Portrait
Graines d'agriculteurs : des finalistes en Charente-Maritime
Romain et Sophie Delneuf ont lancé leur élevage de porcs en plein air il y a deux ans à Asnières-la-Giraud. Leur projet a été sélectionné pour participer au concours national « Graines d’agriculteurs », organisé par Terres Innovantes, le fonds de dotation des Jeunes agriculteurs.
Romain et Sophie Delneuf ont lancé leur élevage de porcs en plein air il y a deux ans à Asnières-la-Giraud. Leur projet a été sélectionné pour participer au concours national « Graines d’agriculteurs », organisé par Terres Innovantes, le fonds de dotation des Jeunes agriculteurs.
En cette chaude journée d’été, le petit groupe de porcs se prélasse à l’ombre des arbres, dans la boue ou la poussière : vingt-cinq culs noirs limousins, âgés de quatorze mois, que couvent du regard Romain et Sophie Delneuf, qui ont créé la Ferme de la Culotte Noire en juillet 2021. A priori, rien ne destinait le couple à se lancer dans l’élevage porcin. Voilà cinq ans à peine, ils vivaient encore à Marseille, lui travaillant comme responsable dans une société de nettoyage industriel, elle comme attachée de recherche clinique auprès des labos pharmaceutiques. Mais l’arrivée de leur fils les a poussés à remettre en question ce choix de vie, avec « l’envie d’un virage, d’un retour à terre », comme ils l’expliquent aujourd’hui. Envie de se rapprocher de leurs racines, également ; lui était originaire d’Usseau (sud Deux-Sèvres), elle d’Asnières-la-Giraud. C’est sur cette dernière commune qu’ils ont choisi de monter leur projet d’élevage et de transformation.
Un objectif les a guidés dans leur choix : celui de garder le contrôle sur leur production, presque jusque dans l’assiette du client, afin de s’assurer de la bonne qualité du produit.
« On aimerait être autonomes à 100% sur les naissances, l’élevage, la transformation et la vente », explique Romain Delneuf. « Le seul point sur lequel on ne pourra pas l’être, c’est l’alimentation, car nous n’avons pas de terres et aucun matériel pour cultiver. »
Ils se sont donc réparti les tâches : Sophie Delneuf a passé une formation spécialisée au CFPPA d’Aurillac (Cantal) pour pouvoir maîtriser la transformation, et son époux un BPREA polyculture-élevage au lycée de l’Oisellerie à La Couronne (Charente).
Le choix d’une race rustique
Leur souhait était de travailler sur un élevage de plein air afin de commercialiser des produits à base de viande ; le porc s’est imposé, nécessitant moins d’espace que les bovins et permettant une transformation diversifiée. Il s’agit toutefois d’une espèce exigeante. Pour installer son cheptel de 125 porcs, le couple a acquis 6 ha de bois auprès de propriétaires privés, répartis en deux parcs de 1,5 et 4,5 ha où les différents lots sont placés dans des enclos de 0,5 ha. Chaque parc est entouré d’une clôture biosécurité d’1,60 m, doublement électrifiée (extérieur et intérieur). « C’est ce qui coûte très cher à l’installation », souligne Romain Delneuf. Chaque enclos dispose de deux cabanes de 12 m2 environ - soit 1 m2 par porc - et de son aire de repas, qui permet aussi de faciliter l’arrivée et le départ des animaux. Tout a été conçu pour limiter les entrées et sorties dans les enclos. « Nous sommes soumis aux mêmes protocoles que les porcheries ‘industrielles’ », rappelle l’éleveur. Pour faciliter le passage, il s’équipe actuellement d’une remorque-sas, « avec une entrée sur la zone professionnelle et une sortie sur la zone d’élevage » ainsi que tout le matériel sanitaire nécessaire.
Pour leur élevage, les deux jeunes installés voulaient une race rustique produisant une viande de qualité. Leur choix s’est porté sur le cul noir limousin, une race de porcs originaire de St-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne) . Romain Delneuf a pu découvrir le cul noir limousin lors de son stage de BPREA chez l’ancien président de la race, à qui ils achètent les porcelets aujourd’hui. « C’est une race rustique de croissance lente, avec un cahier des charges », indique Sophie Delneuf. « On les reçoit à deux-trois mois, et on les élève jusqu’à quatorze à dix-sept mois. » Les porcs peuvent glaner quelques racines et glands en forêt, mais l’essentiel de leur alimentation est apportée par les éleveurs qui l’achètent auprès d’une coopérative. Elle se compose, jusqu’à dix mois, d’un mélange de céréales, protéines et minéraux, et passe ensuite à de l’orge agrémenté parfois de luzerne. « Le cul noir est une race qui prend vite du gras, et ne gère plus correctement les protéines passé un certain âge », précise Romain Delneuf. L’alimentation choisie n’est pas bio ; c’est d’ailleurs selon lui le seul critère qui empêche leur élevage extensif d’acquérir ce label.
Atteindre le seuil de rentabilité
Pour l’heure, l’exploitation transforme deux porcs par semaine. L’abattage se fait à l’abattoir de Chalais (Charente), d’où Sophie Delneuf ramène des carcasses qu’elle va ensuite désosser et préparer. Près d’une quarantaine de références existent déjà, avec des propositions qui peuvent varier selon les saisons. La vedette, c’est le saucisson sec, qui comme les autres produits est sans additifs, sans conservateurs, ni étuvage ni ferments. « C’est notre produit d’appel ! », assure Sophie Delneuf, qui les fait sécher pendant huit à neuf semaines avant de les proposer aux clients.
Mais la qualité a un prix, et c’est un sujet sur lequel le couple ne transige pas. « Au marché, c’est un travail en continu pour expliquer aux clients que nous sommes en élevage de plein air, que nous avons moins d’animaux et que c’est pour cela que nous vendons plus cher », témoigne Sophie Delneuf. Au fil des mois, l’exploitation, qui vend uniquement en circuits courts, a réussi à se constituer une clientèle fidèle sur les marchés auxquels elle participe... Mais les deux nouveaux installés sont conscients qu’il va falloir encore développer un peu la ferme pour pouvoir faire vivre correctement leur famille. « Le point de rentabilité, c’est trois porcs par semaine », révèle Romain Delneuf. Le couple recherche aussi des solutions qui lui permettraient de baisser ses charges, comme l’achat direct de céréales auprès d’un agriculteur local. L’aménagement d’un troisième parc est également en cours de réflexion ; il pourrait accueillir un atelier naissances, qui permettrait ainsi de diminuer le nombre de porcelets achetés chaque année. Romain et Sophie Delneuf espèrent donc un prix au concours national « Graines d’agriculteurs » (lire ci-dessous) qui serait un sacré coup de pouce pour lancer ce nouveau projet.
L'exploitation sélectionnée pour le concours Graines d'agriculteurs
Début septembre, un jury final déterminera les lauréats, sur la base des votes et de leur propre vote. Les lauréats seront récompensés par une dotation de 3 000 € pour les aider dans leur projet. La remise des prix se tiendra lors des Terres de Jim du vendredi 8 au dimanche 10 septembre 2023 à Cambrai dans le Nord.