Lait
Les producteurs de lait obtiennent gain de cause
A l’issue de plusieurs heures de négociations et plusieurs semaines de mobilisation des éleveurs laitiers, producteurs et industriels sont parvenus à un accord sur le prix du lait. Les producteurs ont obtenu la hausse de 10 % du prix du lait, demandée pour 2010.
Victoire syndicale pour les producteurs de lait. Ce sont les mots qu’arboraient les sourires des responsables de la FNSEA, de JA et de la FNPL, le 18 août en début de soirée, à l’issue de leurs négociations avec les transformateurs laitiers privés et coopératifs sur le prix du lait pour les deux derniers trimestres de 2010. Après plusieurs heures de tractations dans un lieu tenu secret jusqu’au bout, les producteurs ont obtenu gain de cause : une augmentation de 10 % du prix payé aux producteurs par les industriels sur l’ensemble de l’année 2010, soit une hausse de 31 euros par 1 000 litres et par mois jusqu’à la fin de l’année. L'ajustement des prix du mois de juillet sera effectué sur les payes du mois d'août. Les industriels ont donc accepté d’appliquer l’accord qu’ils avaient eux-mêmes signé le 3 juin 2009, et qui prévoit des augmentations de prix quand les marchés s’orientent à la hausse, ce qui est précisément le cas cette année. D’autant que les revenus des éleveurs ont chuté de plus de 50 % depuis un an. De source issue du milieu de la production laitière, ce sont les groupes coopératifs qui ont été les plus longs à céder. Mais, finalement, la mobilisation syndicale des producteurs sur le terrain depuis plusieurs semaines a payé.
« Toutes les bases de l'accord correspondent aux revendications que nous avions », a ainsi commenté devant la presse Henri Brichart, le président de la FNPL. Du côté de l'Association de la transformation laitière (Atla), qui représente industriels et coopératives, on salue « un accord réaliste et pragmatique ».
A partir de l’an prochain, il a été décidé d’intégrer un indicateur de compétitivité avec l’Allemagne notamment. Il s'appliquera sur les bases d'un écart maximum de prix avec nos voisins allemands de 10 euros sur les prix mensuels désaisonnalisés et de 8 euros sur une moyenne de 12 mois glissants. Le prix français ne pourra donc pas, sans être revu à la baisse, être supérieur de 8 euros par rapport au prix allemand. Pour la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL), il s’agit de « préserver la filière française d’un écart de compétitivité trop fort avec son environnement économique européen ».
Enfin, les producteurs et les industriels se sont entendus pour travailler rapidement et progresser sur les problèmes de couples volume-prix et les charges des exploitations laitières. Pour le premier point, il s’agit de différencier les volumes produits dans les différents territoires laitiers en fonction de leurs débouchés pour aboutir à un prix différencié payé à l’éleveur. Quant au second point, il s’agit de la prise en compte à l’avenir de l’évolution des charges de production des éleveurs dans les modalités de fixation du prix.
Henri Brichart, président de la FNPL : « On n’impose pas un prix aux producteurs de lait »
Un accord favorable a été obtenu par les producteurs de lait français. Qu’avez-vous envie de leur dire ?
Je suis satisfait pour deux raisons. La première victoire a été de faire revenir les industriels à la table des négociations, ceux-là même qui nous avaient imposé un prix en juillet. La seconde victoire tient dans cet accord qui améliore le prix du lait pour les deux derniers trimestres de 2010 et les producteurs en avaient bien besoin. Cet accord nous donne un peu de perspectives pour l’avenir.
Que contient dans les grandes lignes le compromis interprofessionnel du 18 août ?
Il entérine d’abord un prix du lait jusqu’à la fin de l’année 2010, avec une hausse de 31 euros par 1 000 litres pour les troisième et quatrième trimestres, soit une augmentation du prix de 10 % sur l’ensemble de l’année 2010.
En contrepartie, un nouvel indicateur de compétitivité avec l’Allemagne intégré pour 2011 va compléter l’accord du 3 juin 2009. Il doit permettre que le prix du lait en France ne soit pas trop décalé avec le prix pratiqué en Allemagne, et cela à la hausse comme à la baisse. C’est-à-dire que si le prix devait être supérieur outre-Rhin au prix en France, ce qui s’est déjà vu ces dernières années, avec un écart de prix dépassant celui décidé dans l’accord, le prix français viendrait alors s’ajuster à la hausse.
En outre, à moyen et long termes, l’accord prévoit que l’interprofession laitière avance sur la gestion des volumes et des prix différenciés, dans la perspective de la fin des quotas fixée en 2015. Pour nous, producteurs, cette approche, préconisée par la coopération laitière, est intéressante sous certaines conditions. Elle nécessite un travail de fond et les familles de l’interprofession devront se mettre d’accord.
Enfin, l’accord prévoit que l’interprofession définisse un indicateur sur l’évolution des charges de production des exploitations laitières, qui sera pris en compte afin de fixer les niveaux de prix. Ce travail débute à partir d’aujourd’hui pour une application en 2011.
Quels enseignements plus particuliers tirez-vous de ces âpres négociations ?
Nous ne sommes plus simplement dans une discussion sur le niveau des prix aujourd’hui. Il y a un certain nombre d’autres points sur lesquels nous devions nous mettre d’accord – l’indicateur de compétitivité, les charges de production… –, c’est le cas aujourd’hui. De plus, les coopératives laitières ont souhaité rester fermes sur la question de la différenciation volume-prix tandis que les industriels privés étaient plus focalisés sur l’écart de prix avec l’Allemagne en raison de leurs débouchés. Le groupe Bongrain, par exemple, exporte jusqu’à 50 % de ses produits outre-Rhin ; pour d’autres, en revanche, la dépendance vis-à-vis du marché allemand est moins vraie.
Comment éviter à l’avenir un nouvel épisode de tensions interprofessionnelles sur le prix du lait ?
La maîtrise du lait tient à deux choses. D’abord à la tenue des marchés laitiers qui relève fortement de la responsabilité des pouvoirs publics au travers de la PAC. Il faut répondre notamment à la question, dans le cadre de la future PAC d’après 2013, du maintien ou non d’outils de régulation des marchés.
Ensuite, cette maîtrise tient à la répercussion de ces marchés. C’est ici qu’interviennent les discussions entre producteurs et entreprises laitières.
Reste à poser une nouvelle relation entre les producteurs et les transformateurs, au travers de la PAC et au travers de la mise en place de la contractualisation décidée dans la dernière loi de modernisation de l’agriculture (LMAP). C’est là que va se décider l’équilibre des discussions entre les deux parties. Mais malgré les crises, le dialogue se poursuit. C’est la preuve d’une vraie responsabilité et maturité de la filière laitière en France.