Productions animales
Les productions animales dans l’étau des prix
Les éleveurs sont pris dans un étau entre les cours des viandes qui restent bas et les cours en hausse des grandes cultures qui vont inévitablement se répercuter sur l’alimentation du bétail.
Cours des viandes déprimés et hausse des prix mondiaux des grandes cultures : les éleveurs sont sous pression. En porc, les cours de l’été n’ont pas été au rendez-vous et devraient chuter en septembre. La viande bovine ne s’exporte plus et les prix restent bas depuis quelque temps. En parallèle, le cours des céréales est en sérieuse hausse partout dans le monde (+40% pour le blé en France depuis mai, 20 % pour le maïs, 7 % pour le soja), accompagnée d’une sécheresse qui réduit les rendements en fourrage. Et comme le précise Caroline Monniot, de l’Institut de l’élevage, « l’augmentation du prix des céréales aura un fort impact sur les coûts de production, en particulier pour les viandes de monogastriques. Mais la répercussion sur le prix de vente est difficile à prédire car le prix dépend aussi de la demande. En tout cas, les viandes bovines et ovines auront un petit avantage compétitif sur le porc et la volaille car leur production nécessite moins de céréales… ».
Coop de France complète : « Pour l’ensemble des animaux, les céréales constituent la composante principale des aliments monogastriques (porcs et volailles), elles jouent un rôle plus marginal dans les aliments pour les ruminants (25% en bovin viande, 20% en bovin lait contre 55% en porc et 63% en volaille) au profit des tourteaux protéagineux et des aliments plus cellulosiques, tels que les pulpes, la luzerne ou les coproduits céréaliers ». Une certitude donc, la hausse du prix des céréales va faire augmenter celui de l’aliment. Par ailleurs, le prix du tourteau de soja est aussi en augmentation et charge donc encore plus le prix de l’aliment.
Les fabricants d’aliments répercutent déjà, pour certains, cette augmentation des prix. Mais cette répercussion sera plus nette dans quelque temps, pour une durée malheureusement inconnue aujourd’hui. Importance des stocks des fabricants, maintien de prix de l’aliment concurrentiel, exploitation ou non des marchés à terme, évolution des cours du soja…, toutes ces incertitudes ne donnent effectivement pas une bonne visibilité. Par contre, selon Coop de France, les fabricants d’aliments devraient dans une certaine mesure « lisser l’amplitude des variations du prix des matières premières ». Au-delà de cette hausse du cours des céréales, les éleveurs de bovins viande, du fait de la sécheresse exceptionnelle de cette année, vont s’orienter vers une alimentation à base de concentrés, et ainsi très probablement faire monter encore les prix.
Or, la trésorerie n’est plus là. Les éleveurs de porc se sont endettés, souvent à court terme, du fait de la crise de 2007. Mais les cours du porc n’ont pas permis depuis de retrouver un équilibre du fait de la crise financière et de la chute de la consommation. Les éleveurs de bovins allaitants subissent « une crise continue depuis 2007 » avec un « revenu inférieur de 40% à la moyenne nationale agricole », selon la FNB. Avec la sécheresse, pas ou peu de fourrages ont été récoltés. Obligation donc pour alimenter les animaux cet hiver d’acheter de la paille dont les prix explosent (+/-100€/t) et des concentrés. Les éleveurs laitiers se sont, pour beaucoup, endettés en 2008 à la suite d’une euphorie des cours du lait. Dans tous les cas, les finances sont absentes et les dépenses à venir importantes.
Faire appel à la filière
Aussi le président d’Inaporc (interprofession porcine), Guillaume Roué, en appelait à l’ensemble de la filière, « à participer à un plan de sauvetage de la production porcine ». Il demande aux acheteurs d’accepter une hausse de 15 centimes du prix du kilo de viande répercutée aux consommateurs. Du fait de la récente envolée des cours des matières premières agricoles, le prix de l’aliment porcin a déjà augmenté de 35 euros/t, toujours selon Guillaume Roué, ce qui entraîne une hausse des coûts de production de 14 centimes/kg.
Depuis le début de l’année, le prix du kilo de porc payé au producteur est en moyenne de 1,28 euro, un niveau à peu près équivalent au prix de revient. « Mais cela signifie quand même que 50% des éleveurs perdent de l’argent », souligne Guillaume Roué.
La FNB tire elle aussi la sonnette d’alarme et demande de la part de la filière, une augmentation des prix à la production de 20% et aux pouvoirs publics, un plan financier de soutien et le respect des normes et contrôles européens pour les viandes importées des pays tiers.
Les éleveurs de volaille, quant à eux, travaillant pour une production très intégrée, vont aussi faire appel à la filière.
Les pays acheteurs en crise
« Les cours des bovins sont actuellement bas en raison de la consommation qui se porte sur des morceaux meilleur marché. En outre, la situation est très difficile sur les marchés d’exportation comme la Grèce et l’Italie, qui sont fortement touchés par la crise économique. La viande française devient donc difficile à placer », résume l’Institut de l’élevage. En juillet déjà, le marché italien du jeune bovin souffrait de la concurrence des viandes de l’est de l’Europe et de la descente en gamme des achats des ménages. En Allemagne aussi, la demande s’effondrait. « La récente augmentation du cours des bovins finis est saisonnière. Elle n’est due qu’à la reprise de la demande à l’approche de la rentrée », reprend l’Institut de l’élevage. Cet été, l’achat des broutards par l’Italie était aussi ralenti par la crise et les races charolaise et limousine semblaient particulièrement touchées. Cependant les acheteurs étrangers ne se tournaient pas vers d’autres sources d’animaux. Ils attendaient encore une baisse des prix liée à la conjoncture, à l’image des acheteurs français.