Les éleveurs mécontents s’expriment partout en Deux-Sèvres
Les éleveurs ont manifesté dans la nuit du 22 au 23 juillet, ciblant distributeurs et transformateurs, quelques heures seulement après l’annonce du plan gouvernemental.
Quatre cent cinquante agriculteurs, 130 tracteurs, 29 sites (*), 4 abattoirs, 5 laiteries, 18 GMS, les centres des impôts et la sous-préfecture de Bressuire, le tout dans 17 communes : rarement une manifestation avait pris une telle importance en Deux-Sèvres. Dans la nuit de mercredi 22 à jeudi 23 juillet, transformateurs et distributeurs ont été la cible des éleveurs qui ont signé leur mécontentement en déversant fumier, lisier et pneus sur les accès.
Ce n’était que quelques heures seulement après l’annonce par le gouvernement de mesures dites « d’urgence » et « structurelles ». « Ce qu’il nous faut, c’est des prix ! », fulminait Grégory Nivelle, secrétaire général adjoint de la Fnsea 79, devant la base logistique Intermarché de Gournay-Loizé, bloquée à partir de 21 heures. « Les mesures annoncées, c’est pour repousser la misère », poursuivait-il, pour justifier ce qu’il appelle
« en remettre une couche » et peut-être d’autres encore selon ce qui se préparait en fin de semaine dernière « parce qu’on est à bout », disait un manifestant.
Eleveurs laitiers, de bovins viande mais aussi des céréaliers, formaient le gros des manifestants pour dire que « l’accord du 17 juin n’a pas été respecté ». Une déception, à la hauteur du décalage entre l’augmentation des charges sur l’exploitation et la baisse des prix. « Entre les distributeurs et les transformateurs, il va falloir qu’on nous dise qui ment », poursuivait Grégory Nivelle, replaçant cette crise de l’élevage dans un contexte de sécheresse. Les stocks de fourrage des éleveurs vont vite être entamés, les rendements de maïs vont être très faibles avec le déficit de pluviométrie et les inévitables arrêts d’irrigation. « Les trésoreries sont déjà dans le rouge », assure-t-il.
Vice-président de la Fnsea, Patrice Coutin, lui aussi demande des prix rémunérateurs, « sans quoi les actions syndicales ne sont pas terminées ». Même revendications pour Julien Chartier : « Sans prix décents, les jeunes ne pourront pas s’installer ». Mais le président de JA dénonce ce qui peut paraître une somme conséquente les « 600 millions d’euros -, mais qui est dérisoire par rapport aux 10 milliards d’excédent de la balance commerciale ». « Encore faut-il voir ce qui reviendra précisément aux éleveurs », soulignait-il, dubitatif.
Il se confirmait le lendemain de cette soirée du 22 juillet que les actions ne sont pas terminées (lire en encadré). Le consommateur devait être pris à témoin dans les grandes surfaces : « Nous ne voulons pas qu’il soit la variable d’ajustement des prix », estime Patrice Coutin.
JA et Fnsea 79 veulent aussi demander à la restauration collective de livrer leur stratégie quand François Hollande, président de la République, incite les consommateurs « à manger autant qu'il est possible les produits de l'élevage français ».
(*) Selon la préfecture, les communes concernées par les manifestations : Bressuire, Mauléon, Saint-Loup Lamairé, Saint-Varent, Champdeniers, Champdeniers, La Chapelle-Thireuil, Saint-Maixent, Sainte-Eanne, Celles-sur-Belle, Parthenay, Niort, Nueil-les-Aubiers, Thouars, Gournay Loizé, Saint-Jean-de-Thouars, Saint-Léger-de-la-Martinière.
« Origine France », le repère défendu par les producteurs
Il y a des propos qui ne passent pas. Ceux de Michel-Edouard Leclerc tenus lors d’une interview publiée dans Usine Nouvelle (*) ont poussé les agriculteurs du département à occuper samedi matin, avec tracteurs et autres télescopiques, les parkings des magasins Leclerc de Niort (en photo), Saint-Maixent-l’Ecole, Parthenay et Bressuire. Alors que les manifestants expliquaient aux clients les raisons de leur colère, leurs représentants rencontraient les responsables des enseignes. Le mot d’ordre : occuper les lieux jusqu’à ce que les directeurs de magasins s’engagent à soutenir l’agriculture française.
Par l’envoi d’un mail à la Fnsea 79, Thierry Burgaud, de Parthenay Distribution ; Frederic Legal, de Leclerc Niort Mendès-France et Yannick Jadeau, de Sas Bocadis Bressuire, ont assuré : « Les propos tenus par Michel-Edouard Leclerc dans son interview auprès de l'Usine Nouvelle publiés le 8 juillet 2015 peuvent être effectivement mal interprétés.
Quand il évoque la possibilité d'aller chercher des baisses de prix en Europe, cela ne concerne absolument pas les produits issus de l'agriculture française mais les produits manufacturés voir de marques internationales.
Nous soutenons et continuerons à soutenir les agriculteurs français dans la distribution de leurs productions notamment en mettant en avant les logos viandes de France et lait de France ».
Le directeur du magasin Leclerc de Saint-Maixent-l’Ecole, n’ayant pris cet engagement qu’à l’oral, a subi la présence des manifestants deux heures de plus que ses collègues.
Cette semaine, la Fnsea 79 et JA 79 ne désarment pas. Une rencontre avec ces quatre directeurs devait avoir lieu jeudi. L’objectif des syndicats : faire la transparence sur les marges et organiser une mise en valeur des logos viande de France et lait de France.
C.P.