Vente directe
Les premières pousses d’une distribution originale sortent de terre
Pour développer leur activité de vente directe, les producteurs sont à l’écoute des goûts mais aussi du mode de vie des consommateurs.
Les produits sous signe officiel de qualité représentent 6,5 % du marché global des viandes (*). « Seulement », regrette-on souvent au sein d’un monde agricole contraint aux efforts. Ces quinze dernières années, les filières dites de qualité ont vu le jour. Les exploitants ont appliqué les cahiers des charges. Cet engagement au bénéfice de la transparence portait l’espoir d’une confiance retrouvée stimulant la consommation globale… en vain. « Le consommateur sait-il vraiment ce qu’il veut ? », doutent parfois les acteurs du monde agricole. Il veut de la qualité mais n’en consomme pas. Il veut des produits fermiers mais ne les achète qu’occasionnellement, jugent certains. L’offre pourtant se développe comme le confirme Jacques Mathé, économiste au CER France Poitou-Charentes. « Les productions locales ont la cote, affirmait-il fin décembre lors d’un colloque sur le sujet co organisé par la chambre régionale d’agriculture et l’Irqua. Les habitudes de consommation changent. » Sur le territoire, de la vente de viande bovine en caissettes à l’ouverture de magasins de producteurs dans des zones commerciales, de nombreuses formules ont vu le jour. Vente sur le lieu de production, transformation à la ferme et vente sur les marchés, création des Amap, installation de distributeur de lait cru. Chaque porteur de projet mise sur la confiance que l’acheteur accorde au producteur. « Globalement ça marche », reconnaît Jacques Mathé. Mais, pour que l’agriculture et les territoires bénéficient de manière substantielle des retombées économiques, les modèles devront évoluer. L’enjeu est à la mesure des chiffres avancés. La valeur ajoutée générée par un porc transformé et valorisé à travers une filière courte est vingt fois plus importante qu’un même produit empruntant la filière industrielle. « Des réflexions collectives, des investissements partagés permettront d’atteindre des dimensions économiques pérennes », juge l’expert.
L’épicerie agricole
En Deux-Sèvres, de nouveaux concepts de distributions voient le jour. Le succès de Plaisirs Fermiers (Niort nord), la rapide montée en puissance du magasin Le Marché Bessines (zone de la Mude à Niort), le développement plus lent mais réel de l’initiative bressuiraise Du Terroir à l’assiette confirme l’intérêt que le consommateur porte aux produits de la ferme. En s’installant dans des zones commerciales, les agriculteurs ont fait l’effort de venir au-devant de la clientèle. La fréquentation du lieu et le caractère urbain de la zone géographique sont des facteurs de réussite incontestables. A Bressuire, Gaëtan Vincendeau mesure les conséquences du caractère rural de sa région. « Il faudra trois ou quatre ans pour atteindre le rythme de croisière quand quelques mois ont suffi sur Niort. Il est plus facile de s’approvisionner à la ferme en bocage que sur le bassin niortais. » Chacune des initiatives repose sur un concept de mise en marché proche de celle développée par les commerces de proximité. « L’ambiance dans le magasin est déterminante », croit Nicole Bisserier. Les clients sont accompagnés dans leur acte d’achat. Les agriculteurs engagés dans ces outils commerciaux ont très vite profité d’une dynamique vertueuse. « Le magasin tire l’activité de la ferme vers le haut », confirme Loïc Chouc. Sur son exploitation à Fenioux, l’éleveur va très vite abandonner la production de porcs standards (30 porcs par semaine sur 50). Dans quelques semaines tous les animaux seront engraissés en plein air. Seuls des produits estampillés du label rouge Porc fermier de Vendée sortiront de l’exploitation. Un transfert rendu possible par le débit du magasin Le Marché Bessines. Associé à d’autres formules commerciales - banc sous les halles à Niort, magasin à la ferme, projet en réflexion sur le marché de la restauration hors domicile – le chef d’entreprise se spécialise sur un créneau valorisant. Son produit y est vendu 170 euros contre 120 euros dans les filières traditionnelles. « La distribution c’est le nerf de la guerre. De nombreux consommateurs et notamment urbains s’intéressent aux produits fermiers. Leurs motivations sont multiples : la confiance dans celui qui produit, la qualité des produits... Mais, si les contraintes sont trop grandes, quand bien même la formule s’approcherait de leur idéal de consommation, ils reviendront à des modèles commerciaux plus standards », affirme-t-il. Le rayon légume de Plaisirs Fermiers a fait les frais de cette vérité lors du lancement de l’activité. « Avant que Mickaël Landreau n’ait assez de recul pour caler sa production sur le potentiel commercial, le rayon a manqué de produits. Aujourd’hui les choses sont rentrées dans l’ordre, le rayon est régulièrement achalandé. Des clients déçus au départ, nous affirment aujourd’hui que sans réaction de notre part, ils ne seraient pas restés. » Produits fermiers ou non, vente directe ou non, les règles du commerce s’imposent. « La vente est un métier », confirme Loïc Chouc convaincu que c’est le concept commercial qui fera la différence. « L’anonymat des grandes surfaces ne séduit pas les trente-quarante ans qui n’ont connu que ce modèle. » Pour autant, le temps de chacun est compté. Sur ce point le consommateur sait ce qu’il veut. Prendre en compte cette exigence sonne comme un impératif. Les acteurs du monde agricole seraient-ils entrain d’en prendre conscience ?
(*) Source Interbev. Chiffres donnés par Marc Pages lors du colloque viande organisé en marge de la foire concours de Bressuire en mars 2010.
Distributeurs de lait cru : bilan d'étape en demi-teinte
A Parthenay, à Niort, à Bressuire (*)… Les distributeurs de lait cru colonisent le département. Pourtant, après huit mois de fonctionnement, les associés du GAEC La Voie lactée de Vernoux-en-Gâtine sont quelque peu déçus. Le volume vendu quotidiennement, 40 à 50 litres, finance l’investissement, rien de plus. La période de lancement passée, les ventes ont chuté. L’objectif de 70 litres jour est bien loin. A Niort, Nicolas Prud’homme, du GAEC du Pis Aller est moins pessimiste. Le débit quotidien moyen est de 60 litres. « Ce sont surtout des personnes âgées qui achètent ce produit. Les jeunes connaissent peu. » L’exploitation étant située à 10 minutes du distributeur de lait, pour le GAEC les contraintes sont faibles. « Pour que l’activité se développe de manière significative, il faudra faire de la communication autour du produit. » Un lourd travail reste à faire. Chaque jour 2500 clients passent sur le parking du magasin Leclerc où se trouve l’outil. « Le potentiel est intéressant », note Nicolas optimiste, cependant le concept n’intéresse aujourd’hui que 1% à 2% des clients de la GMS où le distributeur est installé. Capter d’autres clients demandera de gros efforts.
(*) Installé à Bressuire, le distributeur de lait cru du GAEC La Maison neuve de Voultegon est en service depuis fin novembre.