Formation
« Les agricultrices doivent dépasser leurs appréhensions »
Agricultrice depuis vingt ans à Nueil-les-Aubiers, Guylène Barbot est présidente de la commission agricultrices et du canton de Mauléon à la Fnsea 79. Elle nous livre son point de vue sur la formation des femmes suite à la journée du 8 avril organisée par Vivea.
Les résultats de l’étude menée par Vivea (lire ci-dessous) sur l’égalité d’accès à la formation entre les hommes et les femmes vous ont-ils étonnée ?
Cette étude rappelle que certaines agricultrices sont plus émancipées que d’autres. J’ai été très étonnée par le fait que des femmes doivent encore demander l’autorisation à leur mari avant de partir en formation. Par ailleurs, certaines n’ont pas accès à la formation car elles ne bénéficient pas du statut d’exploitante, pour des questions comptables. Elles travaillent néanmoins autant que les autres et pâtissent de ce manque de reconnaissance.
Le 8 avril, une journée régionale était organisée à Melle, par Vivea, sur ce thème. Cette rencontre vous a-t-elle paru satisfaisante ?Cette journée a été très constructive. A travers des ateliers de travail, tous les acteurs concernés ont pu réfléchir à la mise en œuvre d’actions pour pousser les femmes à se former. Je n’ai qu’un regret, lié au faible taux de participation de la part des organisations professionnelles agricoles (OPA).
Lors de cette journée, vous avez témoigné sur votre histoire personnelle. A-t-il été difficile de trouver votre place en tant qu’agricultrice au sein du Gaec familial ?
Je me suis installée en 1991 en Gaec avec mon père et ma mère. Mes deux frères sont venus me rejoindre plus tard sur l’exploitation où nous élevions 500 chèvres et 75 vaches allaitantes. Je n’ai pas rencontré de difficultés particulières pour m’installer, peut-être parce que je suis l’aînée ! Le plus compliqué est sans doute de travailler en famille, car il faut veiller à ne pas mélanger vies professionnelle et familiale. Quant à mon mari, il est aussi agriculteur mais il travaille sur sa propre exploitation.
Avez-vous suivi des formations ?
J’ai suivi une formation en communication pour apprendre à m’exprimer lors des réunions. Beaucoup de femmes n’osent pas prendre la parole car elles ne se sentent pas à l’aise à l’oral. Les agricultrices doivent dépasser leurs appréhensions. Plus récemment j’ai aussi passé mon CertiPhyto. Concernant cette formation, les femmes restent très minoritaires car peu d’entre elles s’occupent des traitements. Mais elles sont tout aussi capables d’obtenir le CertiPhyto, les résultats au niveau de la Fnsea79 le prouvent !
Enfin, qu’est ce qui vous donne envie de vous engager syndicalement ? J’aime bien sortir du quotidien de l’exploitation. S’engager permet aussi de se remettre en cause. Mais ce n’est pas toujours facile d’être écoutée quand on est entourée d’hommes. Au sein de la commission agricultrices, créée en 2007, les choses sont un peu différentes. Les femmes ont l’occasion de mener de nouveaux projets comme la Carte Moisson ou l’opération Fermes ouvertes. Nous sommes aussi en train de créer une charte de voisinage pour améliorer les rapports entre agriculteurs et populations rurales. Autre grand projet : celui de partir en mission au Togo.
Les femmes se forment moins que les hommes
Sur les 586 000 personnes qui ont contribué à Vivea en 2009, les femmes sont au nombre de 178 000. Mais on ne comptait parmi elles que 15 300 bénéficiaires de formation, soit un taux d’accès de 8,6 %, contre 13,5 % pour les hommes, selon une étude réalisée par Vivea sur la formation des femmes en agriculture. Soit un écart de près de cinq points par rapport aux hommes.L’étude menée en Charente-Maritime, dans l’Orne et dans les Alpes de Haute-Provence montre que « les femmes ne sont pas visibles », en ce sens qu’elles ne sont pas « identifiées » comme telles, ni considérées comme « un public prioritaire » observe Florence Bras, conseillère en formation à Vivea qui a présenté les résultats de l’étude à l’assemblée générale de la Commission nationale des agricultrices de la Fnsea, début mars à Paris. Si elles se forment moins, c’est qu’elles ont un parcours moins linéaire que celui les hommes, note-t-elle. Souvent ceux-ci s’installent assez rapidement, quelquefois après une phase de salariat et leur itinéraire professionnel est assez rectiligne jusqu’à la retraite. Alors que les femmes ont un parcours plus erratique, « plus opportuniste », note Florence Bras. Avec une succession de statuts différents pendant leur vie professionnelle. Souvent salariées au départ, elles s’installent comme chef d’exploitation pour accéder aux aides publiques après leur mariage, ou beaucoup plus tard pour remplacer leur conjoint parti à la retraite.
Tâches subiesEn outre, l’organisation du travail sur l’exploitation et les tâches qui leur sont confiées sont un frein à leur formation. « Les hommes se dispersent moins », remarque Florence Bras. Alors que l’agenda des femmes est « plus enchevêtré », mêlant les activités professionnelles, la traite le matin et le soir, la surveillance d’un atelier par exemple…avec les taches ménagères et familiales, la gestion des enfants notamment en plus. Bref, il est « plus compliqué » pour une femme de se libérer, d’autant plus que ses tâches sont souvent subies plutôt que réellement choisies. Et si certaines s’affirment comme de réelles chefs d’entreprise, elles sont plutôt « opératrices » quand elles maîtrisent une activité (les soins aux animaux par exemple), assistantes de leur mari ou pire, affectées aux corvées répétitives. Ceci étant, à l’exception des formations liées à la production végétale qui restent un bastion masculin, les femmes ont les mêmes attentes que les hommes (informatique, techniques de production animales, environnement…). Seules les priorités diffèrent, les femmes préférant les formations à l’informatique et aux nouvelles techniques d’information et de communication, à celles de l’environnement par exemple, plutôt réservées aux hommes.