Le recours à Manuel Valls lors du 69e congrès de la Fnsea
Le 69e congrès du syndicat des exploitants agricoles avait lieu à Saint-Étienne, dans la Loire, du 24 au 26 mars. Retour sur cet événement.
Le congrès 2015 de la Fnsea a érigé le Premier ministre Manuel Valls en recours sur les dossiers prioritaires du syndicat majoritaire. Un recours face à un ministre de l’Agriculture qui a recueilli bien des critiques, motivées principalement par les difficultés de mise en œuvre de la nouvelle politique agricole commune. Un contexte très politique qui n’a pas empêché le syndicat de plancher sur les moyens de sécuriser à l’avenir le revenu des agriculteurs.
S’il faut évaluer le désamour entre le syndicat majoritaire et le ministre de l’Agriculture à l’aune de la sympathie qui semble lier le syndicat à Manuel Valls, alors ce désamour est bien profond. C’est ce qui est apparu tout au long du congrès de Saint-Étienne. Une ville à l’industrie disparue mais à l’espoir et à la fierté toujours présentes symbolisées par le sport qui l’a rendue populaire, le football, et la couleur verte : la même couleur que celle, fétiche, de la Fnsea. C’est pourquoi les congressistes, qui parvenaient à remplir le très grand auditorium du Zénith, se sentaient plutôt bien dans cette ville.
Ce congrès se tenait sans enjeu électif, les grands dossiers institutionnels - réforme de la Pac, loi d’avenir agricole, décision de supprimer les quotas (lait et betteraves) - étant derrière eux. Mais trois projets étaient à l’ordre du jour : plancher sur l’avenir de l’organisation syndicale dans une France redécoupée territorialement, étudier les modes de sécurisation des exploitations et, plus immédiatement, transmettre un message de défiance au gouvernement à propos du ministre de l’Agriculture.
Réforme de la Pac pas bouclée
C’est peu dire que le torchon brûle entre la Fnsea et le ministre de l’Agriculture. À huis clos ou en public, les trois journées de congrès ont été l’occasion de formuler des critiques à l’encontre du locataire de la rue de Varennes. Ce que la Fnsea lui reproche ? De n’avoir pas encore bouclé la mise en œuvre de la réforme de la PAC alors que les déclarations doivent être prochainement faites. Le sort des ICHN, celui des transmissions de DPU-DPB entre exploitants, les installations de jeunes bloquées, le statut d’éléments d’exploitations comme les haies… autant d’inconnues qui angoissent bon nombre d’agriculteurs à la veille de leurs déclarations pour toucher les aides Pac.
Pour Christiane Lambert, vice-présidente : « Plus personne ne croit Stéphane Le Foll ». Les secrétaires généraux, Daniel Prieur, Jérôme Despey et Dominique Barrau ne se sont pas franchement retenus tout au long du congrès. Daniel Prieur : « Ce ministre, c’est le champion de l’imprécision » ; Jérôme Despey : « Avec le ministre actuel, les choses ont changé, la cogestion n’existe plus, il veut faire cavalier seul » ; Dominique Barrau : « Quand un ministre n’est pas efficace, on fait appel au Premier ministre ».
C’est précisément ce qu’a fait la Fnsea à l’occasion des conclusions du congrès. Jeudi 26 mars, à l’arrivée du Premier ministre Manuel Valls et de Stéphane le Foll, les sifflets fusent. Sifflets également lorsque Xavier Beulin prononce le nom de Stéphane le Foll. Manuel Valls doit à son tour intimer le « respect » lorsque la salle siffle le ministre de l’Agriculture. « La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est l’application de la nouvelle Pac en France », expliquera plus tard Xavier Beulin, à l’issue du congrès.
Raymond Lacombe
Aux longues doléances de Xavier Beulin, le Premier ministre répond par un discours fleuve, évoquant ses récentes rencontres avec des agriculteurs, son passage animé au Salon de l’agriculture. Quelques plaisanteries, quelques moments d’émotion, l’évocation de Raymond Lacombe et le courant passe.
Sur la Pac, il vient à la rescousse : le Premier ministre s’est engagé à ce qu’il n’y ait aucun retard dans les aides Pac. Il a aussi été très net sur des sujets aussi emblématiques que le barrage de Sivens. « Il y aura bien un barrage », a-t-il assuré, estimant qu’une occupation illicite d’opposants comme celle de Sivens « est inacceptable ». Manuel Valls assure que de nouvelles mesures de simplification seraient prises.
« Nos normes doivent être alignées sur le standard européen, insiste-t-il. Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. » Il promet qu’il va faire adopter des mesures d’allégement des contrôles en exploitation. Quant aux biotechnologies, Manuel Valls affirme avec force qu’il faut que les chercheurs puissent continuer à travailler sur les biotechnologies sans voir leur travail saccagé. Il a parlé de renégociation en ce qui concerne la directive nitrates et a annoncé une réunion de toute la filière porcine pour trouver des solutions à la crise, le 31 mars. Une table ronde à laquelle devront participer également les grandes surfaces.
« L’État est à vos côtés, a-t-il martelé, la grande distribution doit accepter des hausses de prix. » Plus encore, langage de syndicaliste mais tenu par Manuel Valls :
« Nous ne pouvons plus accepter les discours des distributeurs au moment où des agriculteurs sont en train de crever. » Les éleveurs de l’Ouest s’en souviendront sans doute.
Germinal Peiro et Didier Guillaume
Politique, Manuel Valls ne manque pas d’affubler des termes de « choix dramatique » une éventuelle remise en cause de la Pac et un rétablissement des frontières nationales. Il évoque la loi d’avenir agricole mais surtout en soulignant le bon travail du député Germinal Peiro et du sénateur Didier Guillaume. L’agriculture doit rester liée au modèle agricole, mais il ne faut pas bloquer les évolutions, insiste le Premier ministre. Il reprend à son compte quelques propos du président de la République, notamment « produire plus et produire mieux ». Et il fait plaisir aux syndicalistes en décrivant Xavier Beulin comme « interlocuteur exigeant, très exigeant ».
Autant d’annonces qui sont davantage des engagements que des décisions concrètes impliquant des dépenses publiques. Autant de prises de position convenant aux adhérents qui demandaient surtout que soit fixé un cap, relevés des défis correspondant à leurs valeurs : le défi de la compétitivité, celui de l’agriculture responsable, à en juger par les propos de Xavier Beulin. C’est bien ce qu’ils ne perçoivent pas, ou plus, dans la politique d’agroécologie de Stéphane le Foll.