Le colza sentira bientôt la rose

Si la floraison du colza, chaque début de printemps, ravit les yeux, elle est un peu moins réjouissante pour l’odorat. Il est vrai que la brassicacée, hybride naturel entre le chou et la navette, présente peu de dispositions pour fleurer bon.
Ce léger handicap, qui pourrait paraître anecdotique, intéresse pourtant beaucoup les chercheurs et semenciers, qui craignent que l’oléagineux souffre de son odeur de soufre.
Le consensus est tel qu’un consortium scientifique de plusieurs pays s’est formé autour de la question, au premier rang desquels la Chine. La province de Luoping, notamment, cultive la plante sur quelque 200 km2, et y développe une activité touristique. Mais devant l’étendue dorée à perte de vue, nombreux sont les visiteurs pris de malaises sous les effluves soufrés du crucifère.
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Une expertise de pointe
Les chercheurs imaginent donc influer sur l’odeur du colza. Le programme a débuté par l’évaluation initiale de la floraison du colza par un expert. Jean-Sébastien Guerlinade, célèbre « nez » des maisons de parfumerie parisiennes, a délivré un diagnostic sans concession : « Ça sent mauvais ».
Forts de cette expertise pointue, les scientifiques ont tenté d’influer sur le caractère odorant de la brassicacée par un croisement avec d’autres espèces : la giroflée, la rose ou le pavot.
Contre toute attente, c’est ce dernier qui a permis la meilleure hybridation, avec l’espèce Papaver somniferum L. subsp. Album.
Les résultats sur les émanations soufrées de la floraison du colza ont démontré des résultats plus que prometteurs, avec une évaluation olfactive très positive de Jean-Sébastien Guerlinade : « Ça sent moins mauvais », aurait tranché l’expert, plein d’un enthousiasme parisien significatif.
Les abeilles sous psychotrophes
Le programme de recherche doit cependant résoudre un dernier écueil avant la diffusion à l’échelle mondiale de la nouvelle variété Brassica napus psychotrus.
Il semblerait en effet que les abeilles, qui viennent principalement puiser le pollen nécessaire à la fabrication de miel de printemps dans les fleurs de colza, réagissent de façon quelque peu exacerbée à l’hybride.
Les insectes, sous l’influence des opioïdes résiduels contenus dans le croisement du colza et de l’opiacé, présentent de forts pics d’activité de récolte du pollen, mais s’endorment sur le chemin du retour aux ruches. « C’est vrai qu’on n’avait pas pensé à ça », concèdent les scientifiques, qui ont repris derechef la recherche sur les croisements avec les roses, sans doute moins risqués.