Lait
« Les stratégies doivent être en phase avec le marché »
La sortie des quotas bouscule le monde laitier. Les repères changent. Dans les campagnes, les producteurs sont inquiets. Pour donner l’occasion à chacun d’appréhender l’avenir qui se dessine, le GIE Elevage organisait mercredi 26 mars une journée d’information.
En dix ans le monde laitier s’est transformé. La sortie des quotas, processus qui arrivera à son terme en avril 2015, bouscule depuis lors la production laitière. L’artificielle stabilité des prix qui depuis 1983 a formaté les comportements, appartient au passé. Producteurs, représentants des outils économiques, étudiants, présents ce mercredi 26 mars à la journée de réflexion organisée par le GIE Elevage à Celles-sur-Belle, se sont vus confirmer la tendance qui depuis 2009 perturbe dans les élevages les budgets de trésorerie. « La volatilité fait partie du monde laitier », confirmait Benoît Rubin, de l’Institut de l’élevage. Alors que de belles opportunités de marchés s’ouvrent à l’export et notamment dans les pays asiatiques, « nous sommes convaincus que le prix du litre de lait globalement à la hausse, connaîtra des oscillations importantes dans les années à venir », jugeait Benoît Rouyer, du Cniel.
Les écarts de compétitivité entre la France et l’Océanie tendent à se resserrer, présentait ce dernier. « Les laiteries sont en capacité aujourd’hui de s’imposer dans les pays émergents qui tous sont déficitaires en produits laitiers. Les règles environnementales et sanitaires vécues comme de lourdes contraintes par les éleveurs français sont des atouts indéniables pour s’imposer sur l’activité grand export. Tout le monde a entendu parler des scandales sanitaires en Chine », argumentait l’expert.
Stratégie d’entreprise
Outre les ouvertures commerciales qu’ils représentent, ces nouveaux marchés convoités par certains groupes devraient libérer les tensions intérieures. Plus que jamais, stratégies industrielles et performance économique seront les éléments de la réussite. Vraie pour l’avenir des industriels laitiers, cette formule gagnante le sera également dans les entreprises de production laitière. « La sortie des quotas doit amener les éleveurs à s’intéresser à la stratégie de leur entreprise. Leur projet doit être en phase avec celui-ci. Pour avancer dans un environnement volatile, les outils devront être souples et robustes. Entendez performants sur le plan de la gestion », expliquait Benoît Rubin.
L’Institut de l’élevage a développé un outil baptisé Capacilait. « Il permet par une analyse de l’ensemble de l’exploitation de calculer le potentiel structurel de production de l’atelier et d’identifier les facteurs limitants et les leviers d’actions simples et rapides à mettre en œuvre pour produire plus si besoin. »
Ce travail, outre l’ouverture de perspectives de développement, a pour intérêt l’introspection qu’il impose. « Y a-t-il un intérêt à faire du volume s’il n’y a pas de revenu au bout ? Non. Or, les analyses montrent que ce n’est pas toujours le cas. Une ferme dont l’EBE avant main-d’œuvre divisé par le produit présenterait un résultat inférieur à 40 a tout intérêt à travailler à l’amélioration de l’efficacité avant de penser à augmenter la production », conseille le responsable du service économie de l’Institut de l’élevage. Les écarts de résultats observés sur un échantillon de 240 fermes homogènes montrent que des solutions sont possibles. « Le quart supérieur présente un résultat par UMO de 40 000 euros quand le quart inférieur présente un résultat négatif de 1000 euros par UMO. »
L’environnement dans lequel évoluent les producteurs laitiers est en pleine mutation. Cette période bouscule de nombreux repères altérant la confiance en l’avenir de nombreux exploitants. Pourtant, entendait-on la semaine dernière à Celles-sur-Belle, la région Poitou-Charentes a des atouts pour rester parmi les régions laitières de France.
« La dimension économique des outils est supérieure à celle d’autres régions telles que la Normandie ou les Pays de la Loire », soulignait Michel Debernard, économique à CERFrance Poitou-Charentes. « Vous faites jeu égal avec ces mêmes voisins en termes de résultat par UMO», poursuivait-il.
Réforme de la PAC et fin des quotas impactent les élevages
Pour faire face à deux événements majeurs qui vont impacter les élevages laitiers, la réforme de la PAC et la fin des quotas laitiers, les conseillers bovins lait de la chambre d'agriculture, Alain Ecale et Jérôme Piveteau, ont organisé des rencontres sur deux élevages pour évoquer la conduite des exploitations, l'impact de la réforme de la PAC et les stratégies d’adaptations possibles par la maîtrise des coûts et l’optimisation de la production aux capacités productives de l'exploitation (bâtiment, travail, surfaces fourragères…). Ainsi le 11 mars 2014, au Gaec Arnault à Luché-Thouarsais, l'exploitation qui compte 70 vaches et 104 ha dont 66 en surface fourragère et qui produit 677 000 litres de lait verrait son revenu diminuer de 12 % avec la réforme de la PAC d'ici 2019. Le coût de cet élevage est de 355 euros pour 394 euros/1000 litres de lait produits. « Une augmentation du nombre de vaches à 80 pour produire 750 000 litres pour compenser la perte générerait des modifications de traite et de travail, les autres facteurs comme la surface fourragère, les logements, les fourrages, l'environnement ne seraient pas limitants », ont noté les conseillers selon la méthode de l'Institut de l'élevage.
Sur l'exploitation du Gaec Le Colombier à Azay-le-Brûlé, le 20 mars, l'incidence de la réforme de la PAC serait quant à elle de moins 7 % soit – 8 euros par 1000 litres sur un produit de 443 euros/1000 litres et un coût de production de 334 euros. Si l’exploitation permet aujourd'hui de produire 550 000 litres avec 70 vaches pour atteindre la production de 700 000 litres avec 80 vaches avec le fonctionnement d'aujourd'hui, il faudrait surtout modifier la traite et le logement des vaches.
Dans tous les cas, ces simulations ont apporté des éléments de réflexion pour la recherche de stratégie dans l'objectif de baisse des charges et d'augmentation du produit.