Le premier mythe de Citroën
Le musée des Cordeliers à St-Jean-d’Angély accueille pour un an une pièce originale : une version reconstruite du Scarabée d’Or, autochenille de la même série que le Croissant d’Argent des premiers voyages transsahariens qui est le clou de sa collection permanente.
Un siècle d’innovations et modèles mythiques : c’est ce qu’a célébré Citroën en 2019. Pour son centenaire, la marque aux chevrons a mis en avant ses modèles les plus emblématiques : DS, 2CV, CX, SM… Mais avant ces noms fameux, avant même la Traction avant, c’est la Citroën B2 qui s’est rendue célèbre à l’occasion d’une des plus fantastiques opérations des débuts de l’automobile : la Première traversée du Sahara.
Cette aventure, qui eut lieu à l’hiver 1922-1923, permit de relier pour la première fois Touggourt (Algérie) à Tombouctou (Mali) avec des véhicules à moteur ; un enjeu stratégique pour l’Empire colonial français qui contrôlait à l’époque ces territoires. Le voyage aller, éprouvant, dura vingt jours et fut suivi par un retour, selon le même itinéraire, afin de parachever l’exploit. Deux autres expéditions ont été organisées par la suite, aux répercussions plus importantes encore : Centre-Afrique et Centre-Asie, plus connues sous les noms de Croisière Noire et Croisière Jaune. Les deux visaient à traverser les continents pour en ramener des images, des objets, des découvertes scientifiques – et une publicité de choix pour André Citroën.
Le don d’un Angérien
Ces voyages sont au cœur des collections permanentes du musée des Cordeliers de St-Jean-d’Angély, qui dispose d’un fonds exceptionnel d’objets collectés à l’époque. « Louis Audoin-Dubreuil, natif de la ville, était le commandant en second sur les trois expéditions, explique la directrice du musée, Delphine Etchenique. C’est lui qui a donné à la municipalité une partie de ses collections, en 1947. » Un autre don d’ampleur a suivi en 1957, grâce à Maurice Penaud, mécanicien en chef des expéditions, natif de Sauzé-Vaussais (79), entre Melle et Ruffec. Louis Audouin-Dubreuil a offert son propre véhicule, le Croissant d’Argent (conduit par Maurice Penaud à l’époque), qui est aujourd’hui l’une des deux seules autochenilles (sur cinq) ayant participé au premier raid transsaharien subsistant encore. Le Croissant d’Argent est aujourd’hui installé dans un espace spécialement aménagé d’une aile du musée des Cordeliers.
Une autochenille recréée de A à Z
L’autre véhicule existant est celui du commandant en chef de l’épopée Georges-Marie Haardt : le Scarabée d’Or. Il fait partie des collections du Conservatoire Citroën, à Aulnay-sous-Bois. Un projet original a été monté ces dernières années autour de ce véhicule : la confection d’une réplique fonctionnelle, achevée pour le centenaire Citroën. « Olivier Masi, président de l’association Des Voitures et des Hommes et initiateur du projet, est venu au musée en 2016 pour voir le Croissant d’Argent », révèle Delphine Etchenique. Le véhicule n’ayant subi qu’une restauration a minima, son étude a été intéressante pour l’équipe qui a travaillé sur le nouveau modèle. Originalité de cette opération, le travail a été effectué principalement par des jeunes, des élèves-ingénieurs des Arts et Métiers Paristech de Cluny (71) et du lycée des métiers de l’automobile et du transport Château d’Épluches de St-Ouen l’Aumône (95), qui ont utilisé les dernières technologies pour recréer le véhicule à l’identique de ce qu’il était, il y a presque cent ans.
Après avoir participé à une exposition de la marque à Paris en juin, puis au « rassemblement du siècle » des citroënistes à La Ferté-Vidame en juillet, la réplique du Scarabée d’Or est finalement arrivée le 14 novembre à St-Jean-d’Angély, où elle est abritée sous le même toit que le Croissant d’Argent. « Nous avions vraiment envie de l’exposer cette année », indique Delphine Etchenique. Le véhicule est accompagné de photographies, d’objets et de panneaux explicatifs traitant à la fois de la Première traversée du Sahara et de l’aventure qu’a été la reconstruction de ce véhicule. « Là, c’est un regard technique que nous n’avions jamais autant appuyé en exposition. » Avec à la fois le Scarabée d’Or recréé et le Croissant d’Argent d’origine, les visiteurs peuvent donc découvrir - et comprendre - mieux que jamais le génie d’un concepteur d’automobiles et le courage des hommes qui s’élancèrent à leur bord à la conquête du désert.