs sont conscients que des gains de productivité sont encore possibles, ils font remarquer, à juste titre, qu’ils n’en ont jamais bénéficié sur le plan financier. Ainsi le prix de reprise du lapin en 2009 est inférieur à celui pratiqué il y a 25 ans malgré un gain de productivité de plus de 10 lapins par femelle et une amélioration de l’IC de plus d’un point.
« Pour assurer la pérennité de cette production il faut que les producteurs puissent en dégager un revenu décent, a conclu François Martin, président du Brilap. Tous les acteurs de la filière ainsi que l’ensemble des partenaires doivent être conscients que l’avenir de la filière cunicole régionale est en train de se jouer aujourd’hui. Adapter la production à la consommation est certes nécessaire mais si rien n’est fait pour contrecarrer l’érosion de cette dernière il n’y aura, à terme, plus de producteurs.»
628 femelles en moyenne pour les élevages du Poitou-Charentes
Gérard Kéraval, conseiller à la chambre d’agriculture, a présenté les résultats de l’audit de la filière régionale réalisé début 2009. Lequel faisait la synthèse d’un questionnaire adressé à l’ensemble des 149 éleveurs de Poitou-Charentes et d’une série de 17 entretiens passés avec des représentants de la filière (aliments, abattoirs, sélection, groupements … ).
Il en ressort que l’élevage moyen a une taille de 628 femelles, détenu par un éleveur âgé en moyenne de 48 ans ayant, dans 86% des cas, des emprunts en cours. Les problèmes sanitaires sont globalement maîtrisés et n’inquiètent plus les éleveurs. Les performances techniques sont également bonnes. Si une dizaine d’éleveurs envisage de s’agrandir, les trois quarts souhaitent avant tout maintenir leur activité en espérant qu’elle les mènera jusqu’à la retraite et une douzaine pense y mettre un terme faute de rentabilité ou ne souhaitant pas renouveler du matériel vétuste. Les éleveurs de lapins qui s’étaient installés à l’origine pour le côté rémunérateur de cette production ne s’y retrouvent plus aujourd’hui. Les prix de reprises insuffisants ainsi que l’augmentation régulière des charges en sont les principales raisons. Pour inverser cette tendance, ils mettent en avant la nécessité d’explorer d’autres pistes pour les débouchés (circuits courts, vente directe) et de continuer les opérations de publicités et de promotions sur les lieux de vente .
Ils rajoutent aussi l’amélioration de la technicité des élevages pour réduire les coûts de production en cherchant notamment à faire baisser l’indice de consommation, l’alimentation constituant le principal poste de charges. Ils proposent également de diminuer la production en bloquant les nouvelles constructions, en accompagnant les cessations d’activité et en instaurant des quotas de productions .Ils évoquent enfin la piste restauration collective pour se démarquer des GMS, la mise en avant des qualités diététiques de la viande de lapin et la vente sous un label régional.