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Les vacances de Monsieur Morin
Pour Jean-Christophe Morin, éleveur laitier, les vacances sont le soleil de sa vie. Un soleil étranger ou bien français, qu’importe. L’agriculteur organise son travail pour s’évader plusieurs semaines et week-ends par an.
Cet été, Jean-Christophe Morin part au Mont Dore. Une semaine seulement « car avec ma femme, nous nous occupons de l’organisation du festival Milk hip-hop ». Ce ne sont donc pas les contraintes de l’exploitation qui le retiennent au bercail. L’agriculteur organise son travail en fonction de ses voyages et de ses loisirs, lesquels, comme il dit, sont sa véritable passion.
A la tête d’un cheptel de 45 vaches de race prim’holstein, il a modelé son exploitation de 92 hectares située à l’Hôpitau à son image. La ferme est en effet un joyeux méli-mélo où se côtoient matériels agricoles et peintures murales. « J’aime mon métier mais je ne veux pas m’enfermer dans un milieu agricolo-agricole, je m’intéresse à plein d’autres choses. C’est un choix de vie ! » Aussi, pour cela, il a investi pour rendre son EARL performante. « J’estime que l’outil n’est pas mal mené, j’essaie d’optimiser le temps imparti au professionnel et mon matériel est en bon état de marche », souligne Jean-Christophe entre deux gorgées de café. Et surtout le quadragénaire accorde sa confiance.
« Je délègue facilement, je sais que je ne suis pas indispensable… », glisse-t-il le timbre enrobé de sérénité.
Aujourd’hui, seul sur son exploitation, l’agriculteur se fait remplacer pour s’octroyer des vacances d’hiver et d’été et se libérer trois week-ends par mois. Son fils travaillera avec lui, à mi-temps, dès le mois de septembre. Encore plus de souplesse pour s’évader, doit songer en silence Jean-Christophe.
« Vacances, j’oublie tout »
L’homme ne part pas le téléphone vissé à l’oreille. « Quand je voyage en France, je n’éteins pas mon portable mais je ne suis jamais dérangé. Ma femme téléphone régulièrement pour prendre des nouvelles des enfants. » Quant aux vaches, à les regarder, elles ne donnent pas l’impression de se sentir orphelines. Même quand l’exploitant sillonne le globe. Une décision souvent de dernière minute car lui et sa femme – qui travaille à l’extérieur - guettent les opportunités pour s’envoler à bas prix. « Nous sommes partis au Mexique à la dernière minute. A l’époque j’avais un salarié, c’était assez simple. Mais aujourd’hui, même seul sur l’exploitation, nous continuons à voyager. » La Grèce, la Roumanie… sa tête est emplie d’images cosmopolites qui incitent à la réflexion. A son retour de Madagascar notamment, il juge ses vaches bien dodues après avoir croisé des gens qui ne mangeaient pas à leur faim. « Il faut relativiser ! », lance-t-il.
Des vacances de père en fils
Chez les Morin, les vacances, c’est héréditaire. Le premier gène a été identifié chez M. et Mme Morin, les grands-parents de Jean-Christophe, eux aussi agriculteurs. « Dans les années 70, ils partaient déjà en vacances. Quand j’avais sept huit ans, on allait les rejoindre avec mes parents (NDLR, également agriculteurs) au camping de Saint-Jean-de-Mont. » Trois voire quatre jours de vacances durant lesquels les parents de Jean-Christophe se faisaient remplacer sur l’exploitation par son oncle. « Puis mes parents ont acheté une toile de tente et partir en vacances est devenu une règle. » Une règle d’or à laquelle se soumet avec enthousiasme et sans exception Jean-Christophe : « J’espère même passer tout mon temps à voyager, plus tard… »
L’actualité agricole détermine les destinations
Curieux de leurs collègues étrangers, les agriculteurs se rendent sur le terrain pour apprécier leur manière de travailler. Un phénomène qui s’est amplifié avec la naissance de la PAC et la multiplication des GAEC. Laquelle a permis aux agriculteurs de s’absenter de leur exploitation sans mettre à mal leur production. Environ quatre à se partager le marché français des voyages de groupes pour agriculteurs, les agences proposent des formules au gré de l’actualité agricole sur les plans économique, technique et politique. De plus, le voyage organisé permet de contourner le handicap de la langue et de se déplacer entre collègues, ce qui plaît particulièrement à la profession. « Les années se suivent et ne se ressemblent pas », souligne Claudine Le Calvez, adjointe au directeur d’Agri Pass, agence de voyage créée en 1988 et basée en Bretagne (*). Et de détailler : « Si on enregistrait douze groupes il y a deux ans pour partir au Brésil, cette année, nous n’en avons que deux. Le Brésil attirait pour son éthanol et son soja. Le phénomène Obama a dopé les voyages à destination des USA et aujourd’hui la Chine et l’Inde attirent, les agriculteurs veulent rencontrer leurs concurrents de demain. Quant à la Suisse, elle commence à séduire pour sa gestion des non-quotas ».
Céréales, élevage et maraîchage
Agri Pass fait voyager 150 groupes en moyenne chaque année. Majoritairement à l’étranger et minoritairement en France notamment les personnes âgées. « 90% sont des groupes d’agriculteurs céréaliers, éleveurs ou maraîchers. Le nombre de viticulteurs et d’arboriculteurs étant faibles », ajoute Claudine Le Calvez. Venant de Normandie, des Pays de la Loire, de Bretagne (le Sud-Ouest et la région lyonnaise étant moins concernés)… ces groupes d’agriculteurs décident de leur formule de voyage. Et l’agence s’adapte.
« Nous proposons des voyages axés à 100% sur le professionnel pour les groupes de jeunes tels que les JA. Pour les adhérents de coopératives et les groupements de producteurs, c’est 50% de tourisme et 50% de professionnel. Et enfin, nous proposons des voyages touristiques à 90% pour les retraités. » La fourchette de prix est large, de 300 à 4500 euros par personne. Quant aux voyages pour particuliers, une dizaine est organisée chaque année.
(*) www.agripass.com